Migrations : à Prague, la rébellion des pays d’Europe centrale a été remise à plus tard
Les pays du groupe de Visegrád (V4, qui réunit la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie) ont fait de la protection des frontières extérieures de l’espace Schengen une de leurs priorités pour tenter de ralentir les flux de migrants en Europe. Lundi, trois jours avant le Conseil européen à Bruxelles, où les migrations seront une des principales questions débattues, les chefs de gouvernement des quatre pays étaient réunis à Prague pour accorder leurs violons. Si tous se sont entendus sur la nécessité d’une solution européenne commune à la crise, avec leur homologue bulgare et le président macédonien, ils ont également évoqué un plan B qui serait appliqué si l’accord de coopération passé entre la Commission européenne et la Turquie devait échouer et que la Grèce s’avérait incapable de mieux gérer les arrivés de réfugiés sur son territoire.
Concrètement, dans une déclaration commune, Tchèques, Hongrois, Polonais et Slovaques ont indiqué vouloir laisser encore un mois, jusqu’à la mi-mars et le prochain Conseil européen, à la Turquie et à la Grèce pour endiguer ensemble la vague migratoire. Dans le cas contraire, Prague, Budapest, Varsovie et Bratislava sont prêts à aider la Macédoine et la Bulgarie à fermer leurs frontières avec la Grèce et la Turquie, et si besoin également celle qui sépare la Grèce et l’Albanie.
Mais à travers la conception de cette nouvelle ligne frontalière, qui n’est pour l’heure encore qu’un plan de réserve, le Premier ministre tchèque Bohuslav Sobotka voit aussi la nécessité de ne pas abandonner les pays des Balkans de l’Ouest à leur sort, conscient, affirme-t-il, de leur inquiétude grandissante :« Il suffit de voir quelles ont été les déclarations des différents pays de la région des Balkans l’année dernière et les animosités qui sont réapparues à la surface sous la pression migratoire, et ce alors même que l’Allemagne et l’Autriche n’ont pas fermé leurs frontières. Si l’Allemagne venait à prendre une telle décision, il deviendrait tout à fait légitime de se préoccuper de l’évolution de la situation dans les Balkans. Le groupe de Visegrád ne fait qu’attirer l’attention sur ce risque, comme nous l’avions fait il y a un an de cela en affirmant qu’il ne peut pas y avoir de solution à la crise sans un renforcement des frontières extérieures de l’espace Schengen. Notre prédiction s’est confirmée. Aujourd’hui, ce que nous disons est qu’il faut se tenir prêt. Si la Turquie ne remplit pas ses obligations et ne répond pas à nos attentes et que l’Allemagne ferme ses frontières, il conviendra d’avoir un plan de réserve. »
Confrontés à Viktor Orbán et Robert Fico, les chefs des gouvernements hongrois et slovaque partisans de solutions fortes, Bohuslav Sobotka et son homologue polonaise Beata Szydło se sont efforcés de jouer le rôle d’intermédiaires entre l’Allemagne et un V4 au sein duquel la solution turque préconisée par Berlin et Bruxelles ne fait plus l’unanimité. Officiellement néanmoins, les quatre pays, et la République tchèque peut-être en tête, donnent encore la priorité aux mesures européennes communes. « Nous soutenons les efforts de la Grèce pour remplir les conditions fixées », a ainsi déclaré Bohuslav Sobotka, très éloigné sur ce point d’un Robert Fico en pleine campagne électorale à deux semaines de la tenue des législatives en Slovaquie et qui, très agressif, n’a pas hésité à accuser la chancelière Angela Merkel de « grosses erreurs » et « d’inviter les migrants en Europe ».Le sommet européen à Bruxelles ces jeudi et vendredi sera donc probablement animé, mais il ne sera pas (encore) pour autant le théâtre d’une rébellion des pays du V4 et ne marquera pas l’apparition, en Macédoine et en Bulgarie, de ce qui est appelé « une deuxième ligne de défense ».