Presse : la Tchéquie appelée à observer l’évolution chez son voisin autrichien
Que signalent les résultats des élections en Autriche pour la Tchéquie ? Réponse dans cette nouvelle revue de presse qui s’intéresse également à l’évolution sur l’échiquier politique tchèque, avant de revenir sur une réunion controversée autour de la célébration des 80 ans de l’ancien président Miloš Zeman. Un mot aussi sur le désintérêt croissant pour les métiers manuels et sur les plus grosses fortunes tchèques.
« Il est dans l’intérêt tchèque que le parti FPÖ de Herbert Kickl n’accède pas directement au pouvoir ». C’est ce qu’a indiqué le journal Hospodářské noviny au lendemain de la victoire de l’extrême droite aux élections législatives en Autriche :
« Si les sympathisants d’Andrej Babiš, chef du mouvement ANO, qui n’a pas tardé à tweeter dès dimanche soir un message de félicitations à Herbert Kickl, saluent cette victoire électorale, ils applaudissent en réalité des intérêts anti-tchèques. Il convient de rappeler que le FPÖ a menacé en 2002 d’opposer son veto à l’entrée de la Tchéquie dans l’UE tant que les décrets Beneš ne seraient pas abrogés. Un sujet repris par Kickl. Il est également clair que s’il était au pouvoir, son refus de l’énergie nucléaire serait probablement beaucoup plus prononcé qu’il ne l’a été jusqu’ici, bien que la scène politique autrichienne dans son ensemble soit plus ou moins à l’unisson sur ce sujet. De même, il y aurait le risque d’appels au protectionnisme. Une telle évolution ne satisferait guère l’économie tchèque pour laquelle le libre échange est un élément clé. »
Selon le journal, il y a encore d’autres raisons pour lesquelles une coalition gouvernementale avec le FPÖ est peu souhaitable, « un parti qui n’a jamais manqué l’occasion de semer la peur et de diviser la société. »
Le site Seznam Zprávy remarque que pour Andrej Babiš, cette victoire signale que le populisme fonctionne également dans le pays voisin et qu’il a en Autriche un allié solide. Par ailleurs son mouvement ANO tout comme le FPÖ font partie du groupe Patriotes pour l’Europe au Parlement européen, fondé à l’initiative du Premier ministre hongrois Viktor Orbán.
« Le succès électoral du FPÖ en Autriche renoue avec des percées similaires dans un certain nombre d’autres Etats membres de l’Union européenne. En Hongrie, Viktor Orbán gouverne d’une main de fer, se comportant ouvertement comme une cinquième colonne pro-russe. La ligne politique de Robert Fico en Slovaquie évolue de la même manière », observe pour sa part le site info.cz.
A qui profitera la nouvelle donne sur l’échiquier politique tchèque ?
« Les divisions sur la scène politique tchèque creusent le fossé entre les partenaires politiques naturels, ce qui favorise clairement Andrej Babiš ». Voilà ce qu’indique l’éditorial de la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt. Selon son auteur, cette responsabilité incombe au Premier ministre Petr Fiala qui a révoqué le chef du Parti pirate Ivan Bartoš du poste de ministre du Développement régional pour avoir mal maîtrisé la numérisation des permis de construire :
« Jusqu’à présent, Petr Fiala a ignoré les problèmes de certains autres ministres et n’a pas insisté sur la numérisation dans d’autres secteurs. C’est à l’égard du ministre pirate qu’il a fait preuve de dureté, ceci au moment où ce dernier était politiquement très vulnérable parce que son parti a essuyé un échec important aux élections régionales. Sous la pression de son parti, l’ODS, il s’est donc retourné contre un ministre affaibli qui, depuis des années, montrait du doigt les liens clientélistes qui existent au sein de ce plus grand parti au pouvoir. »
Tout en soulignant que le chef de gouvernement avait tout à fait le droit de remplacer le ministre Ivan Bartoš, l’éditorialiste de Respekt explique pour quelle raison cette décision ne paraît pas perspicace :
« Si Petr Fiala envisage de former le prochain cabinet et s’il entend vraiment le faire sans le mouvement ANO, il pourra bien avoir besoin des Pirates humiliés pour le faire. Le sentiment de trahison que les Pirates ressentent aujourd’hui lui rendra la tâche très difficile. La responsabilité incombe bien sûr aussi aux Pirates qui ont décidé de quitter le cabinet. La situation est telle que la Tchéquie risque plus que jamais d’être prochainement gouvernée par des populistes. Une menace que Petr Fiala, à en croire ses promesses passées, voulait empêcher. »
Le site echo24.cz renchérit :
