Ministre, diplomate et homme de théâtre, Martin Stropnický se retire de la vie politique

Martin Stropnický, photo: ČTK

C’est résolument une des personnalités les plus connues et réputées du mouvement ANO qui vient d’annoncer sa retraite politique. Dans une interview publiée ce mercredi par le quotidien Lidové noviny, le chef de la diplomatie du gouvernement démissionnaire et ancien ministre de la Défense Martin Stropnický a confirmé qu’il n’allait pas convoiter de portefeuille ministériel au sein de la prochaine coalition gouvernementale et qu’il comptait renoncer à son poste de député. « J’ai compris que de par ma nature, je n’étais pas fait pour la politique » a constaté, sans amertume, Martin Stropnický, en évoquant précisément « une énergie négative à la Chambre des députés » et, plus généralement « l’univers destructeur de la politique tchèque » qu’il préfère quitter pour éventuellement renouer avec sa carrière diplomatique prometteuse entamée dans l’euphorie des années post-révolutionnaires.

Martin Stropnický,  photo: ČTK
Un coup dur, sans doute, pour le Premier ministre Andrej Babiš : après Robert Pelikán, ministre de la Justice, Martin Stropnický est la seconde figure importante de son mouvement ANO qui choisit de se retirer de la politique et, par conséquent, de ne pas participer au projet de coalition gouvernementale si difficilement monté par ANO et le parti social-démocrate.

Comme le remarque le quotidien Lidové noviny, le mouvement populiste ANO perd ainsi « deux ministres libéraux qui ont su conquérir l’électorat urbain », en l’occurrence pragois. Dans l’interview accordée à ce journal, Martin Stropnický, 61 ans, se souvient de l’enthousiasme collectif dans lequel est formé en 2012, autour de la personne du milliardaire Andrej Babiš, le mouvement ANO. Un an plus tard, en 2013, cette formation enregistre son premier grand succès électoral qui lui permet de participer à la coalition de centre-gauche tripartite dirigée par le social-démocrate Bohuslav Sobotka.

Au sein de ce gouvernement, Martin Stropnický occupe, pendant quatre ans, le poste de ministre de la Défense, et ce, dans un contexte politique et sécuritaire difficile, jalonné par l’annexion russe de la Crimée, le conflit dans l’est de l’Ukraine, les attentats terroristes en Europe ou encore la mort de cinq soldats tchèques en Afghanistan. En octobre 2017, lorsque le mouvement ANO célèbre sa large victoire aux élections législatives, Martin Stropnický, se félicitait, au micro de Radio Prague, de la situation en République tchèque et du travail accompli dans le secteur de la Défense :

« Le pays est en effet dans une bonne condition. Il faut le répéter : le taux de chômage est le plus faible en Europe, la croissance économique est de 4,5 %, soit une des meilleures en Europe, la situation sécuritaire est, elle aussi, très bonne (je touche du bois). Il y a bien sûr une certaine crainte au sein de la population parce que tout le monde suit les terribles attaques terroristes qui ont été perpétrées en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, etc. Il serait naïf de penser que nous ne sommes pas menacés nous aussi. C’est pourquoi nous avons donc beaucoup investi dans la police, dans l’armée et dans la défense en général, ce qui est aussi un message important adressé à la population. (…) Par ailleurs, en ce qui concerne une coopération européenne plus profonde dans le domaine de la sécurité et de la défense, nous avons été un des premiers pays à soutenir, il y a un an de cela, l’initiative franco-allemande visant à renforcer la défense européenne, qui a été préparée par l’ancien ministre français de la Défense et actuel ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, car nous l’avons considérée comme un projet allant dans la bonne direction. »

Karla Šlechtová,  photo: Hana Brožková / Site officiel de l'Armée tchèque
Martin Stropnický est néanmoins sévèrement critiqué par Karla Šlechtová, sa collègue du mouvement ANO, qui lui succède au poste de ministre de la Défense, notamment pour de lentes procédures d’achat du matériel militaire. Un manque de confiance ressenti au sein d’ANO, parti qu’il n’envisage pas pour autant de quitter, ainsi qu’un certain dégoût par l’ambiance de la politique tchèque, telles sont, semble-t-il les deux principales motivations de Martin Stropnický pour mettre fin à sa carrière de politicien. « J’aime travailler normalement, je n’ai rien contre les désaccords et les débats, mais ce que je ne maîtrise pas, ce sont les obstructions et les coups bas », a-t-il décrit l’ambiance à la Chambre des députés.

Homme à plusieurs casquettes, Martin Stropnický est non seulement comédien de talent, metteur en scène et ancien directeur artistique du théâtre pragois Na Vinohradech, mais également diplomate. Tout comme ses parents avec lesquels il a vécu en Turquie et en Italie. Si Martin Stropnický a été ambassadeur de la République tchèque au Portugal, en Italie et au Vatican après la révolution de velours, il entend poursuivre cette voie, probablement en Israël, pays qui « dégage une énergie impressionnante », selon ses propres mots. En 2003, lorsqu’il venait de recevoir un prix pour une de ses prestations sur les planches, Martin Stropnický s’était souvenu, pour Radio Prague, de ses débuts en diplomatie après la chute du régime communiste :

Martin Stropnický,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Pour ma génération, c’était une occasion exceptionnelle qui n’arrive qu’une fois tous les cent ans. Mes collègues et moi, nous sommes devenus ambassadeurs à l’âge de 30, 35 ans. C’était assez incroyable. Mais ce choix n’était pas superficiel de notre part. J’ai eu l’occasion d’étudier un an à l’Académie diplomatique internationale à Vienne. Les choses se sont accélérées après la partition de la Tchécoslovaquie. Du jour au lendemain, la République tchèque avait besoin d’une soixantaine d’ambassadeurs partout dans le monde. C’était une chance pour nous qui avions déjà une certaine expérience en diplomatie et qui avions étudié à l’étranger. Du point de vue logistique, nous avons commencé de zéro. Nous devions aménager des résidences, des bureaux, sans avoir les moyens financiers nécessaires. Nous n’étions pas seulement des ambassadeurs, mais aussi des ingénieurs, des techniciens… Nous avons dû organiser pas mal de choses. »