A Prague, une manifestation contre le gouvernement se termine en échauffourées
Samedi une manifestation au centre de Prague a rassemblé plusieurs milliers de personnes contre le gouvernement et « contre la pauvreté ». Comme en septembre dernier, ce rassemblement agrégeait en réalité de nombreux opposants à l’aide militaire tchèque à l’Ukraine, dont certains ont été à l’origine d’échauffourées en fin de manifestation.
Il y avait beaucoup, beaucoup de drapeaux tchèques tricolores qui flottaient samedi après-midi, lors de la manifestation qui a rempli la partie supérieure de la place Venceslas. Mais aussi des pancartes appelant à la paix, ou d’autres dénonçant l’Union européenne ou l’OTAN.
La manifestation était organisée à l’initiative de Jindřich Rajchl, à la tête de PRO, un nouveau parti créé en avril 2022 et qui depuis le début, s’est présenté comme opposé à la politique du gouvernement de Petr Fiala qu’il considère comme « asociale » mais aussi au soutien massif accordé par Prague à l’Ukraine depuis que le pays a été attaqué par la Russie. La Tchéquie fait face à des taux d’inflation record depuis un an, notamment en raison de la flambée des prix de l’énergie provoquée par la guerre en Ukraine. En février, le taux d’inflation annuel du pays s’élevait à 16,7 %.
Le rassemblement de samedi a attiré plusieurs personnalités tchèques qui se sont exprimées sur le podium, parmi lesquels le chorégraphe Petr Zuska, le réalisateur et scénariste Igor Chaun, l’épidémiologiste Jiří Beran ou encore le médecin et ancien athlète olympique Lukáš Pollert qui s’est distingué ces dernières années par ses positions covido-sceptiques.
A l’issue de cette manifestation de trois heures, et à l’appel de certains orateurs, plusieurs centaines de personnes se sont rendues devant le Musée national situé tout en haut de la place : là même où une petite contre-manifestation défendait depuis le début de l’après-midi le soutien de la Tchéquie à l’Ukraine. Les participants à la grande manifestation exigeaient le retrait du drapeau ukrainien accroché à la façade du Musée depuis l’invasion russe. Plusieurs échauffourées ont eu lieu au pied du bâtiment historique après que les forces de l’ordre ont appelé, en vain, les manifestants à se disperser.
La Haute école d’économie (VŠE) de Prague va se pencher sur le cas d’un de ses doyens, Miroslav Ševčík, qui, s’il affirme s’y être retrouvé par hasard, était présent lors de la manifestation de même que lors de la tentative de la foule d’aller décrocher le drapeau ukrainien. « Le comportement du doyen de la Haute école d’économie a depuis longtemps dépassé les bornes et sa performance d’hier n’est pas une exception. Malgré ses affirmations, il est impossible de séparer ses opinions et actions privées du fait qu’il occupe une fonction publique », pouvait-on lire sur le compte Twitter de la VSE dimanche. Une réunion entre le principal intéressé et le président de l’école était prévue ce lundi. Vít Rakušan, ministre de l’Intérieur, a rejeté la comparaison de Miroslav Ševčík, avec la « Semaine Palach », lorsqu’en janvier 1989 la police communiste avait violemment dispersé des manifestants :
« La police a longtemps été avant tout sur la défensive. Elle a appelé les gens à se disperser, s’est efforcée d’amener les gens qui en avaient besoin en sécurité. Elle n’est réellement intervenue de manière offensive que lorsque la foule a réellement voulu entrer dans le bâtiment du Musée. »
Conséquence de ces incidents survenus en marge de la manifestation : trois policiers ont été blessés et 18 personnes arrêtées. En outre, la police a également interpellé un des participants arborant un écusson frappé du symbole du groupe de mercenaires russes Wagner et de la lettre Z. Le jeune homme est en effet soupçonné de négation et d’approbation de génocide.
Via son porte-parole, le Premier ministre Petr Fiala s’est dit convaincu que les discours, les orateurs et les demandes formulées parlaient d’eux-mêmes, et a fait savoir qu’il ne voyait aucune raison de commenter davantage la manifestation. Vít Rakušan pour sa part a dit comprendre les craintes des manifestants vis-à-vis de la guerre et de la pauvreté, mais a rappelé que « l’État [disposait] de suffisamment d’outils fonctionnels pour faire face à [cette] menace. » En outre, il a appelé les organisateurs de la manifestation à se distancier des « actes de violence » survenus aux abords du Musée national, estimant que dans le cas contraire, cela donnait « l’impression que manifestation contre la pauvreté n’était qu’une couverture pour une provocation pro-russe. »
En attendant, l’organisateur de la manifestation a rappelé que si les demandes de son parti n’étaient pas entendues, ou si le gouvernement ne démissionnait pas avant le 10 avril, un autre rassemblement serait organisé le 16 avril sur la place Venceslas, n’excluant pas cette fois des blocus de bâtiments gouvernementaux.