« Avec cette décision qui est juste sur le plan factuel mais mauvaise au niveau tactique, Petr Fiala a ouvert un deuxième front dans la guerre politique. L’un, il l’a avec Babiš, et l’autre désormais avec Bartoš. Déjà avant les élections régionales, le gouvernement avait du mal à rivaliser avec l’opposition de Babiš. Aujourd’hui, il a un adversaire de plus. »
Ces gens réunis autour de Miloš Zeman pour ses 80 ans
La célébration, le 28 septembre, des 80 ans de l’ancien président tchèque Miloš Zeman, personnalité connue pour ses positions pro-russes, a fait couler beaucoup d’encre en Tchéquie. Et ce, notamment en lien avec les profils des quelques 200 invités réunis à cette occasion au château de Hluboká nad Vltavou en Bohême du sud, parmi lesquels les Premiers ministres slovaques et hongrois Robert Fico et Viktor Orbán et le président polonais Andrzej Duda. Le quotidien Deník N s’est intéressé notamment à la présence de ce dernier pour rappeler les nombreuses critiques dont il a fait l’objet en Pologne. Le journal en ligne forum24.cz a pour sa part retenu la présence du journaliste suisse Robert Köppel, « le porte-parole du Kremlin et invité fréquent de la chaîne de propagande russe RT ». L’éditorialiste du site Seznam Zprávy a remarqué :
« Il y a lieu de féliciter sincèrement Miloš Zeman et de lui souhaiter une bonne santé, une retraite paisible et la capacité de résister à toute tentation de s’impliquer dans la vie publique du pays qu’il a troublée pendant des décennies d’engagement politique ».
Selon l’éditorialiste du journal Hospodářské noviny, le scénario de cet anniversaire est effrayant :
« Zeman a exclusivement invité des politiciens qui partagent sa vision du monde, dont Andrej Babiš, l’eurodéputée communiste Kateřina Konečná, un membre du parti d’extrême droite SPD ou l’ancien président Václav Klaus. Parmi les personnalités étrangères présentes se trouvaient beaucoup de ceux qui sont responsables d’attaques contre le système juridique ou qui déploient des efforts visant à liquider les médias publics dans leur pays. Ce n’était pas seulement une rencontre de personnes qui ont un profond manque de respect pour les institutions démocratiques. Il ne s’agissait pas seulement du rassemblement d’une internationale de nationalistes qui cherchent à démanteler l’intégration européenne. Il s’agissait de la réunion d’une association informelle de défenseurs des intérêts russes dans notre région. »
Peu d’intérêt pour les métiers manuels
Le taux de chômage en Tchéquie reste l’un des plus bas de tous les pays de l’UE. Certaines professions souffrent pourtant d’une importante pénurie de main d’œuvre. Le site Novinky.cz précise :
« Selon l’Office du travail, il y a plus de 280 000 postes vacants dans le pays. Très peu sollicités sont les métiers manuels pour lesquels l’intérêt auprès des jeunes n’a de cesse de s’amoindrir. La main d’œuvre peu qualifiée provenant de l’étranger n’arrive pas à compenser la pénurie d’artisans, d’ouvriers et de travailleurs techniques de qualité, ainsi que de cuisiniers, coiffeurs et chauffeurs. La main-d’œuvre diminue de manière significative également dans le secteur minier. »
Il s’avère, comme l’observe l’éditorialiste du site, que notre société classe ces métiers au plus bas de l’échelle de ses valeurs :
« Les Tchèques s’orientent de plus en plus vers des postes spécialisés dans différents domaines. La preuve - le nombre de spécialistes a doublé au cours des 30 dernières années, passant de 500 000 à un million. Depuis un certain temps déjà, les métiers manuels sont pourtant devenus gratifiants, car les salaires y affichent clairement tendance à la hausse. »
Les grandes fortunes tchèques selon Forbes : Kellnerová suivie de Křetínský
« Selon les estimations de Forbes, la femme d’affaires Renata Kellnerová, l’héritière du groupe PPF, demeure la première fortune tchèque et ce depuis 2021, date du décès tragique de son mari Petr Kellner. Au cours de l’année écoulée, ses actifs ont augmenté de huit milliards de couronnes. » C’est ce que rapporte le site Akualne.cz avant d’ajouter que Daniel Křetínský, propriétaire majoritaire de la holding EPH et propriétaire du club de football Sparta, s’est classé deuxième en se rapprochant considérablement d’elle. En revanche, comme il l’indique également, la chute la plus importante a été enregistrée par le chef du mouvement ANO, Andrej Babiš :
« Sa fortune est passée de 170 à 79 milliards en un an. Deuxième Tchèque le plus riche encore en 2018, il occupe actuellement la neuvième place du classement. S’il a toujours fait partie des cinq premiers, il en est cette année sorti pour la première fois. »