A Prague, musulmans et catholiques réunis dans une église pour condamner le terrorisme

La réunion des musulmans et catholiques dans l'église du Sacré-Cœur-de-Jésus à Prague, photo: ČTK

Une centaine de musulmans tchèques et étrangers se sont rassemblés mercredi à Prague devant l’église du Sacré-Cœur-de-Jésus pour condamner l’escalade de la violence et de la terreur en Europe. Certains d’entre eux ont également participé à une messe pour manifester leur solidarité avec les catholiques, deux semaines après l’assassinat du prêtre Jacques Hamel en France par deux djihadistes.

La réunion des musulmans et catholiques dans l'église du Sacré-Cœur-de-Jésus à Prague,  photo: ČTK
A l'appel du Conseil français du culte musulman, les fidèles de la religion islamique ont été invités, fin juillet, à se rendre dans les églises pour assister aux messes du dimanche. Une façon de montrer que malgré l'assassinat du père Jacques Hamel quelques jours plus tôt dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, les communautés musulmanes et catholiques sont et restent solidaires.

En République tchèque, la communauté musulmane, largement minoritaire (cf. : http://www.radio.cz/fr/rubrique/panorama/musulmans-en-republique-tcheque-un-melange-de-respect-et-dignorance), est beaucoup moins importante qu’en France, en Allemagne, en Belgique ou dans d’autres pays européens. Mais bien que longtemps confinés dans une certaine forme d’indifférence et d’ignorance de leur religion et de leur culture, les musulmans en République tchèque ont vu leur situation évoluer ces vingt derniers mois au fil des diverses attaques terroristes en Europe. Désormais, eux aussi sont montrés du doigt comme les pratiquants et les représentants d’un Islam considéré par certains comme une religion de l’intolérance et de la violence.

Romana Červenková,  photo: ČTK
Dans ce contexte compliqué où la peur de l’autre est le sentiment prédominant, les musulmans de République tchèque ont donc tenu à s’exprimer publiquement à travers un geste symbolique. Organisatrice du rassemblement de mercredi, Romana Červenková, du centre Al Firdaus, précise la position et les motivations des participants :

« Nous nous sommes déjà exprimés à plusieurs reprises par écrit, mais cela est resté sans réaction. Nous sommes contre le terrorisme, nous rejetons la violence sous toutes ses formes, et c’est pourquoi nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait faire entendre notre voix pour que tout le monde sache bien que nous, musulmans vivant en République tchèque, condamnons les attaques terroristes. Nous comprenons les peurs des Tchèques, mais nous n’avons et ne voulons rien avoir en commun avec les attentats. »

Photo: ČTK
L’initiative de la communauté musulmane a été bien accueillie par les fidèles catholiques, à commencer par le vicaire Petr Beneš, qui a célébré la messe. Tout en rappelant les paroles du pape François, Petr Beneš a souligné qu'il convenait de ne pas abandonner les valeurs qui sont propres au christianisme : l’amour, la compréhension, la tolérance et l’accueil. Selon lui, il ne sert à rien de construire des murs :

« Ce n’est pas facile. Chacun d’entre nous doit lutter contre la peur qui se trouve dans nos cœurs. Mais qui n’emprunte pas cette voie laisse le champ libre au mal. »

Après la messe, environ deux cents personnes, musulmans compris, se sont réunies devant l’église sur la place Jiřího z Poděbrad pour condamner le terrorisme avant de former une chaîne humaine. Des slogans comme « Le terrorisme n’est pas une religion » ou « Nous vivons tous sous le même toit » sont alors apparus sur des pancartes. Quelques opposants à l’islam ont également profité de l’occasion pour faire savoir qu’ils étaient les seuls à pouvoir prétendre être chez eux en République tchèque.

Tomáš Halík,  photo: Alžběta Švarcová,  ČRo
Initialement, les musulmans voulaient organiser leur rassemblement à l’église Sainte-Ludmila située sur la place de la Paix (náměstí Míru), à quelques centaines de mètres plus loin. Mais c’était alors sans compter sur le refus de la paroisse, qui n’a pas accepté que les musulmans participent à l’office. Toutefois, le prêtre et président de l’Académie chrétienne tchèque, Tomáš Halík, estime que ce refus constituait plus un malentendu qu’un réel rejet :

« Je pense que les prêtres qui ont refusé ont pensé qu’il pourrait s’agir d’une liturgie commune entre chrétiens et musulmans, ce dont bien entendu il n’était nullement question. De la même manière que cela s’est fait en France, en Allemagne, à Rome et ailleurs encore, la volonté des musulmans était d’exprimer clairement leur rejet du terrorisme et de l’exploitation de la religion en participant silencieusement à la messe et en serrant simplement la main de leurs voisins dans l’assemblée. »

De son côté, l’archevêché de Prague a rappelé que si une célébration commune entre chrétiens et musulmans n’est pas possible d’un point de vue théologique, les églises sont et restent ouvertes à tous les gens de bonne volonté.