A la découverte de la mythologie slave

Les mythologies égyptienne, grecque, indienne et germanique sont relativement connues mais ce n’est pas le cas de la mythologie slave. Les peuples slaves eux-mêmes connaissent mieux les dieux de l’Olympe ou ceux du Walhalla germanique que les divinités vénérées jadis par leurs ancêtres. Qui connaît aujourd’hui Svarog ou Svaroh, le dieu-père qui a donné naissance à tous les dieux slaves, le forgeron céleste et la divinité de la lumière et de la chaleur ? Aujourd’hui le lecteur tchèque a cependant la possibilité de mieux connaître ce phénomène grâce au livre « La Mythologie slave » qui réunit les travaux consacrés aux mythes et légendes de nos ancêtres par l’écrivain Karel Jaromír Erben.

Dès le début de la christianisation, les Slaves ont commencé à oublier leurs anciens dieux mais il n’était pas facile d’éradiquer les vieilles coutumes païennes dont certaines font partie des vies de ces peuples encore aujourd’hui. Au XIXe siècle, le romantisme et les tendances nationalistes dans les pays européens sont à l’origine d’un regain d’intérêt pour le passé des peuples slaves, pour leur civilisation, leur culture, leur art et leur mythologie. Cette tendance se reflète aussi dans l’œuvre de Karel Jaromír Erben, un des plus grands poètes tchèque du XIXe siècle qui était cependant aussi chercheur et archiviste. Les textes qu’il a consacrés à la mythologie slave sont réunis aujourd’hui dans un livre. Petr Kaleta de l’Institut d’ethnologie de l’Académie des sciences tchèques, présente les différentes parties de ce recueil :

Petr Kaleta
« La première partie et composée d’études de trois éditeurs du livre qui sont Věnceslava Bechyňová, Marcel Černý et moi, études consacrés à la problématique mythologique. Les parties suivantes ont été rédigées par Karel Jaromír Erben lui-même. Il s’agit de ses articles et de ses études ayant déjà été publiés ailleurs mais nous les avons annotées et y avons ajouté la liste de sources. Le lecteur y trouvera aussi les articles rédigés par Karel Jaromír Erben pour le Dictionnaire encyclopédique Rieger… »

Il dépoussière des trésors de la littérature populaire, il les trie, classe pour les publier, pour étaler leur beauté devant les lecteurs et pour s'en inspirer aussi pour sa propre création littéraire. Il recueille des chansons, des mythes et des légendes populaires, les étudie avec amour et les sauve de l'oubli. « Nul n'a mieux pénétré le mystère de l'âme populaire où survivent des traditions millénaires se développant et se transformant en une évolution incessante exprimant une philosophie, une morale et une religion, » dira de lui le poète et traducteur, Hanuš Jelínek. Les recherches ethnographiques et folkloriques infatigables aboutissent entre autres à la publication d'un recueil de chansons et comptines tchèques qui compte 2 200 titres. Il est aussi l'auteur du livre "Les Contes tchèques", recueil qui ne cesse d'attirer toujours de nouvelles générations d'enfants. Il dépouille avec une sensibilité et une attention extrêmes les documents d'archives, mais il écoute aussi le langage du peuple. Grâce à ce travail, il enrichit considérablement la langue tchèque.

Au XIXe siècle, le Dictionnaire encyclopédique Rieger est le premier ouvrage tchèque important de son genre. Et c’est pour cette encyclopédie que Karel Jaromír Erben rédige un certain nombre d’articles sur la mythologie slave. Les éditeurs du XXIe siècle, dont Petr Kaleta, adapteront et annoteront donc ces articles de dictionnaire et y ajouteront encore d’autres textes :

« Dans les dix dernières années de sa vie, Erben a commencé à travailler sur un nouveau dictionnaire mythologique qui devait rester malheureusement sous forme de manuscrit. Nous avons transcrit cette œuvre trouvée dans les archives, nous y avons ajouté des notes et c’est cette partie du livre, près de 200 pages, qui est publiée pour la première fois. Bien sûr, c’était un travail énorme et nous nous disions avec notre collègue Marcel Černý et nous le dirions aussi à Mme Věnceslava Bechyňová, si elle n’était pas décédée en 2000, que c’était un travail plus difficile que si nous rédigions une monographie du même auteur. »

Karel Jaromír Erben présente l’objet de ses études dans un large contexte européen. Il ne se limite pas au passé et à la mythologie des Slaves des pays tchèques mais cherche à saisir le phénomène dans son ampleur et le situer dans le contexte européen. D'après Petr Kaleta, le livre peut être apprécié non seulement par les spécialistes :

« Il est difficile de définir d’une phrase la mythologie slave. C’est ainsi que les Slaves se représentaient le début de leur histoire. Le livre mentionne aussi diverses théories sur la mythologie slave. Je recommande donc à tous ceux qui s’intéressent à cette problématique de lire notre livre. (…) Bien que ce livre soit d’abord destiné aux spécialistes, nous désirons instruire aussi le grand public. C’est pour cette raison que nous nous sommes adressés au peintre Eva Kramářová qui a enrichi cet ouvrage par ses dessins en couleurs. Cela aussi donc devrait contribuer à la popularisation de cet ouvrage. »

Karel Jaromír Erben est un des classiques de la littérature tchèque les mieux connus. Petr Kaleta avoue pourtant que la rédaction de ce livre lui a permis d’élargir ses connaissances de l’œuvre et de cet écrivain, poète et chercheur :

« Je dois dire que j’ai découvert de nouvelles facettes de sa personnalité. J’ai eu l’occasion de connaître sa méthode de travail. J’ai non seulement découvert ses idées géniales mais aussi les fautes qu’il a faites dans son travail. Mais mon attitude vis-à-vis de lui n’a pas changé. (…) Nous le voyons surtout comme le poète et auteur du recueil ‘Le Bouquet’ mais c’était certainement un chercheur du niveau européen. »


"Un bouquet"
C'est en 1853 que Karel Jaromir Erben publie son chef d'œuvre intitulé « Le Bouquet de légendes populaires ». Il s'agit d'un recueil composé de ballades qui ont été inspirées par la poésie populaire, un livre d'histoires en vers qui vont s'incruster profondément dans la conscience nationale tchèque. Erben travaille sur ce livre pendant de longues années. Dès 1836, il publie une ballade qui figurera dans son livre. Peu à peu, il crée une étonnante série de poèmes et insuffle la vie à toute une pléiade de personnages hauts en couleur qui animent ses histoires en vers. Il choisit souvent des légendes baignées de mystère, il met en scène non seulement des hommes et des femmes du peuple, mais aussi des êtres surnaturels personnifiant les forces de la nature qui écrasent parfois de simples mortels mais contre lesquelles on n'est pas tout à fait impuissant. Les héros de ces ballades arrivent souvent à faire face à ces forces démoniaques et à leur échapper grâce à la fermeté de leur caractère et à la sincérité de leur repentir. C’est donc ce recueil de poèmes, « Le Bouquet », qui est et restera l’œuvre majeure de Karel Jaromír Erben. Pourtant, les autres facettes de son œuvre dont « La Mythologie slave » ne sont pas négligeables non plus et méritent l’attention de tous les Slaves qui ne sont pas indifférents à leurs racines.