« Histoires de l’injustice » : comprendre le communisme sans l’avoir connu
Ce jeudi soir a débuté au cinéma Lucerna à Prague la 9e édition des « Histoires de l’injustice », et plus particulièrement un de ses projets nommé le « Mois du film à l’école » dont l’objectif est de familiariser les élèves tchèques avec l’histoire moderne du pays. Cet événement est organisé par l’association Člověk v tísni (L’homme en détresse) depuis 2005. Par ailleurs, lors de l’inauguration, un jury composé d’étudiants a décerné un Prix des « Histoires de l’injustice ». Au micro de Radio Prague, Karel Strachota, directeur du projet, révèle qui en ont été les lauréats cette année.
Karel Strachota dévoile pour Radio Prague le déroulement de la soirée d’ouverture lors de laquelle a été remis le cinquième Prix des « Histoires de l’injustice » :
« Ce jeudi, nous avons lancé « Le mois du film à l’école », à l’image des huit dernières éditions. Lors de cette soirée, nous avons présenté les films qui seront projetés par la suite aux étudiants et qui seront accompagnés de débats autour d’invités. Nous avons également décerné le Prix des « Histoires de l’injustice » qui a la particularité d’être organisé par les étudiants eux-mêmes, des nominations à la sélection finale. Cette année, les lauréats sont trois prisonniers politiques des années 1950 : Karel Metyš, Zdeněk Kovařík et Josef Čech. Je suis heureux et satisfait de voir que les jeunes choisissent systématiquement des personnes ayant beaucoup de mérite, et qu’ils connaissent bien, du fait de les avoir rencontrés auparavant. » Chaque année, « Le mois du film à l’école » est dédié à un personnage s’étant rendu important pour son implication dans la quête pour la démocratie et la liberté. La 9e édition rend ainsi hommage à la mémoire de l’écrivain et poète tchèque Ivan Martin Jirous. Décédé en novembre 2011, Jirous a surtout été connu pour son engagement dans le groupe underground du rock The Plastic People of the Universe.Karel Strachota voit surtout dans ce projet l’occasion d’organiser des rencontres intergénérationnelles :
« Je trouve que la valeur ajoutée du projet consiste surtout dans la rencontre entre les différentes générations. Il est bien sûr possible d’enseigner l’histoire sous forme d’exposés scolaires. Mais la possibilité de rencontrer une personne ayant elle-même vécu, en chair et en os, le fait que la démocratie n’est pas une évidence permanente, c’est une expérience irremplaçable. »
Actuellement, plus de 650 écoles prennent part au projet. Ces établissements reçoivent le matériel nécessaire pour enrichir leurs cours d’histoire, lors desquels sont projetés des films et organisés des débats. La thématique dominante tourne autour de l’histoire de la Tchécoslovaquie communiste. Karel Strachota explique qu’à l’origine de ce choix se trouve la prise de conscience que de nombreux cours s’arrêtent au récit de la Seconde Guerre mondiale sans aller au-delà :« D’une part, le volume du matériel consacré à la période du Protectorat est clairement plus important que celui qui est consacré à l’époque du communisme. Or, l’héritage du communisme est ce qui pèse le plus sur notre époque actuelle. Il suffit de rappeler des pratiques ayant été banalisées pendant la période de normalisation, telles que la corruption. Ma génération connaît encore cet adage : qui ne vole pas l’Etat, vole sa propre famille. »
L’association Člověk v tísni affiche clairement sa volonté de rappeler le caractère dictatorial du régime d’avant 1989, et lutte contre la nostalgie du communisme. Ce projet audacieux n’a pas vocation à remplacer l’institution scolaire, étant donné le parti pris de ses organisateurs par rapport à l’histoire communiste. En effet, ce ne sont pas des chercheurs dont l’objectif serait d’être le plus neutre possible. Mais ce projet vient compléter les cours traditionnels, en offrant la possibilité de vivre l’histoire de l’intérieur.