Presse : la scène médiatique tchèque en passe de s’améliorer après la vente du groupe Mafra ?
La vente de la grande maison d’édition Mafra et ses éventuelles retombées est le premier sujet abordé dans cette nouvelle revue de la presse tchèque. Autres thèmes traités : la perte de crédibilité du gouvernement de Petr Fiala et la bonne condition de sa politique étrangère, notamment dans sa relation à l’Union européenne. Quelques mots aussi sur les protestations à attendre prochainement dans le pays ou encore sur l’intérêt de la Tchéquie pour le continent africain.
« L’anomalie médiatique est finie, mais le modèle oligarchique reste », titre le site Seznam Zprávy en lien avec la vente de Mafra, un des plus grands groupes de presse en Tchéquie, par la holding Agrofert, fondée par l’ancien Premier ministre Andrej Babiš. En passant aux mains du groupe Kaprain de l’homme d’affaires Karel Pražák, Mafra, qui publie notamment les grands quotidiens généralistes Mladá fronta Dnes et Lidové noviny, change de propriétaire dix ans après son rachat par Andrej Babiš. Le site observe à ce propos :
« Selon certaines spéculations, Mafra ne restera pas longtemps la propriété de ce nouveau groupe, car il y a d’autres parties intéressées qui ont fait des offres pour en faire l’acquisition, parmi lesquelles celle du milliardaire Pavel Tykač. Cependant, quel que soit le propriétaire final de Mafra, il est désormais quasiment certain, grâce à l’amendement de la loi sur les conflits d’intérêts, qu’il ne s’agira plus d’un politicien en activité, ni même de l’un des plus hauts dirigeants politiques. La scène médiatique tchèque va donc enfin se débarrasser d’une anomalie qui a nui à la fois à la culture journalistique et à la concurrence politique démocratique, et qui a été à plusieurs reprises critiquée par des organisations internationales de journalisme, ainsi que par les institutions européennes. »
Par ailleurs, comme l’ajoute l’auteur, en Europe occidentale, depuis l’époque de Silvio Berlusconi, on aurait du mal à trouver un cas de figure similaire, c’est-à-dire avec un important homme politique, voire même un Premier ministre comme dans le cas d’Andrej Babiš, qui possède et domine certains médias nationaux. « Même dans les pays d’Europe de l’Est, une telle constellation a été tout à fait exceptionnelle ces vingt dernières années », écrit-il. Son ton reste néanmoins prudent :
« Certes, il y a lieu de saluer l’abandon de Mafra par d’Andrej Babiš, chef du mouvement ANO (principale formation de l’opposition). Toutefois, ce serait une erreur de croire que cela suffira pour améliorer la situation de la scène médiatique tchèque. Tout propriétaire peut menacer l’indépendance des médias sans être une figure politique. »
La crédibilité du gouvernement fragilisée
La crédibilité du cabinet de Petr Fiala est en baisse. Voilà ce dont fait part la dernière édition de l’hebdomadaire libéral Respekt, dans laquelle on peut lire:
« Le Premier ministre tchèque ne traverse pas une fin d’été particulièrement radieuse. Récemment, par exemple, 200 manifestants se sont réunis devant le siège du gouvernement pour lui faire comprendre que la récente rencontre de cinq heures entre le ministre de la Justice Pavel Blažek et le lobbyiste prorusse Martin Nejedlý était la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Une façon aussi de réclamer la démission du ministre, et ce afin de préserver la crédibilité fragilisée du cabinet. »
De même, les résultats du dernier sondage du Centre de recherche sur l’opinion publique (CVVM) ne sont pas très flatteurs pour le gouvernement Fiala. En effet, seul un quart des Tchèques lui feraient actuellement confiance, dont 2 % seulement sans réserves. « Ces chiffres confirment que la coalition gouvernementale a perdu la confiance même d’une partie des électeurs qui à l'automne 2021 ont voté pour l’un des cinq partis qui la forment aujourd’hui », souligne le magazine.
Le site Aktualne.cz se penche, lui, sur la stratégie de la Tchéquie pour la prochaine décennie, que le chef du gouvernement Petr Fiala a présentée aux médias le 1er septembre :
« Le gouvernement a un discours ambitieux, mais il traîne à passer à l’action. Certes, la vision que Fiala a présentée est plutôt bonne, mais son gouvernement est incapable, par exemple, de se préoccuper des jeunes et de leurs idées du monde. Il n’écoute pas leurs inquiétudes concernant le climat. La plus grande faiblesse qui caractérise cette vision, c’est donc une sorte d’obsolescence ».
