70 ans depuis la mort de Tomas Bata

Tomas Bata

Il y a de cela 70 ans, le 12 juillet 1932 mourait dans un accident d'avion Tomas Bata, le plus célèbre entrepreneur tchèque, fondateur d'un empire dont les entreprises chaussent aujourd'hui encore le monde entier. Ce qui distingue Bata d'autres entrepreneurs célèbres, c'est qu'il n'a jamais marché sur les traces d'un autre, mais que c'était lui-même, qui a laissé une trace.

Tomas Bata a trouvé la mort dans les débris d'un petit avion Junkers qui s'est écrasé le 12 juillet 1932, sous une brume épaisse, près de Zlin, lorsqu'il se dirigeait en Suisse. Tomas Bata avait alors 56 ans. Il était maire de Zlin et le premier entrepreneur dans le pays. Tous les médias informaient à la une de la tragédie. Des centaines de télégrammes de condoléances parvenaient à Zlin, dont celui du Président Masaryk. Des centaines de personnes ont accompagné sur son dernier chemin au Cimetière forestier de Zlin l'homme qui a donné du travail à toute la région.

L'amour du métier de cordonnier, Tomas Bata l'a hérité de son père, son grand-père et son arrière-grand-père. Point étonnant que le jeune Tomas Bata ait poursuivi la tradition familiale, vieille de 200 ans. Avec son frère, Antonin, il a fondé, en 1894 à Zlin, un atelier de chaussure. Les chaussures de marque Bata, légères à porter, se vendaient bien, grâce aussi à leur bas prix. En 1904, Bata part pour un séjour de plusieurs mois aux Etats-Unis. C'est ici qu'il trouve une inspiration dans les usines automobiles Henry Ford, tant pour ce qui est du système de production, que pour l'édification de maisons pour les ouvriers. Sur le modèle américain, Bata fonde à Zlin un nouveau quartier d'habitation pour ses employés: chacun y aura sa maison familiale avec un petit jardin. Ces maisons en briques brutes deviendront un exemple d'architecture originale et sans pareil en Tchécoslovaquie.

Tomas Bata a 18 ans lorsqu'il se place à la tête de l'entreprise familiale. Ce self-made man devient le synonyme, le symbole de l'essor vertigineux de Zlin. Sous les yeux d'une seule génération, cette petite ville provinciale allait se développer à un rythme sans précédent, créant le modèle d'une ville industrielle. L'usine Bata a eu un grand essor pendant le premier conflit mondial, lorsqu'elle participait à des commandes de l'armée. L'âge d'or, l'usine le vivra plus tard, dans les années trente du XXe siècle. Un tournant s'est produit en 1922. La production stagne et l'usine trouve une issue grâce à la décision courageuse de Tomas Bata de baisser les prix de ses chaussures. Les produits bon marché ont vite trouvé des milliers de clients ce qui a permis au patron de dominer le marché et démarrer l'expansion de sa firme.

Après 1930, la firme s'est mise à construire des fabriques dans d'autres régions de la Tchécoslovaquie et d'autres encore ont vu le jour en Europe et en Asie. Elle disposait d'un réseau dense de magasins pratiquement sur tous les continents. Profitant de ses expériences étrangères, Bata introduit des méthodes de gestion modernes ainsi qu'une nouvelle organisation du travail: production à la chaîne, participation aux bénéfices, sans oublier une puissante publicité. Grâce à tout cela, Tomas Bata a fait de sa firme le premier exportateur de chaussure à l'échelle mondiale.

Le consortium géant a donné du travail et des salaires inespérés à des milliers d'employés qui non seulement travaillaient à Zlin, mais y vivaient aussi. Car Bata accordait à ses employés des avantages sociaux sans précédent, y compris des logements très modernes, en cette période. Il a fondé aussi son propre école pour former de nouveaux cadres. Sous Tomas Bata, maire de Zlin depuis 1923, la ville a accueilli encore un hôpital, un hôtel, un cinéma, un centre commercial...

La crise économique des années trente n'a pas interrompu la prospérité de Bata. "Nous ne craignons pas la concurrence. La moitié des gens de la planète ont les pieds nus, 5% seulement sont bien chaussés", déclare-t-il au début des années trente, au moment de transformation de son entreprise familiale en société par actions édifiant des succursales de par le monde. A part les chaussures à bon prix, toujours avec un 9 psychologique à la fin, Bata fabriquait un large assortiment de produits: mécaniques, textiles, chimiques, de caoutchouc, des pneus.... Il soutenait encore d'autres activités, y compris les arts. Un studio cinématographique qui a vu le jour à Zlin dans le but d'y tourner des spots de publicité, s'est bientôt transformé en atelier : des films y sont tournés jusqu'à présent. Une activité moins connue de Bata qui allait lui être fatale - la fabrication d'avions...

Après la mort prématurée de Tomas Bata, c'est son demi-frère, Jan Antonin, qui a pris la gestion de la société et qui a donné un nouvel éclat à la production, interrompu en 1939 par l'occupation. En 1948, les usines Bata ont été étatisées et la famille a déplacé le centre de ses activités au Canada. Afin de rompre avec la tradition Bata, la ville a été rebaptisée Gottwaldov, d'après le nom du premier président communiste, Klement Gottwald. Il n'empêche que dans le monde, l'empire Bata continuait à grandir, sous la direction de Tomas Bata junior. Il y a dix ans, la firme est retournée, après plus d'un demi-siècle, en Tchécoslovaquie. Son siège se trouve cependant toujours à Toronto, au Canada.