Bechyně, son château et ses bains
La ville thermale de Bechyně et son magnifique château Renaissance sont la destination de ce nouveau guide touristique de Radio Prague. Bechyně est une ville de 5000 habitants, à 110 kilomètres au sud de Prague. La pittoresque vallée de la rivière Lužnice y est enjambée par un pont en béton baptisé « Arc en ciel » en raison de sa forme. L'une des premières voies électrifiées en Autriche-Hongrie portant le nom de son fondateur, Křižík, a été édifiée à Bechyně en 1903 et on y trouve aussi la plus ancienne école de céramique en Bohême.
« En 1569, Vok rachète Bechyně à la famille Švamberk et décide de faire de l'ancien château gothique son siège principal. Les travaux de remaniement sont confiés à l'architecte italien Baldassare Maggi d'Arogne qui ajoute au château d'origine trois ailes Renaissance et une tour. Pour les décorations, Petr Vok invite à Bechyně le peintre de České Budějovice, Bartoloměj Jelínek, auteur des fresques dans la cour. »
Après la mort de son frère Guillaume, Petr Vok devient l'unique héritier du domaine des Rožmberk en Bohême du sud comprenant plusieurs châteaux dont Třeboň et Český Krumlov, mais il hérite aussi de ses dettes :« Les difficultés financières ont obligé Petr Vok à vendre, en 1596, le château de Bechyně à Adam de Šternberk. En 1715, la dernière représentante des Šternberk, Marie Thérèse, épouse Jan Léopold Paar dont la famille contrôle un service postal en Autriche-Hongrie. Les Paar resteront propriétaire du château de Bechyně jusqu'en 1948 quand le château est nationalisé. »
La visite des intérieurs du château de Bechyně en dit long sur la personnalité de Petr Vok de Rožmberk : collectionneur passionné de livres et d'objets d'art, partisan de l'Unité des Frères et homme érudit, bien que la littérature historique le présente parfois comme un « barbare et buveur qui a dilapidé l'argent familial. » Romana Malá :« Grand érudit, Petr Vok parlait plusieurs langues. Surtout dans la seconde moitié de sa vie, il était profondément croyant. Ses nombreux voyages l'ont conduit aux Pays-Bas et en Angleterre où il a rencontré la reine Elisabeth Ière. Féru d'alchimie, d'astronomie et de mystique chrétienne, Vok a pris pour devise « Memento mori » - locution latine signifiant souviens-toi que tu mourras, ou encore « Cogita aeternitatem » - pense à l'éternité. »
Sur sa table de chevet, Petr Vok avait un crâne, symbole du caractère éphémère de la vie, mais aussi de l'Ordre du crâne. Selon certaines sources, Vok serait le fondateur de cet ordre ayant justement pour devise la locution Memento mori et utilisant comme symbole un crâne d'or qui est aussi représenté sur la plaque funéraire de Vok. La décoration en stuc des chambres de Petr Vok au château de Bechyně se réfère également à cet ordre. Créé sur sa propre commande par le sculpteur italien Antonio Melana, elle est inspirée par les emblèmes empruntés dans le livre de l'écrivaine française Georgette de Montenay « Emblematum Christianorum Centuria. » Petr Vok a souhaité pouvoir réfléchir dans sa chambre sur les questions essentielles de la vie et de la mort, observe notre guide :« Le personnage central est une dame tenant dans ses mains deux torches allumées. L'inscription latine Vigilate est une citation de la bible qui signifie Soyez vigilants. L'ange à côté de la dame porte à sa main une autre citation biblique : Venite – Venez. Dans les lunettes au-dessous de la voûte, on aperçoit la représentation des quatre vertus cardinales – la prudence, la tempérance, la force et la justice. Le groupe est complété des trois vertus théologales : foi, espérance et amour. Les fresques murales, le plafond et les stucs de cette pièce sont inspirés par les poèmes de Georgette de Montenay, écrivaine française préférée de Petr Vok qui avait ses livres dans sa bibliothèque. » La question qui se pose est de savoir comment les ouvrages de cette poétesse proche des milieux de la reine protestante de Navarre Jeanne d'Albret sont-ils parvenus à Bechyně ? Pour Romana Malá, la réponse se cache en la personne de Karel Žerotín, aristocrate morave entretenant des contacts étroits avec la noblesse française huguenote. C'est lui qui a accompagné Petr Vok dans l'Unité des frères et qui a attiré son attention sur Georgette de Montenay.En 1580, le château de Bechyně est le théâtre du mariage entre Petr Vok et Kateřina de Ludanice. Faute de descendance, la dynastie des Rožmberk s'éteint. Petr Vok meurt en 1611, à l'âge de 72 ans, non pas dans son château préféré de Bechyně, mais à Třeboň.
Outre le splendide château Renaissance, la ville de Bechyně est également réputée pour être une station thermale qui a une longue tradition. Les informations les plus anciennes sur les thermes locaux datent de 1730. De même que le château, les bains ont été édifiés sur un éperon rocheux au-dessus de la Lužnice. Et quelles sont les maladies traitées à Bechyně ? Il s'agit en premier lieu des problèmes de l'appareil moteur, mais on y soigne aussi les maladies neurologiques et celles de la peau. Les cures thermales utilisent de la boue des tourbières dont la région abonde. Auparavant, on utilisait également de l'eau minérale. La principale source, Charles, jaillissant près de l'actuel parc, a disparu à la fin des années 1940. Aujourd'hui, deux sociétés de bains existent à Bechyně: La première qui s'appelle Lázně Bechyně accueille chaque année plus de 10 000 patients. Le complexe des bains baptisés Felicitas est plus petit, mais aussi plus précieux, du point de vue architectonique : il a été bâti au tournant des XIX -XXe siècles par de riches entrepreneurs praguois, car à l'époque, Bechyně était une station de villégiature appréciée des Praguois. Josef Mičan, directeur des bains Felicitas :« Les bâtiments de nos bains font partie du patrimoine technique tchèque : la villa Mácha a été construite en 1902 sur les plans de Jan Kotěra. Quant au complexe thermal dénommé Přemyslovka, il date de 1894. »Tandis que le complexe Přemyslovka est construit dans l'esprit des tendances historisantes de la fin du XIXe siècle, la réalisation de Jan Kotěra, l'une des figures majeures de la modernité en architecture en Bohême, exprime les tendances modernes du début du XXe siècle. L'influence de la Sécession est perceptible dans les premières réalisations de Kotěra, ce qui est le cas aussi de la villa Mácha à Bechyně. Josef Mičan :
« Il s'agit d'un rare exemple de la Sécession anglaise en Bohême où on ne compte que quatre villas de ce style, dont l'une des plus célèbres est la villa Trmal à Prague. Dans une grande mesure, la villa Mácha de Bechyně a sauvegardé tous les précieux éléments Art Nouveau d'origine. »
Bechyně possède une jolie place centrale bornée de maisons historiques avec, au milieu, l'église Saint-Mathieu primitivement gothique, remaniée dans le style baroque. La galerie Aleš installée dans les locaux de l'ancienne brasserie propose des expositions de céramique documentant la tradition de la fabrication de la céramique dans cette ville où la première école de céramique en Bohême a ouvert en 1884. Les touristes qui viennent à Bechyně aiment se promener dans le jardin de méditation du couvent Saint-François dont les origines remontent à 1280. L'église de cimetière Saint-Michel, œuvre de l'architecte italien Alfieri, est un autre monument remarquable de Bechyně. En face d'elle, derrière les remparts, se trouve l'ancien cimetière juif : un endroit romantique avec des pierres tombales bien préservées dont les plus anciennes datent du XVIIe siècle.