Angela Merkel à Prague : les Tchèques ne veulent rien entendre sur les quotas
Avant de participer à un sommet du groupe de Visegrád (V4) ce vendredi à Varsovie, Angela Merkel était jeudi à Prague, pour la première fois depuis le début de son troisième mandat en 2013. Sans surprise, la chancelière allemande, qui s’est entretenue avec le premier ministre Bohuslav Sobotka et avec le chef de l’Etat Miloš Zeman, n’a pas réussi à convaincre les Tchèques de se rallier à sa politique migratoire et de soutenir le dispositif des quotas pour l’accueil des réfugiés.
Au printemps 2012, lors de la précédente visite d’Angela Merkel dans la capitale tchèque, les deux pays affichaient déjà des orientations différentes alors que Prague refusait la ratification du pacte budgétaire européen. Aujourd’hui, la pomme de discorde est différente : l’Allemagne accueille de très nombreux réfugiés et soutient le dispositif voulu par Bruxelles de quotas de répartition des migrants entre les pays membres ; la République tchèque, à l’instar des autres pays du groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne et Slovaquie), s’y oppose catégoriquement.
Les données du problème semblent insolubles et c’est ce qu’a constaté la chancelière allemande, qui est arrivée à Prague en début d’après-midi et qui a tout de suite rencontrer le chef du gouvernement Bohuslav Sobotka. En conférence de presse, Angela Merkel a tout de même voulu souligner les points d’accord entre les deux pays :« Il y a toute une série de sujets sur lesquels nous sommes d’accord, et ce même dans le domaine de la politique migratoire. Nous avons par exemple beaucoup apprécié le fait que la République tchèque soutienne l’accord conclu entre la Turquie et l’Union européenne ainsi que les opérations de l’OTAN en mer Egée. Il y a un point sur lequel nous ne sommes pas d’accord : nous avons des opinions différentes sur la question de la possibilité de répartir l’accueil des réfugiés. »
L’opposition tchèque à la politique allemande s’est exprimée à travers plusieurs rassemblements organisés à Prague, au sein desquels on pouvait apercevoir l'islamophobe Martin Konvička ou bien encore le député Tomio Okamura, et entendre toute sorte d’invectives à l’égard des réfugiés, des musulmans et de Bruxelles. Jeudi soir, le chef de l’Etat Miloš Zeman, fermement opposé à l’accueil des migrants, a aussi fait part de ses réticences à la chancelière après lui avoir offert un exemplaire du « Brave soldat Švejk », afin qu’elle comprenne « la nature tchèque » d’après son porte-parole. Dans un récent entretien pour le quotidien Právo, le premier ministre Bohuslav Sobotka a d’ailleurs semblé apporter de l’eau au moulin de ces différentes personnalités en déclarant ne pas vouloir « d’une forte communauté musulmane en République tchèque ». Une position qu’il dit avoir soutenue devant Angela Merkel, estimant que la République tchèque et les autres pays du V4 ne pourraient plus désormais être mis en minorité et se voir imposer le dispositif des quotas. Selon lui, cela est particulièrement vrai après le vote sur le « Brexit ». La sortie du Royaume-Uni de l’UE imposerait de surcroît une redéfinition du projet européen, sujet que M. Sobotka et Mme Merkel n’ont pas manqué d’aborder ainsi que l’a expliqué le premier ministre tchèque :« J’ai indiqué à la chancelière quelles sont selon moi les priorités pour l’avenir de l’UE. En premier lieu, il y a la sécurité, avec le renforcement de la sécurité des gens, la coopération, la lutte contre le terrorisme, la protection de nos frontières intérieures ou encore le projet d’une armée européenne. Ensuite, il faut assurer notre prospérité et la convergence de nos niveaux de vie. Nous avons parlé du fait que douze ans après notre entrée dans l’UE, il y a toujours des différences énormes côté tchèque et côté allemand en termes de salaires, en termes de revenus. Nous avons besoin d’une politique économique qui permette une augmentation des salaires et du niveau de vie également dans les nouveaux pays membres. » Les échanges ont ainsi forcément été plus positifs sur les questions de coopération économique, alors que l’Allemagne est le premier partenaire commercial de la République tchèque. A l’Université technique de Prague (ČVUT), où Angela Merkel a travaillé quelques mois en tant que jeune physicienne au début des années 1980, Bohuslav Sobotka a partagé sa volonté de créer les conditions pour attirer de nouveaux investisseurs allemands, en particulier dans le domaine de l’économie numérique.Si cela a mal été compris, le chef du gouvernement tchèque a l’opportunité de répéter tout cela à la chancela allemande ce vendredi à Varsovie. Mme Merkel y rencontre en effet les représentants des pays du V4 pour préparer la conférence de Bratislava sur l’avenir de l’UE, qui aura lieu le 16 septembre.