Vers une généralisation des contrats à durée déterminée ?

Photo: Commission européenne

Entrée en vigueur en août, une modification du droit du travail tchèque permet désormais aux entreprises d’employer des salariés avec des contrats à durée déterminée pouvant être renouvelés indéfiniment. Dans certains domaines d’activités et sous réserve d’accord entre les syndicats et le patronat toutefois. En janvier dernier, les CDD concernaient 344 000 personnes en République tchèque, une population visiblement destinée à croître.

Photo: Commission européenne
Jusqu’alors, un employeur pouvait recruter ses salariés pour une durée déterminée, mais seulement pour une période de trois ans tout en ayant la possibilité de reconduire deux fois successivement ce contrat. Ensuite, il était dans l’obligation de proposer à son employé un contrat à durée indéterminée ou de s’en séparer. Depuis le mois d’août, ce n’est plus le cas et un employé peut donc se voir proposer sans fin un contrat à durée déterminée.

Cet amendement au droit du travail était voulu par des organisations patronales dans l’agriculture ou le bâtiment, des domaines d’activités où le recours à des travailleurs saisonniers est courant. Président de la Confédération des employeurs et des entrepreneurs (l’équivalent du MEDEF en France), Jan Wiesner développe :

Jan Wiesner,  photo: Archives de Radio Prague
« Nous avons voulu cet amendement principalement pour les activités ou les secteurs qui sont susceptibles d’en profiter. Il s’agit tout d’abord des travails saisonniers, que ce soit dans le bâtiment ou dans l’agriculture, mais cela concerne aussi certains emplois dans les petites et moyennes entreprises. Comme on le sait, il n’y a pas tant de commandes que cela en ce moment et ce sont des commandes « à durée limitée ». Aucun employeur ne peut dans ces conditions se permettre d’assurer une relation de longue durée avec ses salariés. »

Le gouvernement de droite de Petr Nečas a été sensible aux sirènes du patronat et c’est le parti civique-démocrate ODS qui a porté ce projet d’amendement début 2013. Mais il n’était pas seul : de façon surprenante, le texte a également été soutenu par le parti social-démocrate (ČSSD), qui était alors dans l’opposition à la Chambre des députés et majoritaire au Sénat. Un de ses sénateurs, Petr Vícha, est même l’un des coauteurs de l’amendement. Il explique :

« La condition à notre soutien était d’obtenir l’accord des centrales syndicales et je pense que c’est une bonne chose. »

Photo: Archives de Radio Prague
Dans les branches d’activités concernées, un accord entre syndicats et patronat conditionne en effet l’application de cette modification du droit du travail. De plus, le parti social-démocrate et certaines centrales syndicales considèrent qu’en période de crise économique, cette mesure peut inciter certains patrons à embaucher. Pour justifier le soutien de son organisation à ce texte, le vice-président de la Confédération tchéco-morave des unions syndicales, Václav Pícl, évoque une disposition censée éviter que les employeurs n’abusent des contrats à durée déterminée. Ceux-ci doivent en effet fournir des raisons valables pour justifier qu’ils ne renouvellent pas un contrat de ce type.

Le CDD, un « contrat d’exception » en droit français, est donc amené à gagner du terrain en République tchèque, comme il le fait partout en Europe. Quand certains parlent d’une flexibilisation du marché du travail, d’autres y voient surtout une précarisation de la situation des salariés. Ainsi, le journal Lidové noviny remarque que les travailleurs sous contrat à durée déterminée deviennent en quelque sorte des « employés de seconde catégorie », notamment vis-à-vis des banques. Difficile voire impossible en effet de contracter un crédit immobilier ou tout autre emprunt auprès d’un établissement bancaire sans pouvoir justifier de revenus stables. Et le quotidien d’évoquer le stress induit par ces contrats dont les titulaires ne peuvent sereinement envisager l’avenir. Pavla Kreuzigerová, auteur d’un édito dans ledit journal, craint que les femmes soient à nouveau les premières victimes d’une généralisation des contrats à durée déterminée ; des contrats qui, selon elle, permettraient de licencier en toute simplicité une employée destinée à partir en congé maternité.