Revue de presse : Alain Delon, un acteur magique pour les Tchèques
Prague demeure-t-elle le moteur de la modernisation du pays ? Un élément de réponse dans cette nouvelle revue de presse. Un autre sujet traité : les nouvelles leçons à tirer de l’invasion de la Tchécoslovaquie en août 1968. Un rappel également de quelques curiosités sur le tournage du film Amadeus dans l’ancienne Tchécoslovaquie, sorti à l’écran il y a 40 ans, et un mot sur le départ d’Alain Delon.
« Tant que Prague ne se réveillera pas, l’ensemble de la Tchéquie ne s’améliorera pas » : tel est le titre percutant d’un texte publié sur le site Seznam Zprávy qui indique :
« La Tchéquie ne fait pas exception à la règle qui dit que les grandes villes sont les moteurs de la modernisation de leur pays. Heureusement, nous avons plusieurs moteurs, contrairement à la Hongrie ou à la Slovaquie, par exemple. C’est le cas des villes de Brno, Plzeň, Ostrava, Liberec, Hradec Králové et Pardubice. Pourtant, c’est Prague qui occupe une position stratégique et dont le rôle est essentiel. Le fait que la capitale tchèque ne tire plus la modernisation est l’une des raisons de la stagnation globale du pays. »
Les causes de la perte du dynamisme de Prague, comme l’indique l’éditorialiste du site, sont très complexes :
« Tout d’abord, ce sont les prix absurdement élevés des logements qui limitent la fluidité nécessaire de la ville et la mobilité de ses habitants, de même que l’afflux de jeunes ménages et de familles. S’agissant du logement social, courant dans les métropoles voisines telles que Vienne, Berlin et Munich, Prague a un grand retard à rattraper, bien que le problème et ses solutions soient connus depuis longtemps. Il semble également que Prague ne soit pas à même de mettre en œuvre les connaissances scientifiques élémentaires pour le bénéfice et la protection de ses habitants. Le fait que la gestion d’un programme complexe visant à protéger la ville, et notamment son centre historique, de la forte hausse des températures, due au changement climatique, s’impose beaucoup plus difficilement que le projet d’une nouvelle salle de concert ou la reconstruction de la place Venceslas en est une preuve éclatante. »
De nouvelles leçons à tirer des événements d’août 1968
« Pendant des années, on était habitué à se rappeler l’invasion de la Tchécoslovaquie en août 1968 par les troupes du pacte de Varsovie de manière assez routinière, sans y chercher des messages cruciaux pour le présent. A partir du moment où les chars russes se dirigent de nouveau vers l’ouest, c’est différent. » Un avis exprimé dans un texte publié dans le quotidien économique Hospodářské noviny. Evidemment, comme le constate son auteur, la situation actuelle n’est pas la même qu’il y a cinquante-six ans mais des leçons peuvent pourtant être tirées des événements passés :
« Une certaine naïveté de l’époque nous enseigne que nous ne devons en aucun cas nous rassurer en pensant que rien ne peut nous arriver. Beaucoup de gens prétendent aujourd’hui que nous ne sommes pas menacés par la Russie, qu’elle est loin, qu’elle n’a pas d’intérêts particuliers dans notre pays, etc. Mais c’est faux. Le nom de l’empire russe, ainsi que ses accents idéologiques formels ont peut-être changé, mais l’empire demeure toujours aussi agressif. »
La deuxième leçon évoquée par l’éditorialiste du journal est liée à la trahison :
« En 1968, il y avait beaucoup de personnes en Tchécoslovaquie qui attendaient avec impatience l’arrivée des Russes. Aujourd’hui, il y a également un certain nombre de personnes qui sympathisent avec la Russie de Poutine et qui le masquent en brandissant des drapeaux tchèques, en se déclarant patriotes, et ayant souvent à la bouche le mot liberté. L’expérience de 1968 nous a appris également qu’il serait dangereux, voire suicidaire, de faire la moindre concession à la Russie. »
