Accusés d’espionnage, deux développeurs de jeux vidéo tchèques seront jugés en Grèce

Ivan Buchta et Martin Pezlar, photo: ČTK

On avait un peu oublié cette affaire. Elle est revenue sur le devant de la scène lundi, au moment du départ de Martin Pezlar et Ivan Buchta pour la Grèce. Les deux hommes avaient été arrêtés en septembre 2012 par la police grecque après avoir photographié et filmé des installations militaires situées sur l’île de Lemnos, non loin de la Turquie, où ils prétendaient séjourner en qualité de touristes. Employés à l’époque dans une société qui produit des jeux vidéo, ils sont depuis accusés d’espionnage. Leur procès s’ouvrira ce mercredi.

Ivan Buchta et Martin Pezlar,  photo: ČTK
« J’espère que les autorités grecques comprendront qu’ils n’ont pas affaire à des espions mais à des imbéciles. » Voilà en somme ce qu’avait déclaré, il y a quatre ans et demi de cela, au moment de l’arrestation de Martin Pezlar et Ivan Buchta, le ministre des Affaires étrangères tchèque. Karel Schwarzenberg avait alors qualifié le comportement des deux hommes de « stupidité sans nom ». Malgré cette colère, la diplomatie tchèque s’était engagée en faveur de leur libération, tandis que le président de la République, Václav Klaus, avait adressé une lettre à son homologue grec dans laquelle il lui avait demandé de porter une attention particulière à cette affaire et que le Premier ministre, Petr Nečas, avait rencontré le chef du gouvernement grec pour s’entretenir spécialement du sujet. A Prague, une pétition de soutien avait également recueilli 21 000 signatures.

Après leur arrestation, les deux hommes avaient passé quatre mois en détention provisoire. Ce n’est qu’après avoir été libérés sous caution (d’un montant de 5 000 euros pour chacun d’entre eux) qu’ils avaient pu rentrer, soulagés, en République tchèque, où ils avaient été accueillis par leurs familles émues et des dizaines de journalistes.

Ce retour à Prague n’avait pas signifié le classement de l’affaire pour autant. C’est la raison pour laquelle Martin Pezlar et Ivan Buchta seront jugés à compter de ce mercredi ; une échéance que le premier nommé n’a pas caché appréhender :

Arma III,  photo: Bohemia Interactive
« C’est pour nous un stress permanent. Cette longue attente est d’autant plus stressante à l’approche du dénouement de l’affaire. Ce qui est sûr, c’est qu’à la différence d’une grande majorité de Tchèques, nous ne partons pas là en Grèce pour un séjour de vacances. »

Au moment des faits qui leur sont reprochés, Martin Pezlar et Ivan Buchta étaient employés comme développeurs chez Bohemia Interactive, une entreprise de jeux vidéo renommée basée à Prague. Dans le cadre du développement à l’époque d’un jeu de guerre très réaliste (ARMA III) qui a pour cadre deux îles dont l’une est fortement inspirée de Lemnos, ils s’y étaient rendus pour, affirment-ils, « voir de leurs propres yeux » le décor. C’est du moins la version que défendront les deux hommes devant la justice grecque, comme le confirme Ivan Buchta :

« Nous étions réellement en vacances. L’état d’avancement du projet était alors tel qu’aller là-bas pour recueillir des informations supplémentaires quelques mois seulement avant l’achèvement du jeu aurait été sans intérêt aucun. »

L'île de Lemnos,  photo: Phelim123,  CC BY 3.0
Si ces prises de vue des installations militaires gênent tant les autorités grecques, c’est parce que l’île de Lemnos, au nord de la mer Egée, se trouve à proximité de la frontière avec la Turquie, une zone sensible compte tenu des relations tendues entre les deux pays.

S’ils étaient reconnus coupables, les deux prévenus tchèques pourraient être condamnés à une peine de prison ; une éventualité qu’Ivan Buchta affirme ne pas envisager :

« Nous sommes relativement confiants et voulons croire que tout rentrera dans l’ordre, car nous ne sommes vraiment pas des espions. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous n’avons pas envisagé de ne pas nous présenter au tribunal. Nous ne voyons aucune raison d’être condamnés pour ce chef d’accusation. »

Il n’est cependant pas sûr que cette interprétation des faits soit aussi celle de la justice grecque…