Les demandes d’asile de chrétiens chinois se heurtent à la Realpolitik
70 ressortissants chinois de confession chrétienne viennent de se voir refuser l’asile en République tchèque. Seuls huit d’entre eux ont obtenu le précieux sésame leur permettant de rester dans le pays, et d’envisager l’avenir de manière plus sereine. Cette affaire, débutée en 2016, lors du dépôt de leurs demandes d’asile, est depuis le début une épine dans le pied des autorités tchèques, alors que, sous l’impulsion du président Zeman notamment, Prague et Pékin vivent depuis quelques années une véritable lune de miel économique.
La jeune fille qui s’exprime et dont la voix a été ainsi déformée est la seule à bien avoir voulu témoigner pour la Télévision publique tchèque, à condition que l’équipe de reporters garantisse son anonymat. Elle est l’une des ressortissantes chinoises de confession chrétienne dont la demande d’asile a été récemment refusée par le ministère de l’Intérieur. Pour elle, comme pour ses coreligionnaires réfugiés en République tchèque depuis deux ans s’ouvre un avenir plus qu’incertain.
Il y a quelques jours, l’Organisation d’aide aux réfugiés (OPU) qui s’occupent de leur cas, a annoncé que plusieurs de ces ressortissants avaient déposé une plainte contre le ministère de l’Intérieur. Hana Franková est juriste pour l’OPU, elle détaille les ressorts de la décision ministérielle :
« Dans sa décision qui rejette leur demande de protection internationale, le ministère de l’Intérieur explique notamment que les demandeurs d’asile n’ont pas été persécutés dans leur pays d’origine en raison de leur religion et qu’ils ne risquent aucunes représailles à l’avenir en Chine. »Ce n’est évidemment pas l’avis, ni des réfugiés eux-mêmes, ni de leurs nombreux soutiens juridiques ou politiques en République tchèque. Pour de nombreux observateurs, ce refus d’accueillir ce groupe de croyants chinois est en grande partie lié aux relations étroites que Prague entretient depuis plusieurs années avec Pékin.
Depuis le début de son premier quinquennat, le président Miloš Zeman n’a jamais caché ses sympathies avec la Chine, et il y a deux ans encore, sous le gouvernement de coalition menée par le social-démocrate Bohuslav Sobotka, l’heure était également au renforcement des échanges commerciaux sino-tchèques. Quitte à ne pas être trop regardant sur la question des droits de l’Homme.
D’autres en République tchèque, pourtant, continuent de vouloir faire en sorte que l’héritage du président et ancien dissident, Václav Havel, qui a toujours refusé de transiger sur les droits de l’Homme pour des raisons économiques, ne soit pas totalement jeté aux oubliettes. A cet égard, le flambeau a été en partie repris par le parti conservateur TOP 09 dont l’ancien ministre des Affaires étrangères Karel Schwarzenberg, qui fut proche de Havel, fait partie. Et il ne mâche pas ses mots :
« Je pense d’abord que c’est lié à une sorte de xénophobie générale qui prévaut dans le pays. Nous ne voulons pas de réfugiés, nous ne voulons personne d’autre. Deuxièmement, il y a cette servilité vis-à-vis de la République populaire de Chine. La République tchèque entretient avec elle de bonnes relations, elle essaye d’y réussir économiquement. En fait, nous essayons d’éviter à tout prix de nous fâcher avec Pékin. Ce sont des craintes et de la couardise tchèques typiques. »Aujourd’hui donc, les ressortissants chinois ayant déposé une plainte pour essayer de renverser la décision du ministère peuvent encore demeurer sur le territoire tchèque tant que les autorités locales n’auront pas tranché sur la question. Si d’aventure, leur plainte se voyait rejetée, ils pourraient être expulsés du pays.
Le bureau tchèque de l’ONG Amnesty International s’est alarmé de cette possibilité et dans un communiqué publié la semaine dernière, a rappelé que la Chine considérait les demandes d’asile de ses ressortissants à l’étranger comme un délit, voire comme un crime de haute trahison.
A noter toutefois que la République tchèque n’est pas la seule à rejeter les demandes d’asile de croyants chinois. La France fait en effet aussi partie des pays à refuser de manière fréquente les demandes de ressortissants chinois, membres de certaines Eglises chrétiennes.