Vojtech Preissig : un graphiste productif et un artiste engagé

La peinture par Vojtech Preissig
0:00
/
0:00

Les Français connaissent bien le graphiste tchèque Alfons Mucha, qui a immortalisé Sarah Bernhardt sur ses célèbres affiches. Un peu moins connu, en tout cas en France, Vojtech Preissig n'en est pas moins une figure incontournable des arts graphiques tchèques. C'est ce dont rend compte l'exposition qui se tient, jusqu'au 30 janvier, au Manège du Château de Prague.

Pour parler de Vojtech Preissig, graphiste et illustrateur tchèque né en 1873, qui travailla notamment pour les revues françaises bien connues L'art décoratif et L'assiette au beurre, j'ai rencontré Lucie Vlckova, curatrice du fond d'art graphique du Musée des Arts et Métiers de Prague, qui est l'une des institutions organisatrices de l'exposition.

« Dans le domaine du graphisme tchèque, la situation était la suivante : le graphisme a commencé à vraiment percer, à se faire valoir et à réagir dans son expression la plus moderne à la fin du 19e siècle, et il s'agissait beaucoup plus d'activités isolées menées par des artistes qui, justement, dans les années 1890, se rendaient à Paris, métropole moderne qui était le centre de gravité de tout ce qui se passait à l'époque. Et c'est à ce moment-là qu'arrive aussi Preissig, entre 1898 et 1899, à l'âge de 27 ans, après avoir fait des études d'art décoratif à l'Ecole des Arts et Métiers de Prague. Il arrive dans l'atelier d'Alfons Mucha. C'est intéressant de voir que dans sa correspondance, il n'y a que très peu de choses sur Mucha, apparemment, il ne le considérait pas vraiment comme son professeur. Mucha était sans doute trop connu, une personne un peu trop « mondaine », alors que Preissig était d'une toute autre nature, c'était plutôt un solitaire, qui faisait ses expériences au calme, par exemple avec la photo, dont il a commencé à s'occuper justement à Paris. »

Pour Lucie Vlckova, l'importance de Preissig est indéniable :

« On dit souvent que Preissig était absolument inconnu, comme laissé de côté, et tout d'un coup rédécouvert, ce n'est pas vrai du tout. Déjà de son vivant, à Paris notamment, il était relativement connu. Et après son retour de Paris, au cours des dix premières années du XXe siècle, c'était ici une « star » dans le domaine graphique, comme, par exemple, avec son exposition qui s'est déroulée en 1907, puis s'est déplacée à Vienne, et dont on n'a que des échos positifs. Tout le monde savait de qui il s'agissait. En aucun cas, on ne peut dire qu'il ait été incompris. Le problème, c'est quand il est parti en Amérique, en 1910. Bien qu'il ait gardé contact avec certains de ses amis, ce qu'il faisait là-bas manquait de visibilité. »

Outre ses travaux graphiques décoratifs, illustrations de livres, motifs de papier-peint, affiches, couvertures de revues, Vojtech Preissig avait aussi mis son talent au service d'une cause. Et son engagement est à cet égard remarquable : d'une part en faveur de la création de l'Etat tchécoslovaque, pour lequel il réalise même un projet de drapeau national, d'autre part dans sa défense, puisque revenu des Etats-Unis en 1931, il fait partie de la résistance contre l'occupation nazie, ce qui lui vaudra d'être envoyé à Dachau où il mourra en 1944. La période communiste ne lui sera guère plus favorable, si l'on excepte la courte éclipse du Printemps de Prague où une exposition lui a été consacrée. Celle qui se déroule à l'heure actuelle lui fait suite. Elle permet de prendre la mesure de l'ancrage de Preissig dans l'histoire du graphisme en Tchéquie et de la grande variété de son oeuvre.

Pour en savoir plus : http://preissig.ngprague.cz/main.php