550 ans depuis l'élection de Georges de Poděbrady roi de Bohême
Le 2 mars, nous avons commémoré le 550e anniversaire de l’élection de Georges de Poděbrady roi de Bohême. Une occasion de rappeler que c’était le premier et unique roi utraquiste issu non pas d’une famille régnante, mais élu par la volonté du peuple et que la fin de son règne, en 1466, allait marquer le début de celui de dynasties étrangères qui allaient se succéder sur le trône de Bohême, à commencer par le roi de Hongrie Mathias Corvin, le dernier souverain étant Charles 1er de Habsbourg, en 1918.
Appelé aussi roi hussite, Georges de Poděbrady a pris le pouvoir en Bohême en 1458, après la mort du roi mineur, Ladislas le Posthume. Mais depuis 1448, il gouverne, de facto, le pays, car cette année-là il a conquis Prague à la tête de troupes hussites. Au moment de son couronnement, le 2 mars 1458, Georges de Poděbrady doit prononcer un serment l’engageant à renoncer à ses positions utraquistes pour passer au catholicisme. Or il n’en fait rien, devenant le roi d’un double peuple - hussite et catholique, en s’appuyant sur ce qu’on appelle les « Compactata », un accord grâce auquel la religion hussite est reconnue en tant que christianisme orthodoxe.
Ainsi, sous son règne, on est témoin d’un phénomène unique – la coexistence légale des deux églises : catholique et réformatrice hussite. Cet état ne dure pas longtemps, le pape annule les Compactata en 1462.
L’opposition de Georges de Poděbrady fait naître un conflit entre lui et la curie papale et une croisade se prépare contre la Bohême. C’est alors qu’une opposition au roi se forme à l’intérieur du pays : les seigneurs catholiques tchèques font front contre lui et vont se ranger du côté du roi de Hongrie Mathias Corvin après que celui-ci déclare la guerre à Georges de Poděbrady, guerre au cours de laquelle le roi de Bohême trouve la mort, le 22 mars 1471.Le nom de Georges de Poděbrady figure aujourd’hui non seulement dans l’appellation de la ville d’eau, à 50 km à l’est de Prague, mais aussi dans l’appellation de la Fondation pour la coopération européenne créée en 1995. Dans l’année de l’entrée de la République tchèque dans l’UE, nous avons demandé à son président, le professeur Alexandr Ort, si Georges de Poděbrady pouvait vraiment être considéré comme un précurseur de l’idée d’une union européenne:
« Oui, c’est une curiosité de l’Europe, parce que nous, les Tchèques, nous avons été l’une des premières nations à avoir cherché à moderniser l’Eglise catholique. Le mouvement hussite a été à l’origine de ce que le roi hussite Georges de Poděbrady a fait présenter à l’Europe, au début du XVe siècle. Il a réussi à stabiliser la situation de notre pays après les guerres hussites qui étaient pratiquement des guerres civiles, et c’est pourquoi il a été finalement élu, à l’unanimité, par les nobles catholiques et protestants, roi de Bohême. A partir de ce moment et jusqu’à la Guerre de Trente Ans, notre pays a été le seul en Europe centrale où la tolérance religieuse était garantie. En même temps, parce que le mouvement hussite était mal vu par le pape, Georges de Poděbrady a décidé de venir avec l’idée d’une coopération européenne basée sur des conseils de monarques. Il a envoyé une grande délégation en France, il a présenté son idée dans différents documents de l’époque, et il a même pensé constituer un petit parlement européen qui aurait eu pour tâche de chercher à régler les problèmes d’Europe par la voie pacifique et non pas par les guerres comme c’était presque la règle, au Moyen-âge. Certainement, cette idée était un peu prématurée, mais finalement il faut dire que même la première organisation internationale, la Société des nations créée en 1920, a constaté que cette idée était constructive pour l’Europe et qu’on cherchera à la réaliser dans une étape tout à fait nouvelle, du XXe siècle. Et même l’ONU, dans un certains sens, reflète certaines de ses idées. »
Quel a été le rôle de la France dans ce projet de Georges de Poděbrady?
« Ce rôle était très important, parce que le roi de France n’acceptait pas toujours le rôle du pape et, de ce fait, il était assez favorable à ce projet, mais d’un autre côté, il y avait l’Allemagne et d’autres pays qui n’étaient pas tout à fait favorables. Et puis c’était une période où les Turcs commençaient à attaquer les Balkans et le pape a, à nouveau, voulu jouer un certain rôle de coordinateur dans cette lutte contre les Turcs. »