2011: L’année des Rožmberk

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L’année 2011 sera en République tchèque l’année des Rožmberk - Rosenberg, puissante famille aristocratique qui a fait construire des châteaux et monastères, façonné des villes comme Český Krumlov et assuré pendant près de quatre siècles la prospérité économique et culturelle de toute la région de Bohême du sud. Et pourquoi l’année des Rožmberk ? La raison de ce choix est que cette année, 400 ans se seront écoulés depuis la mort de Petr Vok, le dernier membre de cette dynastie, l’une des plus influentes de l’histoire tchèque.

Des centaines de manifestations échelonnées sur toute l’année sont programmées pour la célébration du 400e anniversaire de la disparition de Petr Vok. Le projet est intitulé L’année des Rožmberk, et il a démarré le 9 décembre par une exposition dans les locaux du palais Rožmberk au Château de Prague. L’Année de la rose est le titre de cette exposition, d’après la rose à cinq pétales qui forme les armoiries des Rožmberk. C’est le dernier membre de la dynastie, Petr Vok (1539 – 1611), qui l’a rendue célèbre, a indiqué au vernissage Petra Jánská, une des commissaires :

« Petr Vok s’est illustré par ses activités de mécénat, son grand attachement et son patriotisme à l’égard de la Bohême du Sud. Les objets exposés documentent les activités des Rožmberk dans la fondation des villes d’eaux et des brasseries, leurs activités dans l’aménagement des étangs pour lesquels la Bohême du Sud est réputée. La famille des Rožmberk nous a aussi laissé un riche patrimoine sous forme de monuments culturels. »

Petr Vok
La dynastie compte parmi les plus influentes de Bohême. Ses membres occupent de hautes fonctions à la cour du royaume. La personne du dernier membre des Rožmberk, Petr Vok, est entourée de légendes. Au fil du temps apparaît l’image d’un libertin, d’un homme débauché à l’excès qui aime la compagnie de belles dames. Qui était exactement Petr Vok, quelle était son importance, sa place dans l’histoire tchèque ? Des réponses avec le professeur Jaroslav Pánek de l’Institut d’histoire de l’Académie des sciences :

« Petr Vok de la dynastie des Rožmberk en tant qu’aristocrate le plus populaire de l’histoire tchèque était déjà une légende de son vivant. Jusqu’à aujourd’hui, de multiples aventures amoureuses lui sont attribuées. Cette image est toutefois fausse. En dépit de sa réputation, c’était un homme érudit, éclairé. A l’âge de 50 ans, Petr Vok vit une conversion profonde : il abandonne la religion catholique, et se convertit à l’Unité des frères. Le reste de sa vie est consacré à des activités caritatives. Il se sent proche des pauvres et Třeboň où il se réfugie, y attire des veuves, des invalides de guerre, des mendiants, des handicapés, tous ceux qui ont besoin de secours et auxquels le seigneur de Rožmberk est prêt à apporter son aide. »

Et le plus grand mérite de Petr Vok ? On écoute le professeur Pánek:

Petr Vok
« Le plus grand mérite de Petr Vok est d’avoir détourné la menace de guerre qui venait de la part du royaume de Bohême : une décomposition réelle du pouvoir risque de se produire en 1611, la dernière année de la vie de Petr Vok, lorsque l’empereur Rodolphe II, sous l’effet de troubles psychiques dont il souffrait, fait venir dans le pays des troupes étrangères de Passau. Les mercenaires occupent la moitié de la Bohême du Sud et ne s’arrêtent qu’aux portes de Prague. Face aux atrocités commises, Petr Vok est le seul homme à se rendre compte que pour que la guerre ne dure pas longtemps, il faut payer une solde aux mercenaires. N’ayant pas d’enfants, il prend une décision qui est sans précédent : faire refondre en pièces de monnaie le trésor d’argent des Rožmberk et verser ces pièces aux troupes étrangères fortes d’environ 10 000 hommes. »

