1945-1968 : une exposition confronte Russes libérateurs et Russes occupants
1945 – les troupes soviétiques sont accueillies en Tchécoslovaquie comme des libérateurs, avec des bouquets de fleurs et des sourires. 1968 – les troupes du Pacte de Varsovie se heurtent à une population tchécoslovaque en colère... Dana Kyndrová est photographe, et elle a monté une exposition qui confronte ces clichés au Mánes, dans le centre de Prague... Elle nous explique comment est née cette exposition.
« Elle est née à Moscou : c’est un peu étrange... J’avais un projet sur le départ des troupes soviétiques de la Tchécoslovaquie au début des années 1990. Il y a cinq ans, on a voulu faire une exposition à Moscou avec ce projet. La directrice de la maison de la photo à Moscou a dit : ‘on va faire une exposition sur les Russes chez vous, c’est à dire 1945, 1968 et leur départ...’ Moi, je pensais que ce serait difficile de faire cela en Russie, mais elle m’a dit qu’aujourd’hui la Russie était différente et que ça passerait. Finalement, rien ne s’est fait. Mais moi, j’ai commencé à collecter des photos. Pendant quatre ans, j’ai visité les archives, les musées, j’ai rendu visite à des photographes. Le résultat, ce sont 280 photos exposées. »
280 photos qui sont donc exposées dans la salle du Mánes. La troisième partie du triptyque, c’est-à-dire le départ des troupes soviétiques, va-t-elle être aussi exposée ?
« Elle est exposée en fait, mais au couvent des Franciscains, sur la place Jungmann. C’est mon exposition, et elle dure jusqu’au 7 septembre. »
Dans la salle du Mánes, il y a une partie plus courte avec une centaine de photos de 1945 et sur 1968, avec une partie plus importante... Comment avez-vous récolté toutes ces photos, surtout celles de 1945 qui doivent être moins nombreuses ?
« Elles proviennent surtout des musées et des archives, et elles sont assez nombreuses en fait. Mais j’ai voulu choisir les meilleures pour cette exposition. »
En ce qui concerne les photos de l’invasion en 1968, vous y avez intégré des photos de Josef Koudelka, dont les photos sont très connues. Mais qui sont les autres photographes ?
« Les photos de Josef sont les icônes de 1968. Il fallait évidemment en avoir. C’est lui-même qui a voulu que ses photos soient avec celles des autres photographes tchèques et slovaques. Le livre est sorti en parallèle de l’exposition, c’est historique pour la photo tchèque et slovaque car c’est la première fois qu’on peut voir toutes ces photos ensemble sans critères idéologiques. Il y a beaucoup de photographes qui étaient très jeunes en 1968 et qui ont fait des études de photo après. Il y a par exemple Jan Reich qui, aujourd’hui, fait des photos de la nature, mais à l’époque a fait un reportage sur l’occupation. Il y aussi celles de Markéta Luskáčová qui a longtemps vécu à Londres. Il y a des photos de Vladimír Lammer dont l’une sert de couverture pour le livre : on y voit un homme, avec un cartable, qui regarde un char qui arrive sur la place Venceslas. Pour moi, cette photo est très représentative de notre nation : on peut seulement regarder ce qu’il se passe, car nous sommes tellement petits... Les photos de Josef Koudelka, elles, sont dramatiques... Ce sont des émotions fortes sur quelques journées, mais après, la réalité reprend le dessus et on ne peut que regarder ce qu’il va se passer, car les autres nations dirigent... »Ce qui est intéressant dans cette exposition, c’est que vous présentez des photos de l’invasion à Prague, mais pas seulement, il y a des photos d’autres villes du pays, ce qui est plus rare...« Oui, j’ai aussi voulu montrer Brno, Ostrava et surtout Liberec, où il y a eu les premiers morts le 21 août. On a retrouvé des photos, très belles, dans les archives de l’ancienne police secrète. Et il y a aussi des photos de Bratislava. »
L’exposition intitulée 1945-Libération, 1968-Occupation, c’est dans la salle du Manes à Prague jusqu’au 28 septembre.