Le magazine Reflex note à ce propos également :
« Le pays ne va pas bien. Le rêve post-soviétique selon lequel il allait bientôt redevenir un tigre européen ne s’est pas réalisé. Certains font porter le chapeau à la politique de droite, d’autres à la politique de gauche. Bien que les deux tendances se soient l’une et l’autre imposées au cours des trente dernières années, la stagnation suit son cours. La raison de tout cela est probablement un point commun qu’ont les partis politiques : une ‘désuétude provinciale’ dont l’origine remonte au XIXe siècle. »
La politique étrangère tchèque en bonne forme
La politique étrangère tchèque est dans sa meilleure condition depuis l’époque de Václav Havel. C’est du moins ce qu’estime le quotidien Deník, qui explique pourquoi :
« À l’instar de celles d’autres États démocratiques, la politique étrangère tchèque actuelle est basée sur le soutien à l’Ukraine. La Tchéquie mène également une meilleure politique européenne aujourd’hui. Elle est passée du statut de pays imprévisible et peu constructif à celui de pays qui participe à la recherche de solutions européennes communes. Cela a été net lors de la crise énergétique et dans la position sur la réforme de la politique migratoire. Ainsi, la Tchéquie se retrouve aujourd’hui dans une position dans laquelle elle n’était plus depuis de nombreuses années. C’est un État qui participe au bon fonctionnement de l’UE et qui n’est plus seulement source de problèmes et de difficultés. »
Ce qui marche moins bien en revanche, comme l’indique encore le journal, ce sont d’autres aspects de la politique locale, ceux qui se rapportent aux affaires intérieures et économiques.
Des protestations à attendre en septembre en Tchéquie
La Tchéquie et Prague en particulier ont devant elles un mois de septembre qui sera marqué par des manifestations contre le gouvernement. Comme le rapporte le quotidien Deník N, elles sont prévues par des opposants radicaux au cabinet de Petr Fiala qui, toutefois, n’agissent pas ensemble :
« La plupart des mouvements contre le gouvernement mènent leurs propres actions, tout en s’accusant mutuellement de fragmenter l’opposition. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle probablement personne ne pourra répéter la surprise que l’on a connue lors de la rentrée scolaire l’année dernière, quand une manifestation d’une ampleur inattendue avait été organisée par des activistes jusqu’alors pratiquement inconnus. Ces derniers se sont brouillés depuis, toutefois il reste suffisamment d’adeptes qui aimeraient renouer avec leur succès. »
Cette fois, comme l’indique l’éditorialiste, une grande manifestation n’aura probablement pas lieu avant la mi-septembre. Celle prévue par le mouvement « République tchèque contre la pauvreté » devrait se tenir le troisième samedi de septembre. Les parti Liberté et démocratie directe de Tomio Okamura et Trikolora, deux formations d’extrême droite, invitent leurs sympathisants à se rassembler à České Budějovice, en Bohême du Sud, quelques jours plus tard.
L’intérêt tchèque pour le continent africain
« La stabilité et la prospérité des pays africains constituent un intérêt fondamental de l’Union européenne en matière de sécurité. » Tel est le constat que dresse le quotidien économique Hospodářské noviny relatif aux conflits et aux tensions qui secouent plusieurs pays africains ces derniers temps. L’occasion pour l’auteur de rappeler l’intérêt porté par la Tchéquie au continent africain :
« Outre des projets de longue date en Éthiopie, les Tchèques ont récemment goûté à l’Afrique par le biais de missions de formation militaire de l’UE au Mali et d’opérations de lutte contre le terrorisme au Mali et au Niger, avec la France et d’autres alliés européens. La récente visite à Prague du président du Mozambique, Filipe Nyusi, qui parle couramment le tchèque, a montré que Prague avait aussi quelque chose à offrir. Le tout à un moment où il s’agit de soutenir l’effort européen pour comprendre l’Afrique et d’essayer de faire quelque chose pour les Africains, avant que la vague de bouleversements liés aux effets du changement climatique et de la crise économique mondiale, ne perturbe complètement le continent. »