Perchta de Rožmberk
Cette décision qui sauve une grande partie de la Bohême d’un désastre est à l’origine de la naissance de la légende de Petr Vok. La légende est décrite au XVIIe siècle par le jésuite Bohuslav Balbín qui y ajoute encore celle sur la mystérieuse dame blanche prénommée Perchta de Rožmberk, considérée comme l’ange gardien des pauvres et des nécessiteux et dont la silhouette translucide se promenait la nuit dans les couloirs du château de Rožmberk. A l’endroit où sa silhouette passait à travers le mur, un fabuleux trésor d’argent – le trésor des Rožmberk, serait retrouvé, selon la légende.

Petr Vok et son épouse Kateřina de Ludanice
La liste des institutions impliquées dans le projet intitulé L’Année des Rožmberk est longue : le ministère de la Culture, l’Institut du patrimoine national, le conseil régional de la Bohême du Sud, des dizaines de municipalités, des universités, l’Académie des sciences. Le projet proposera des expositions, des festivités musicales, des représentations de théâtre. Est prévue également la parution d’une publication spéciale et d’une médaille commémorative. Un nouveau musée des Rožmberk ouvrira au milieu du mois de janvier à Český Krumlov et une nouvelle exposition dédiée à cette dynastie sera inaugurée au mois de mai dans les anciennes écuries du palais Wallenstein à Prague.

Parmi les objets exposés, on note des chefs d’œuvres tels que des tableaux du maître de l’autel de Třeboň et de Vyšší Brod, la Madone de Krumlov, l’Ordre de la Toison d’or dont était décoré Guillaume de Rožmberk, ou encore la Croix de Záviš de Falkenštejn récemment classée au patrimoine culturel.

Guillaume de Rožmberk
Guillaume de Rožmberk, frère aîné de Petr Vok, est nommé en 1570 burgrave suprême du royaume de Bohême. Dès son enfance, il se prépare au rôle de régent du domaine des Rožmberk. Petr Vok qui vit à l’écart, au château de Bechyně, est chargé d’administrer les propriétés familiales à la mort de Guillaume, en 1592. Pour des raisons financières, il vend, en 1601, le château de Český Krumlov à l’empereur Rodolphe II. En 1602, il s’installe au château de Třeboň où il est très aimé de ses sujets, et pas seulement pour avoir distribué deux fois par jour de la nourriture aux pauvres, raconte le châtelain de Třeboň, Pavel Hofman :

« Contraint de rembourser les dettes de son frère Guillaume, Petr Vok n’a toutefois recours ni à la hausse des impôts, ni à l’introduction de nouvelles taxes. Au château de Třeboň, il habite le deuxième étage de l’aile nord. De cette époque, un poêle Renaissance a été sauvegardé. Ce poêle est décoré d’emblèmes d’un ordre dont Petr Vok est le fondateur, l’ordre du crâne des Rožmberk. »

Château de Třeboň
Au château de Třeboň, Petr Vok déménage également les archives familiales qui cachent l’original de son anneau sigillaire. Une histoire bien mystérieuse, car au Moyen-Age, tous les cachets devaient être détruits pour éviter tout risque de falsification de documents ou de testament.

Petr Vok
Avec la mort de Petr Vok, le 6 novembre 1611, à l’âge de 72 ans, la puissante famille aristocratique des Rožmberk s’éteint sans héritiers. Petr Vok est inhumé dans la crypte familiale du couvent de Vyšší Brod édifiée en 1259 par Vok Ier sur le modèle de l’abbaye de Cîteaux. Les recherches du tombeau réalisées par une caméra-sonde à la fin de l’année 2009 ont mis fin encore à une légende selon laquelle les Rožmberk seraient enterrés dans la crypte assis autour d’une table. Les Rožmberk sont inhumés dans des cercueils reposant au fond du couvent de Vyšší Brod autour duquel ils avaient organisé pendant presque quatre siècles leur vaste domaine.