Une merveilleuse pâtisserie lilloise qui s’installe à Prague
Un dessert phare du nord de la France peut depuis quelques mois être dégusté dans la capitale tchèque. Du chocolat, de la meringue, de la chantilly : le Merveilleux régale depuis longtemps les Lillois et s’attaque aujourd’hui aux papilles des Tchèques. Pas sûr qu’ils résistent longtemps à cette douceur des Flandres...
Même si son nom peut à première vue sembler prétentieux, le Merveilleux sait lui faire honneur. On pourrait même dire, sans mauvais jeu de mot, qu’il le porte à merveille. Mais qu’est-ce donc qu’un Merveilleux ? Victor Dewulf, co-gérant de la boutique du même nom installée à Prague, rue Revoluční, nous explique :
« Le gâteau le Merveilleux est l’appelation pour le gâteau au chocolat noir. C’est un gâteau qui vient du nord de la France. En France, on peut le trouver un peu partout, dans plein de boulangeries. Nous, nous nous sommes spécialisés dans ce gâteau et on a inventé d’autres parfums que le chocolat (qui est le Merveilleux). Le chocolat blanc, c’est l’Incroyable, mais on a aussi le Magnifique [aux pralinés], l’Impensable [au café], le Sans-Culotte [au caramel], l’Excentrique [à la cerise], donc toujours avec des noms assez glorieux. C’est un gâteau basique qu’on a amélioré et qu’on a fini. Il est composé d’une base de meringue, et nous, nous avons un secret sur cette meringue. C’est pour cela que notre Merveilleux, nos gâteaux resteront uniques. On a le secret qui lui permet d’être meilleur que les autres ! ».
C’est un secret qui a déjà plusieurs années, et qui a permis à Frédéric Vaucamps de construire autour de ce gâteau un véritable empire. Frédéric Vaucamps est un pâtissier originaire des Hauts-de-France. En 1985, il ouvre une pâtisserie classique dans laquelle il revisite pour la première fois le Merveilleux, un gâteau flamand vieux de plusieurs siècles. En 1997, il décide de faire du Merveilleux le gâteau star de sa nouvelle boutique. Il rachète un ancien commerce de textile de la célèbre rue de la Monnaie du Vieux-Lille et ouvre « Aux Merveilleux de Fred ».
Dans son antre, légèreté, gourmandise et qualité sont les maîtres mots. Les pâtisseries sont préparées devant les clients en continu, dans un salon aux décors baroques. Un décor en adéquation totale avec le nom du gâteau. Les Merveilleuses et les Incroyables étaient des jeunes femmes et des jeunes hommes, symboles de la nouvelle élégance sous le Directoire au XVIIIe siècle. Ils avaient l’habitude de se rendre dans des salons aux décorations très ornementées pour discuter politique ou littérature, et surtout pour être vus. C’est cet univers raffiné qu’a recréé Frédéric Vaucamps et qui lui a permis de devenir une véritable référence de la vie lilloise.
Le lustre en cristal de Bohême
C’est ce même univers que l’on retrouve aujourd’hui à Prague. Les douces gourmandises comme l’intérieur du magasin répondent à des exigences très précises pour être conformes au concept initial du Merveilleux de Fred. Parmi les incoutournables, un élément de la décoration essentiel de toutes les boutiques – qu’elles soient à Lille, New-York ou Tokyo – a poussé Romain Carrette et Victor Dewulf à se lancer dans cette folle épopée à Prague. Il explique :
« Le lustre, la pièce maîtresse des boutiques, vient toujours de Preciosa, qui est une société tchèque. On s’est dit que par rapport à l’histoire de ce lustre, ça serait extraordinaire d’ouvrir une boutique dans la maison mère. On a donc ouvert une boutique ici et on aimerait bien en ouvrir une autre ».
Ce lustre de cristal de Bohême, produit en Tchéquie donc, trône aujourd’hui dans chacune des quarante-sept boutiques du Merveilleux de Fred, et depuis peu, également à Prague.
L’ouverture d’un tel commerce a cependant supposé un changement de vie radical pour les deux gérants, aucun d’entre eux n’étant pâtissier de formation. Victor Dewulf :
« J’étais pendant cinq, six ans, policier à Paris. Romain travaillait en logistique. On a décidé tous les deux de changer de vie et de faire un truc un peu plus pour nous avec un produit, en tant que Lillois, qu’on adore, qu’on aime, et dans une ville qui est extraordinaire. Le combo de tout cela a fait que maintenant, c’est le rêve ».
Faire découvrir le Merveilleux aux Tchèques
Mais avant que le rêve ne devienne réalité, les deux hommes ont dû passer les étapes une à une. L’idée émerge il y a un peu plus de deux ans. C’est par un simple email à Frédéric Vaucamps que l’aventure commence. Les futurs chefs d’entreprise se voient ensuite envoyés dans des boutiques du Merveilleux de Fred pour être formés pendant six mois et ainsi apprendre la recette tant convoitée. Une fois la formation terminée, ils partent à Prague et s’entourent de nombreux Tchèques pour trouver des financements, un local et l’aménager comme il se doit. En décembre 2021, Romain Carrette et Victor Dewulf ouvrent les portes de ce temple de la gourmandise avec une idée en tête : faire découvrir le Merveilleux aux Tchèques.
« On est dans une rue (Revoluční) où on préfère toucher des locaux que des touristes, même si on a quand même des touristes. C’est un produit qu’on veut faire goûter aux résidents tchèques ».
Depuis l’ouverture, les affaires fonctionnent bien. Victor Dewulf se dit en phase avec les objectifs préétablis. Il confie même avoir déjà quelques habitués. En outre, si les Tchèques venaient d’abord pour consommer les classiques viennoiseries que proposent la pâtisserie, le Merveilleux a su se faire une place au fil des mois et est aujourd’hui tout aussi demandé que les croissants ou pain au chocolat. Mission accomplie pour les deux Lillois qui ont réussi à ouvrir la quinzième boutique du Merveilleux de Fred hors Hexagone.
Peut-être un peu difficile à prononcer pour un locuteur tchèque, le Merveilleux en langue locale serait traduit par báječný, skvělý, ou úžasný !