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Il s’avère donc, comme le constate l’éditorialiste de Hospodářské noviny, que les événements d’août 1968 nous touchent aujourd’hui à bien des égards avec une nouvelle intensité. « Nous pouvons, bien sûr, succomber à nouveau à l’idée naïve que nous ne sommes pas en danger et sous-estimer la cinquième colonne intérieure. Mais dans un tel cas, nous ne devrons pas être surpris si l’histoire s’éveille pour nous asséner un nouveau coup. »
Alain Delon, un acteur magique pour les Tchèques
Le départ d’Alain Delon à l’âge de 88 ans a occupé une place importante dans les médias tchèques. La chroniqueuse du quotidien Lidové noviny, par exemple, a écrit :
« Il était le plus beau, il avait des yeux bleu ciel, un sourire ravageur. Sa beauté était angélique et, en même temps, il avait en lui quelque chose de dangereux voire de destructeur. Français, il vivait et faisait des films dans une partie de l’Europe qui nous était interdite, ce qui augmentait son attrait pour les spectateurs tchèques. Dans l’ancienne Tchécoslovaquie, depuis les années soixante, les femmes et les jeunes filles divisaient leurs sympathies entre Delon et Belmondo. Les deux étaient fabuleux, mais Delon représentait le véritable idéal de beauté. Mais la beauté ne suffisait pas, il était également un acteur très doué. D’une certaine manière, il a remplacé la grande star du cinéma français de l’après-guerre, Gérard Philippe, qui est mort prématurément en 1959, l’année où Delon a tourné son premier bon film, Plein soleil. »
La chroniqueuse de Lidové noviny n’omet pas de remarquer que certaines des opinions et déclarations de l’acteur étaient excessives et que, probablement, il n’a pas vécu une vieillesse heureuse tout en ajoutant que « cela ne change rien au fait qu’il était un acteur magique ».
L’histoire remarquable du film Amadeus
La dernière édition de l’hebdomadaire Respekt a consacré plusieurs pages au film Amadeus de Miloš Forman, huit fois oscarisé, qui a été tourné en 1983 dans l’ancienne Tchécoslovaquie. Le 19 septembre, quarante ans se seront écoulés depuis sa première américaine. L’hebdomadaire en profite pour rappeler plusieurs curiosités liées au film :
« A l’époque, on a pu voir à Prague des files d’attente de gens qui se précipitaient pour voir le film. Un intérêt accru étant dans le pays habituel pour les titres américains attrayants, il l’était évidemment plus grand encore en lien avec une œuvre de Miloš Forman, réalisateur de films à succès comme Au feu les pompiers ou Les amours d’une blonde. Toutefois, ce film a été présenté dans le pays sans tambour ni trompette, car les émigrés étaient personae non gratae pour le régime communiste, surtout lorsqu’il s’agissait d’émigrés célèbres comme Forman. Même dans les annonces de concours de figurants, son nom n’était pas autorisé à apparaître pour des raisons politiques. Et encore, trois ans auparavant, les journaux et la télévision ont passé sous silence le tournage du film, en dépit de ce qu’une partie importante de la communauté culturelle pragoise en était bien informée. »
La chroniqueuse de Respekt remarque également que le cinquième film réalisé par Forman après son départ pour les Etats-Unis à la fin des années 1960, a marqué le cinéma national avant et après 1989 :
« Sans vouloir construire un mythe autour de lui et sans surestimer son rôle, il y a lieu de constater que c’est grâce à lui que la Tchéquie est devenue un lieu de tournage recherché par des équipes d’Hollywood dans les années 1990 et qu’une importante industrie de services pour les productions étrangères, telle que nous la connaissons aujourd’hui, s’y est au fur et à mesure développée. Cependant, l’impact sur l’industrie cinématographique n’est qu’une partie d’une histoire remarquable. Amadeus a également marqué de manière indélébile la vie de nombreuses personnes qui ont travaillé sur le film – depuis les chefs de production de Barrandov en passant par les danseurs jusqu’aux costumiers. Ceci non seulement sur le plan professionnel, mais aussi sur le plan humain, car dans une société communiste rongée par la méfiance, la gentillesse et la reconnaissance n’étaient guère de mise. »