Adam Drda et les persécutions communistes : « C'était encore pire que ce que nous imaginons »

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Pour la troisième année consécutive, le projet « Histoires de l'injustice », lancé par l'ONG « L'homme en détresse », s'attache à faire connaître les histoires des innombrables victimes, trop peu connues, du régime communiste tchécoslovaque. Notre collègue de Radio Cesko, Adam Drda, est l'un des participants au projet. Chaque jour, du 1er au 16 novembre, il raconte dans le quotidien Lidove Noviny le destin d'un homme ou d'une femme qui s'est retrouvé emprisonné ou a été exécuté dans les années 1950.

Adam Drda
A l'origine, le projet est né de la volonté de faire connaître aux collégiens et lycéens tchèques l'histoire récente du pays. L'époque communiste n'étant abordée que de façon très superficielle par les manuels, l'idée était de faire participer les écoliers directement : à eux de trouver des survivants, de réaliser des entretiens qui seraient ensuite présentés et publiés. Une formule qui, pour Adam Drda, avait fait ses preuves :

« C'est très intéressant : en général, cela passionne les jeunes. On a toujours l'impression que c'est de l'Histoire. D'ailleurs, un écrivain, qui lui-même est un ancien prisonnier politique, l'a très bien décrit : pour les jeunes, les années cinquante, c'est comme la Guerre de Trente ans ! Mais en réalité, ce n'est pas le cas. Les adolescents, âgés de 15 à 18 ans, réagissent avec beaucoup d'intérêt, ils disent : 'mais on ne savait pas du tout que c'était aussi dur'. Et s'il y a des personnes qui ne s'y intéressent pas, ce sont plutôt les générations âgées de quarante, cinquante, soixante ans. »

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Aujourd'hui, le projet a pris de l'ampleur. Cette année, une exposition est installée sur la place Venceslas, en plein coeur de Prague. Un camp a été monté qui représente les dizaines de camps similaires où étaient enfermés hommes et femmes durant les années noires. Présenter des personnes ordinaires, c'est aussi l'objectif des portraits présentés dans Lidove noviny. Si l'on connaît le destin de grandes figures historiques, la répression a cependant touché l'ensemble de la population, comme le rappelle Adam Drda :

« Pour moi, ce sont par exemple les paysans qui me semblent les plus admirables. Des gens qui ne voulaient pas combattre mais vivaient dans leur ferme, sur un terrain qui leur appartenait depuis des centaines d'années. Ils ont été persécutés par le régime mais nombre d'entre eux ont fait montre d'un grand courage. Il en va de même pour les croyants. La frontière entre la politique et la vie quotidienne, la foi, était très fragile : ces gens n'ont pas fait de la résistance parce qu'ils l'avaient choisi, mais la résistance est venue de manière naturelle car il s'agissait de croyants qui voulaient rester fidèles à leurs idéaux. »

Les femmes n'ont pas échappé aux persécutions. Pour Adam Drda, une des histoires les plus intéressantes est celle d'Anna Magdalena Schwarzova, qui vit à Cracovie et appartient à l'ordre des Carmélites Pieds nus :

« Elle est d'origine juive. Elle a été internée au camp de Terezin pendant la guerre. Dans les années cinquante, elle a rejoint une société secrète religieuse anti-communiste appelée La famille. Elle a été emprisonnée pendant une dizaine d'années pour 'activités contre l'Etat'. En effet, elle se rendait dans des couvents où étaient internés des prêtres et leur apportait des choses, servait d'intermédiaire. En 1960, elle a été amnistiée et libérée. Puis dans les années 70, elle est de nouveau entrée dans l'opposition. Finalement, alors que tout le monde émigrait à l'Ouest, elle a 'émigré' dans un autre pays du bloc de l'Est mais pour rejoindre un couvent. »

Un projet pour que les mots « victimes du stalinisme » ou « procès politiques » ne soient pas de simples expressions qui se vident de leur sens à force d'être répétées. Car, comme le rappelle Adam Drda, « c'était encore pire que ce que nous imaginons ».