Une soirée de musique française

Serge Baudo

Mardi et mercredi, le public pragois a applaudi l'Orchestre symphonique de la ville de Prague qui a inauguré la nouvelle saison sous la baguette de son directeur musical, Serge Baudo. Le public a entendu "Le Carnaval romain" et "La mort de Cléopâtre" d'Hector Berlioz et, dans la seconde partie de la soirée, la version intégrale du ballet "Daphnis et Chloé" de Maurice Ravel. Dans l'entracte du concert, Serge Baudo a bien voulu répondre à quelques questions.

Est-ce qu'il y a quelque chose de symbolique dans le fait que vous ayez choisi pour ce concert inaugural de la saison un répertoire français?

"Je crois que ce n'est pas uniquement symbolique, on peut le dire comme ça, mais c'est aussi parce que l'orchestre désire avoir une plus grande connaissance du répertoire français et ils me l'ont demandé. Je crois que de leur part c'est une démarche très intéressante. Il est évident que parmi les oeuvres françaises l'intégrale de Daphnis et Chloé est un morceau unique. Pour moi c'est un chef d'oeuvre fabuleux. En plus, cela exige des instrumentistes toute la tradition et la technique française, autant des cordes que des bois. Alors c'est un gros travail mais l'orchestre est, comment dirais-je, tellement disposé, il collabore si bien avec moi. Cela a été un gros travail que nous avons fait avec beaucoup d'enthousiasme. Je tiens d'ailleurs à les remercier parce qu'ils étaient sous pression avec moi d'une manière terrible pendant cinq jours et le résultat, c'est qu'on arrive à trouver la transparence qui est indispensable et qui est quelquefois à l'opposé de la technique, notamment des cordes."

Dans la première partie de la soirée il y a eu des oeuvres d'Hector Berlioz. Pourquoi Berlioz est si peu joué en République tchèque?

Vous savez, je n'ai pas de réponse à ça. Je dois participer à un colloque sur Berlioz, à la Côte-Saint-André à Grenoble, prochainement, parce que c'est l'année du bicentenaire de la naissance de Berlioz. Nous nous interrogeons toujours sur ce phénomène y compris du coté des Français. Pourtant, Berlioz venait souvent jouer à Prague. Il a été accueilli, à son époque, avec beaucoup de ferveur. Alors j'essaie de le faire mieux connaître au public tchèque, et j'espère que cela va porter des fruits, petit à petit.

Dans la seconde partie de la soirée vous avez présentée la version intégrale du ballet Daphis et Chloé. On sait que Ravel a tiré deux suites orchestrales de la partition de Daphnis. Pourquoi avez-vous choisi pour cette soirée pourtant la version intégrale du ballet?

"Parce que le choix qui a été fait pour la première suite est pour moi un mauvais choix. C'est une partie un peu bruyante qui ne s'enchaîne pas du tout avec la deuxième suite. Or, il y a dans la version intégrale, depuis le début de l'ouvrage, une progression tellement exceptionnelle dans la musique, il y a un discours poétique tellement fabuleux, quelquefois aussi ironique, parce que Ravel avait aussi beaucoup d'imagination et beaucoup d'humour. J'ai trouvé que c'était important de faire connaître aussi la version intégrale, comme on doit connaître également la version intégrale de L'Oiseau de feu de Stravinski."