Viola Fischerová, poétesse qui voyait sous la surface des choses

Viola Fischerová

La disparition de la poétesse Viola Fischerová laissera un vide dans la poésie tchèque. Elle a publié plusieurs recueils d’une grande profondeur. Elle est également auteur de livres pour enfants et traductrice de la correspondance de Franz Kafka et d’Elias Canetti. Elle a été emportée par une maladie, ce jeudi, à l’âge de 75 ans.

Viola Fischerová
Viola Fischerová commence à écrire dans les années 1950 mais son premier recueil « Propadání (L’enfoncement) » ne sera lu et apprécié que par ses amis. A cette l’époque, elle fait partie du cénacle de jeunes écrivains nés autour de l’année 1936 qui compte parmi ses membres les futures dramaturges Václav Havel et Josef Topol, le poète Jiří Kuběna, les prosateurs Jan Zábrana et Věra Linhartová et autres. La compagnie de ces jeunes artistes promis à un brillant avenir donne sans doute à la jeune Viola de nombreuses inspirations, mais finit par briser son envol poétique :

« J’ai cessé d’écrire à peu près à l’âge de 24 ans. C’était un traumatisme. J’ai été envoûtée par les proses de Věra Linhartová. Et comme je ne pouvais pas faire quelque chose de semblable à ces textes, comme je ne pouvais pas les égaler, je me suis dit qu’il serait mieux de ne pas écrire du tout. Et à ce moment-là Bohumil Hrabal m’a dit que Linhartová m’avait brûlé le cerveau. »

Viola Fischerová
Viola Fischerová est née en 1935 à Brno. Après des études de slavistique dans sa ville natale et à Prague, elle travaille dans la section littéraire de la radio. Lorsque le pays est envahi, en 1968, par l’armée soviétique, elle choisit l’exil et part en Suisse avec son mari, l’écrivain Pavel Buksa. L’existence de couple d’exilés n’est pas facile, Viola fait divers travaux pour gagner sa vie, elle étudie et enseigne. En 1984, son mari se suicide et la poétesse n’en finira pas de se demander pourquoi. Ce coup de sort la rend cependant à la poésie. Un jour lorsqu’elle va au cimetière où repose son mari, elle a un sentiment très fort de la présence du disparu et elle note ses impressions sur le papier. Lorsqu’elle relit ces notes, elle se rend compte qu’il s’agit d’un poème, le premier poème, le poème clé de son futur recueil « Le Requiem pour Pavel Buksa ». C’est par la poésie qu’elle cherche à comprendre le geste désespéré de son mari :

« Cette question, trouver la réponse à cette question, c’est ce qui m’a poussé à écrire ce livre. Et que la poésie soit apparue après vingt-cinq ans comme instrument, c’était une énorme surprise pour moi. Je pensais qu’il ne s’agirait que d’un seul livre mais vers la fin de ce travail un autre livre commençait déjà à germer et ainsi de suite. Et Hrabal, quand je lui ai apporté le recueil ‘Le Requiem pour Pavel Buksa », m’a dit : ‘La mort de Pavel a brisé ton envoûtement par Linhartová qui te paralysait. »

« Pavillon dans un vignoble »
C’est donc encore l’écrivain Bohumil Hrabal, son ami et confident, qui lui ouvrira les yeux. Viola Fischerová s’installe en Allemagne, se remarie et travaille pendant un temps pour la station Europe libre. Après la mort de son second époux en 1990, elle revient à Prague et elle publie plusieurs livres de poésie. Elle partage dès lors son existence entre son domicile pragois et un petit pavillon situé dans un vignoble sur l’île d’Elbe dans la Méditerranée. Cette maisonnette donne aussi le nom à un livre. Son recueil « Domek na vinici (Pavillon dans un vignoble) » vaut à Viola Fischerová en 2010 le Prix Magnesia Litera, probablement le prix littéraire le plus prestigieux de République tchèque.

Les poèmes simples et dépouillés qu’elle nous laisse sont autant d’interrogations sur le temps qui passe, sur l’amour, la mort et la solitude. Ils lui ont été dictés par une volonté constante de pénétrer sous les apparences, de ne pas se laisser leurrer par la surface des choses. Interrogeant la vie, elle a failli dévoiler le mystère de la mort.