A Ostrava, la rouille, couleur d’un passé revisité et mis au goût du jour

Ostrava, photo: Guillaume Narguet

Fort de la reconversion réussie de son patrimoine industriel, Ostrava n’est plus le point noir sur la carte de la République tchèque que la ville était encore dans un passé relativement récent. Aujourd’hui, Ostrava se veut une ville jeune, moderne, verte et propre où, comme ailleurs, il fait aussi bon vivre. Reportage.

L'hôtel de ville,  photo: Guillaume Narguet
Lorsque s’ouvrent les portes de l’ascenseur, c’est tout Ostrava et ses environs qui s’offrent à vous. Là, en haut de la tour de l’hôtel de ville, à une hauteur de 73 mètres, vous avez la confirmation que la mauvaise réputation d’Ostrava n’a plus vraiment raison lieu d’être.

C’est ce que confirme Petr Kazimirski, étudiant-guide qui, depuis le sommet de la tour, passe ses journées d’été à aider les touristes à mieux s’orienter dans Ostrava :

Petr Kazimirski,  photo: Guillaume Narguet
« A l’époque où le charbon était exploité à plein pot, le surnom de ‘ville noire’ était justifié. Ce n’est pas compliqué : si vous mettiez un teeshirt blanc le matin, il suffisait de vous promener dans le centre-ville et le maillot avait une couleur sinon noire, au moins grise. Mais depuis la fermeture du dernier puits à Ostrava même en 1993, la situation s’est nettement améliorée. La municipalité a fait des efforts pour reverdir la ville et je dirais que la pollution est maintenant minimale. »

En cette après-midi de mois d’août chaude et ensoleillée, se balader dans les rues du centre-ville permet d’avoir la confirmation que les chemises, maillots et autres jupes blancs des habitants d’Ostrava et de ses visiteurs ne noircissent plus au contact de l’air. Tandis que piétons et cyclistes se promènent le long de la rivière Ostravice, jeunes, familles et enfants profitent, eux, des jardins fleuris ou des terrasses des cafés. Et si ce n’est pas le cas de Veronika Břichačková, chargée de l’accueil des visiteurs à l’hôtel de ville, elle se félicite néanmoins de cette évolution :

La place Masaryk,  photo: MMO,  public domain
« Les visiteurs sont de plus en plus nombreux. Il y a d’abord les Polonais, bien sûr, qui sont nos proches voisins. Quand c’est un jour de fête nationale en Pologne, ils sont encore plus nombreux, que ce soit ici à la tour ou au zoo. Mais les touristes tchèques ont eux aussi appris à découvrir les charmes d’Ostrava. Nous avons aussi parfois des visites très intéressantes de Colombie, du Brésil, du Pérou ou plus récemment d’Australie… Je pense vraiment qu’Ostrava est de plus en plus apprécié. »

Veronika Břicháčková,  photo: Guillaume Narguet
Appréciée, la ville, capitale d’une région longtemps présentée, au temps de la Tchécoslovaquie, comme « le cœur d’acier de la République », l’est entre autres pour son riche patrimoine industriel. Un pouvoir d’attraction dont Ostrava a su profiter. Veronika précise comment :

« A Ostrava, ce potentiel a été exploité au maximum. A Vitkovice, l’ancien réservoir de gaz a été transformé en auditorium et en salle de concert et un haut fourneau en tour panoramique. Et il y a encore beaucoup d’autres choses. C’est une réaction à l’intérêt grandissant en République tchèque pour le patrimoine technique. Les Tchèques apprécient toujours autant les châteaux, mais ils commencent aussi à en sortir pour découvrir d’autres choses. Et là, Ostrava a son mot à dire. »

Son mot à dire, Emmanuel Chilaud l’a lui aussi. Français installé à Ostrava depuis douze ans, il a pu suivre cette nouvelle orientation d’une ville située à une heure de route des monts Beskides :

A Vítkovice,  l’ancien réservoir de gaz a été transformé en auditorium et en salle de concert,  photo: Honza chodec,  CC BY-SA 3.0
« La ville a énormément évolué ces douze dernières années. On est passé d’une ville un peu morte à une ville qui vit. La place centrale vit tous les jours, y compris le dimanche. Il y a toujours quelque chose qui s’y passe. Personnellement, ce que j’aime le plus, ce sont les parties historiques industrielles d’Ostrava. L’industrie métallurgique et minière ne fonctionne plus beaucoup aujourd’hui, mais les bâtiments ne sont pas restés abandonnées. On en a fait des zones de vie. C’est une architecture que j’appelle ‘noire et orange’ en raison de la rouille. Elle prend donc de la couleur et elle est utilisée. »

Une architecture qui n’a plus de rouillé que l’apparence et une grande partie de son histoire. A Ostrava, qu’on se le dise, comme le fait si bien Petr Kazimirski, la poussière a laissé percer la lumière :

Ostrava,  photo: Guillaume Narguet
« D’ici nous voyons la partie morave d’Ostrava avec le centre-ville, tandis que la partie silésienne est derrière nous. Je pense que le plus intéressant est l’ancien site industriel de Dolní Vitkovice, car cela reste un complexe comme il n’en existe pas d’autre en Europe où, depuis l’extraction du charbon, sont concentrées en un seul endroit toutes les étapes de la production d’acier. Tout en conservant son apparence d’origine et ses hauts fourneaux, Vitkovice est devenu un grand centre multiculturel et interactif. Le site est aussi le théâtre de grands festivals de musique comme bien sûr Colours of Ostrava. Et même les plus grandes vedettes, qui sont pourtant habitués aux concerts aux quatre coins du monde, affirment qu’ils n’ont jamais joué dans un lieu aussi spécial que Vitkovice. »

Alors, si même les étoiles le disent…