A Berlin, l’amitié tchéco-slovaco-allemande et les points qui fâchent
Pour Angela Merkel, les « relations mutuelles » entre l’Allemagne et la Tchéquie d’un côté, entre l’Allemagne et la Slovaquie de l’autre, n’ont jamais été aussi bonnes au cours de toute l’histoire. Il n’empêche, la rencontre de la chancelière lundi à Berlin avec les premiers ministres Bohuslav Sobokta et Robert Fico, à l’occasion du 25e anniversaire de la signature du Traité de bon voisinage entre la Tchécoslovaquie et l’Allemagne, a permis de mettre sur la table des divergences notables : sur l’avenir de l’UE, sur l’introduction d’une vignette pour les autoroutes allemandes et surtout sur la question persistante des quotas pour l’accueil des réfugiés.
Un peu d’histoire
Le 27 février 1992, le premier président de la Tchécoslovaquie post-communiste Václav Havel et le chancelier allemand Helmut Kohl signaient au château de Prague le traité de bon voisinage et de coopération entre leurs deux pays, un texte significatif dans le contexte de la chute des régimes communistes. Surtout que des différends très importants opposaient encore les deux Etats, à commencer par le problème des Allemands des Sudètes, expulsés de Tchécoslovaquie après la Seconde Guerre mondiale, et dont certains espéraient encore des dédommagements. L’historien Miroslav Kunštát explique :« Après 1990, les Allemands des Sudètes avaient une réelle influence. Ils avaient notamment cette influence au sein de la branche bavaroise du parti CSU. Et il y a évidemment ce patronage de l’Etat libre de Bavière sur les Allemands des Sudètes. D’ailleurs, il se poursuit jusqu’à nos jours. Mais il est vrai qu’au début des années 1990, ces organisations étaient en général bien plus influentes. »
A l’époque, outre la problématique sudète, d’autres questions géopolitiques étaient au cœur des préoccupations et ont joué un rôle dans la signature de cet accord de bon voisinage. L’Allemagne venait en effet de se réunifier et la Tchécoslovaquie prenait une voie bien différente :
« Durant les négociations de ce traité, il est apparu des indices très sérieux sur le fait que, de toute évidence, la Tchécoslovaquie n’était pas promise à un grand avenir. D’une part, c’était assez nouveau et ensuite, ce cadre défavorable a eu un impact sur ces négociations et jusqu’au processus de ratification du traité. »Vingt-cinq ans plus tard, bien du chemin a été parcouru. Le rapprochement entre Prague et Berlin a d’ailleurs été confirmé en 1997 par la signature d’une Déclaration tchéco-allemande, par le premier ministre tchèque de l’époque Václav Klaus et à nouveau par Helmut Kohl.
De nouveaux sujets qui fâchent
A Berlin ce lundi, les chefs des gouvernements tchèque et slovaque, les sociaux-démocrates Bohuslav Sobotka et Robert Fico, n’ont cependant pas pu faire autrement que d’afficher à nouveau leur désaccord avec la politique migratoire de la chancelière. Tchèques et Slovaques refusent la répartition de l’accueil des réfugiés en Europe via le système des quotas, un point que défend Mme Merkel, même si elle dit comprendre les positions de ses partenaires :
« Formellement, nous sommes parvenus aux bonnes conclusions. Mais malgré cela nous nous sommes mutuellement indiqué que la sensibilité est très forte dans certains pays en ce qui concerne les questions migratoires et liées aux réfugiés. Pour autant je pense que l’Europe doit aller vers plus de solidarité. »Pour Bohuslav Sobotka, l’aide des pays membres de l’UE doit se faire sur la base du volontariat. Une position qu’il a soutenue également lundi lors de son entrevue avec Martin Schulz, l’homme désigné récemment pour mener les sociaux-démocrates du SPD dans la campagne des législatives allemandes. L’ancien président du parlement européen souhaite que la répartition des fonds européens soit conditionnée à la solidarité des Etats membres face à la crise migratoire, une proposition qui suscite évidemment l’ire des capitales centre-européennes.
Celles-ci ont toutefois d’autres sujets de mécontentement. Elles dénoncent particulièrement l’introduction d’une vignette payante pour les automobilistes circulant sur les autoroutes allemandes. La mesure, gratuite pour les Allemands via une exonération fiscale, serait financée uniquement par les conducteurs étrangers. Cela ne plaît pas du tout à Bohuslav Sobotka, lequel menace de déposer plainte pour un dispositif jugé discriminant. Il l’a rappelé lundi devant la chancelière :
« Nous ne discriminons pas les automobilistes allemands. En République tchèque, ils doivent payer une vignette pour les autoroutes, tout comme nos ressortissants. Il n’y a pas de traitement différent et nous aimerions que cela soit également le cas du côté allemand. »
Les économies tchèque et slovaque sont largement dépendantes de l’Allemagne, le premier partenaire commercial, de très loin, pour Prague et Bratislava Aussi, la rencontre berlinoise de lundi n’a pas seulement tourné autour des sujets de discorde entre les trois pays. Leurs ministres de l’Industrie devraient ainsi se réunir prochainement pour envisager ensemble la transition numérique de leurs économies.