West Ham, le plus tchèque des clubs anglais champions d’Europe
Šmicer et Baroš avaient remporté la finale inoubliable de Ligue des Champions en 2005. L’autre duo tchèque Souček et Coufal vient d’écrire une nouvelle page de l’histoire du football tchèque sur la scène internationale. Le club de West Ham a remporté mercredi la Ligue Europa Conférence contre la Fiorentina (2-1). Dans la tribune VIP du stade du Slavia se trouvait exceptionnellement le propriétaire du Sparta, le milliardaire tchèque Daniel Křetínský, actionnaire du club londonien depuis fin 2021 et dont les ambitions outre-Manche ne semblent pas se limiter à un peu plus du quart du capital du nouveau champion d’Europe. Frédéric Happe est le correspondant de l'AFP à Londres pour le sport. Il a répondu aux questions de RPI.
Longtemps un peu raillé à Prague à cause des déboires du Sparta avant le titre de cette année, Daniel Křetínský remporte déjà un trophée européen avec West Ham – on peut supposer que personne ne va se moquer de son investissement dans le football anglais ?
Frédéric Happe : « Non, c’est sûr qu’hier West Ham a écrit une des plus belles pages de son histoire, même si la Ligue Europa Conférence est une coupe d’Europe que certains snobent un peu. On l’a vu à leur joie sur le terrain, après une saison difficile en championnat. Pour Daniel Křetínský, ce sera une des choses dont il va pouvoir se targuer et une belle ligne sur son palmarès. »
Comment est-il vu à Londres ? En France, où son groupe a également investi en masse, il y a eu une certaine méfiance au départ envers ‘un homme venu de l’Est’ que certains ont supposé d’emblée lié à Poutine. En Angleterre, y a-t-il eu la même méfiance après son entrée notamment dans le capital de Royal Mail, Sainsbury’s et donc West Ham ?
« Pas vraiment. C’est vrai que le football anglais est globalement assez ouvert aux investisseurs étrangers, dont certains sont considérés beaucoup plus problématiques que Daniel Křetínský. »
« Ce qui le marque surtout est cette aura de mystère, ce surnom de sphynx, qui est mérité car il s’exprime très peu. Il a acquis 27% du capital du club pour le moment mais il est remarquablement discret, il a donné une interview récemment au Times mais c’est vraiment exceptionnel. »
« Son arrivée a été plutôt bien perçu, d’une part parce qu’il a acheté sa part à un prix assez élevé, ce qui montre qu’il a de l’espoir pour West Ham et d’autre part il a laissé aux gens les plus compétents le rôle de gérer le club, ce qui est très bien vu ici. »
Le décès en début d’année d’un des actionnaires majoritaires de West Ham, David Gold, va changer la donne. Il semble que les ambitions de Daniel Křetínský ne s’arrêtent pas à ces 27%, on parle également du stade…
« Oui il y a beaucoup d’incertitude dans ce dossier-là. C’est vrai qu’on s’attendait à ce que Daniel Křetínský veuille assez vite une part majoritaire dans le club. Il fallait attendre le mois de mars en raison de potentielles lourdes pénalités à payer par les propriétaires actuelles s’ils cédaient le club – liées au contrat de location du London stadium bâti pour les Jeux Olympiques et que le club a repris. »
« On ne sait pas vraiment quelles sont les intentions des héritiers de David Gold, ce qui est une première inconnue. Sur le plan sportif, la situation du club en mars était un peu incertaine avec la menace d’une relégation. Cela a peut-être poussé Daniel Křetínský à jouer la montre. Maintenant cette hypothèque est levée donc les choses devraient bouger bientôt, avec aussi un fonds d’investissements américain 777 Partners, qui voulait racheter Everton mais n’a pas pu et qui s’intéresserait désormais à West Ham. Cela devrait se préciser dans les semaines ou les mois qui viennent. »
Dans l’effectif actuel de West Ham figurent de nombreux internationaux, français, marocain, brésilien, algérien, anglais et tchèques. Sait-on qui va rester, partir ou arriver ? On sait déjà que Declan Rice est sur le départ…
« Le plus gros dossier sera Declan Rice, un jouer emblématique formé au club qui a grandi avec lui pour devenir aussi un joueur majeur de l’équipe nationale anglaise. West Ham ne va pas le brader, il est encore sous contrat et ils espèrent tirer beaucoup d’argent de la transaction. »
« L’incertitude sur le contrôle du capital du club va un peu freiner les ardeurs. Daniel Křetínský a aussi signalé qu’il avait une vision très prudente de la gestion des clubs dans une Premier League très compétitive qui peut inciter à faire des folies. Le désir de renforcer l’équipe est réel, comme ils l’ont fait notamment l’été dernier avec le Brésilien Lucas Paquetá. Ils auront des idées, David Moyes restera l’entraîneur, il connaît bien son club – ils seront actifs mais raisonnables sur un marché toujours très difficile où les risques sont grands. »
Ce titre gagné à Prague assure en tout cas à West Ham des rentrées d’argent qui ne pouvaient être espérées avec la 14e place en championnat…
« Oui. Ce n’est pas la manne financière de la Ligue des Champions, mais pour un club comme West Ham cela représente une dizaine ou une vingtaine de millions d’euros, entre les droits de diffusions, la billetterie et les dotations s’ils vont plus loin dans la compétition. Dans un budget cela peut faire la différence pour attirer des joueurs ou développer le stade et les infrastructures. Cela va mettre du beurre dans les épinards et c’est toujours bienvenu pour un club comme West Ham. »