Accessibilité des trains : les personnes handicapées toujours discriminées

Erik Čipera, photo: CTK

Un happening organisé par l’association « Asistence » à la gare centrale de Prague protestait, jeudi, contre la décision prise par la compagnie ferroviaire RegioJet d’annuler la possibilité d’utiliser des rampes mobiles pour les personnes à mobilité réduite, à compter de ce vendredi. Les handicapés devront désormais compter sur l’amabilité et les muscles du personnel de la compagnie, ou choisir une compagnie concurrentielle. Radio Prague a interrogé Erik Čipera, le directeur adjoint de l’association « Asistence », pour en savoir plus sur un problème pas nouveau en République tchèque.

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Se déplacer en fauteuil roulant n’est toujours pas une chose évidente au XXIe siècle. Si de nombreuses améliorations ont été réalisées dans les transports urbains avec la construction d’ascenseurs dans les métros ou la mise en place de tramways à plancher surbaissé, la situation des transports ferroviaires, elle, semble régresser. Même si Erik Čipera constate que des améliorations ont été enregistrées dans ce domaine, notamment grâce à l’achat de transports adaptés aux personnes handicapés, il regrette que ces transports soient absents de certaines voies. En comparaison avec l’étranger, le voyage des personnes à mobilité réduite rime parfois avec pénibilité. Erik Čipera fait remarquer les différences entre les différentes compagnies :

« Nous avons tout d’abord accueilli avec joie l’entrée de nouvelles sociétés de transport sur le marché. Ce sont les compagnies RegiotJet et Leo Express qui ont nouvellement intégré le marché ferroviaire. Au début, une pression sensible était exercée sur la société ferroviaire publique tchèque České dráhy, afin qu’elle offre des services comparables à ceux des sociétés privées. Donc, l’accessibilité des transports augmente. Mais la société RegioJet, qui avait d’abord assuré mettre en place des trains adaptés dans les prochains mois, s’est désistée par la suite. Ses trains sont donc restés inaccessibles, tandis que la société Leo Express, elle, a acheté des trains à plancher surbaissé et les trajets effectués sont beaucoup plus confortables. »

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A partir de ce vendredi 1er novembre, l’obligation pour les voyageurs handicapés de notifier à la compagnie RegioJet leur trajet un jour et demi à l’avance va disparaitre. Cette notification était requise, afin de pouvoir prévoir l’installation de rampes mobiles, facilitant l’accès au train. La raison principale de la disparition de cette notification est financière, dans la mesure où c’est České dráhy qui loue ces rampes pour un prix allant de 3 600 à 7 200 couronnes (de 150 à 300 euros environ). Erik Čipera nous dévoile le pourquoi de l’action de l’association, qui veut s’opposer à un effacement des dimensions éthiques relatives au transport au profit d’une justification économique :

Erik Čipera,  photo: CTK
« Notre protestation, notre combat, est née à la suite de la publication il y a un mois d’un communiqué de presse de RegioJet, dans lequel la société annonçait la fin des transports pour les personnes en fauteuil roulant, en leur recommandant d’utiliser les services des autres compagnies. Et ce en invoquant essentiellement des raisons administratives, des trains retardés et la location des rampes mobiles. Une telle justification est discriminatoire et exclut ainsi un grand nombre de voyageurs. Ce n’est pas non plus possible compte tenu des lois anti-discriminatoires. RegioJet a de suite pris conscience de cela en reformulant sa déclaration. Il en a fait une sorte davantage, en affirmant qu’à partir du 1er novembre 2013, les personnes handicapées n’auraient plus de problème pour commander des rampes mobiles, car elles pourront se rendre directement sur les quais des trains RegioJet. »

Les membres de l’association se sont rendus jeudi à la gare centrale de Prague afin de vérifier de quelle façon les personnes à mobilité réduite monteraient dans les trains. Erik Čipera toujours :

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« Avec un fauteuil roulant, nous sommes allés voir quelle était la situation sur les quais en pratique. Il y avait un personnel très prévenant, qui a pris en charge la personne, en la hissant dans le train. Mais nous avons pris des photos, et il s’agit vraiment d’une situation indigne, quand le personnel prend la personne, littéralement, en main sur le quai. Or, ce ne sont pas des assistants spécialisés, ils traînent la personne dans les escaliers, puis le fauteuil roulant. Toute cette situation ne semble pas rentrer pas dans le cadre de l’année 2013. Cela correspond à une situation des années 1950 ou 1960, lorsque les premiers handicapés prenaient les transports en commun. »

Une meilleure coopération entre les sociétés ferroviaires privées et la société ferroviaire publique ne semble pas être à l’ordre du jour. Or, les personnes à mobilité réduite semblent être prises en otage dans un combat de concurrence ardue, où le client ne semble plus se situer en première place. La société RegioJet justifie sa décision en clamant que les subventions étatiques destinées à České dráhy sont bien plus élevées que celles destinées aux sociétés privées. Outragés, les membres de l’association « Asistence » commencent dès à présent à combattre ces dispositions, portant atteinte à la dignité humaine, dans la mesure où l’expansion de la compagnie RegioJet sur d’autres lignes pourrait entraîner une banalisation de cette situation. Chose étonnante, les sociétés de transport peuvent contourner la loi anti-discriminatoire, en justifiant leurs règlements de transport par des intérêts d’ordre économique.