Affaire Skripal : Prague pris dans la tourmente entre Londres et Moscou

Sergueï Skripal

Les tensions qui agitent Londres et Moscou suite à la tentative de meurtre par empoisonnement sur le sol britannique de l’ex-espion russe Sergueï Skripal, que les Britanniques attribuent aux Russes, font ricochet à Prague. Les autorités russes, qui nient leur implication, affirment en effet que le poison utilisé aurait pu provenir de Tchéquie, une allégation qui fait bondir la diplomatie tchèque.

Sergueï Skripal | Photo: public domain
Et pour bien faire comprendre à Moscou la position tchèque, le ministre des Affaires étrangères, Martin Stropnický (ANO) a convoqué ce mercredi matin l’ambassadeur russe à Prague, Alexander Zmeyevskiy. D’après la porte-parole de la diplomatie russe, le « Novitchok », le gaz innervant qui aurait servi à empoisonner Sergueï Skripal, un ancien espion russe recruté par les services britanniques, et sa fille, retrouvés inconscients début mars à Salisbury, non loin de Londres, aurait pu être produit en Slovaquie, en Suède, au Royaume-Uni ou bien en République tchèque. Une idée « absurde » et « mensongère » pour les dirigeants tchèques contre laquelle s’insurge le ministre Martin Stropnický :

« Je dois simplement et résolument réfuter cette déclaration visant la République tchèque en lien avec cette attaque au gaz. Je crois que c’est une démonstration classique de la façon dont on détourne l’attention par rapport aux éléments aux mains des enquêteurs britanniques. Je rappelle que c’est une attaque mortelle au gaz sans précédent sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale. La République tchèque respecte tous les accords internationaux dans le domaine et je peux vous assurer qu’on ne trouve aucune arme de ce type sur son territoire. »

La Russie, dont le président Vladimir Poutine vient d’être réélu sans surprise, dément par ailleurs l’existence même du Novitchok, qu’un ancien scientifique russe, Leonid Rink, présente comme un programme de développement d’armes chimiques dans l’URSS des années 1980. Si Moscou désirait « faire diversion » comme l’affirme M. Stropnický, et jeter le trouble dans les pays visés, c’est en tout cas réussi. Des partis d’opposition, le parti civique-démocrate ODS et le parti conservateur TOP 09 ont en effet rapidement reproché au gouvernement tchèque sa lenteur à réagir aux accusations russes.

Mardi, des députés issus de leurs rangs désiraient mettre à l’ordre du jour de la Chambre basse du Parlement une discussion sur ce point. Zbyněk Stanjura, le président du groupe parlementaire ODS, a cependant nuancé :

« Nous ne désirons pas jouer le jeu de l’opposition contre la coalition gouvernementale. Nous devons tous défendre les intérêts de la République tchèque. Notre Etat a fait l’objet d’une attaque verbale d’une façon vraiment insolente. »

Martin Stropnický,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
La Chambre des députés a finalement rejeté la proposition mais le début de polémique a eu le don d’agacer Martin Stropnický :

« Je proteste vigoureusement contre l’idée que le ministère des Affaires étrangères ne se serait pas exprimé sur cette affaire. Nous avons été parmi les premiers à condamner ces allégations et je refuse de participer à cette course idéologique pour savoir qui sera quatrième, troisième, second ou bien huitième. Mais nous avons été parmi les premiers à sèchement les condamner et à exprimer clairement notre solidarité avec les Britanniques. »

Les autorités suédoises ont elles-mêmes convoqué l’ambassadeur russe à Stockholm pour obtenir des explications. Un épisode qui illustre la détérioration des relations entre la Russie et l’Union européenne et le risque de retour à une situation de « guerre froide », expression que certains commentateurs n’hésitent pas à utiliser.