A Strasbourg, le rêve européen de Miloš Zeman

Miloš Zeman, photo: ČTK

Le discours du président de la République Miloš Zeman prononcé mercredi à Strasbourg devant le Parlement européen a été, dans l’ensemble, plutôt bien accueilli. Mais s’il a, d’un côté, définitivement confirmé l’orientation pro-européenne du pays, le chef de l’Etat a surtout voulu impressionner son auditoire. En bon orateur et en mêlant, comme il a l’habitude de le faire, des références culturelles à un sens de l’humour qui n’appartient qu’à lui, Miloš Zeman a en effet été applaudi. Toutefois, ni ses grandes visions générales, ni ses mots d’esprit, n’ont en rien contribué aux sujets qui sont au cœur des débats de l’Europe actuelle.

Miloš Zeman,  photo: ČTK
Miloš Zeman aime citer les grands hommes. Et il faut reconnaître qu’il le fait avec une certaine prestance, même en anglais – qu’il a décidé d’employer, contre tout usage du Parlement européen, institution dont le multilinguisme est pourtant l’un des acquis fondamentaux. Devant une salle remplie à moitié, le président tchèque a évoqué le philosophe polonais Leszek Kołakowski, le secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger ou encore l’eurodéputé franco-allemand et chef des Verts Daniel Cohn-Bendit, dont il a repris le langage fédéraliste :

« Quel est le sens du mot ‘unir’ ? Si cela veut dire ‘intégrer’ ou encore ‘intégrer les règles communes’, je suis tout à fait d’accord. Mais si cela veut dire ‘uniformiser’, je suis strictement contre. Un uniforme est gris et ennuyeux. Je suis contre le ‘fromage européen unique’, contre la ‘bière européenne unique’. Et d’ailleurs, je vous recommande la bière tchèque, qui est la meilleure bière du monde. Ce dont nous qvons besoin, c’est une fédération européenne intégrée, et non pas un Etat européen uniforme. »

Dans la lignée des fromages et bières uniques, le président a critiqué, avec un plaisir qui lui est propre, l’absurdité du double siège du Parlement européen ou encore la bureaucratie excessive des institutions européennes. Tout cela non sans un clin d’œil aux médias tchèques qui se délectent à attaquer Bruxelles à ce sujet :

« Mon rêve européen à moi n’inclut pas de directives absurdes, telles que la directive sur les ampoules à efficacité énergétique… J’en ai une dans ma maison de campagne et cela donne l’impression d’être dans un cimetière ou à la morgue. Je vous fais part de ma propre expérience. »

La définition de ce que n’est pas son rêve européen a été suivie par les affirmations de ce que, au contraire, le rêve européen est ou devrait être. Outre une politique européenne commune dans les domaines des affaires étrangères et de la défense, (dans le cadre de laquelle Miloš Zeman a conseillé la création d’une armée européenne commune, qui serait plus efficace et moins coûteuse que les actuelles vingt-huit armées non-coordonnées), le président tchèque a avant tout insisté sur une coopération économique et monétaire plus étroite :

Miloš Zeman,  photo: ČTK
« Ce dont nous avons besoin, c’est une fiscalité commune. Il faut harmoniser les systèmes des impôts. Je suis heureux que la République tchèque ait adopté le pacte fiscal, et je suis moi-même un fervent partisan de l’adoption de l’Euro par la République tchèque, et ce dans un délai le plus court possible. »

Sur d’autres points, le président a été moins convaincant, si l’on devait distinguer les paroles de ses actes. Grand défenseur de la soi-disant diplomatie économique, par laquelle Miloš Zeman justifie sa politique extérieure souvent controversée, il s’est contredit en citant le philosophe tchèque Václav Bělohradský :

« La citoyenneté européenne est un choix culturel. Essayons de définir ce que cela signifie. Tout d’abord, la culture pèse plus qu’un froid calcul économique des pertes et des bénéfices. Cette culture, c’est surtout un ensemble de règles de comportement communes. »

Bien que cette dernière citation eût mérité d’être développée et reliée avec les évènements en Ukraine, Milos Zeman ne s’est pas aventuré sur ce terrain. Peut-être bien qu’il ne compte pas, en dépit de ses paroles, compromettre sa bonne entente avec le Kremlin.