A la rescousse du pavot tchèque

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Le pavot, plante qui a la mauvaise réputation de servir à la fabrication de drogues, est très populaire dans la cuisine tchèque. Ses graines, qui contiennent une huile de haute qualité nutritive, sont utilisées pour la préparation de plats typiques et de succulentes pâtisseries. La Tchéquie est le plus gros producteur de pavot au monde mais, au cours de ces dernières années, la culture de cette plante a connu une chute vertigineuse et les agriculteurs tchèques lancent un cri d’alarme.

Photo: Alexis Rosenzweig
Le pavot tchèque n’est plus ce qu’il était. Cet excellent article d’exportation perd sa qualité parce que certains grands producteurs le mélangent avec du pavot importé qui a déjà servi dans l’industrie pharmaceutique. Cette sorte de pavot manque de goût et contient aussi un taux plus élevé d’alcaloïdes opiacés qui n’est néanmoins pas nocif à la santé des consommateurs. Les pratiques des sociétés qui mélangent les deux types de pavot, ont été dénoncées dans les médias par le président de la Chambre d’agriculture tchèque, Jan Veleba :

« Cela vous étonnera peut-être mais le pavot est importé en République tchèque d’Australie par exemple. En 2011, 1 417 tonnes de pavot australien ont été importées en Tchéquie. Un autre grand exportateur de pavot est l’Espagne qui nous en a livré, l’année dernière, plus de 1 000 tonnes. Et le pavot est aussi importé chez nous de la Slovaquie voisine, de Hongrie, de Turquie, de France, de Hollande, etc. »

Jan Veleba
Un kilogramme de ce pavot importé qui est le produit résiduaire de l’industrie pharmaceutique, ne coûte que 0,70 euro, frais de transport compris. Ajouté au pavot alimentaire tchèque, il donne un mélange que les exportateurs peuvent vendre à des prix très compétitifs mais dont le goût et la qualité laissent à désirer. Et Jan Veleba de constater que les petits cultivateurs tchèques du pavot de qualité ne peuvent pas rivaliser avec ces mélanges bon marché et que leur production diminue d’année en année :

« Ces pratiques ont pour conséquence une réduction rapide de la superficie des champs où la plante est cultivée en République tchèque. Cette année la culture du pavot en Tchéquie ne couvre qu’une superficie de 18 363 hectares, mais en 2008 on avait encore 70 000 hectares. Cette baisse est due, entre autres, aux pratiques de ceux qui mélangent le pavot alimentaire avec celui qui est destiné à l’usage pharmaceutique. Les ventes du pavot tchèque sont en baisse parce que les clients étrangers perdent confiance en sa qualité. Et pourtant le pavot tchèque, le vrai, se classe parmi les meilleurs du monde. »

Les différences entre ces deux types de pavot sont assez importantes. Les graines du pavot tchèque sont bleues ou gris-bleues tandis que celles du pavot importé sont souvent grises ou très foncées. Elles manquent de saveur typique et ont parfois un arrière-goût amer. Selon l’analyste agraire Petr Havel, l’absence du pavot dans les champs tchèques pourrait avoir encore d’autres conséquences néfastes :

« C’est un problème non seulement pour les producteurs de pavot mais aussi pour le paysage tchèque où disparaissent progressivement les plantes agricoles classiques. Aujourd’hui nous ne trouvons dans les champs pratiquement que les cultures de blé, de colza et de maïs, plantes qui aggravent le risque d’érosion des terres et d’inondations. Il faut donc replacer ce problème dans un contexte plus large. »

La situation devenant alarmante, le ministère de l’Agriculture s’est vu obligé d’intervenir. Il prépare à l’heure actuelle un amendement à la loi sur le taux toléré des alcaloïdes opiacés, c’est-à-dire la codéine et la morphine, dans les mélanges de pavot. Comme le pavot pharmaceutique contient un taux d’alcaloïdes dépassant le futur seuil de tolérance, l’amendement pourrait, dès le début de l’année prochaine, pratiquement évincer du marché les mélanges critiqués et rétablir la bonne réputation du pavot tchèque.