Album GT : des photos inédites du ghetto de Terezín retrouvées dans un appartement pragois

Exposition Album GT

C’est un témoignage précieux de l’ancien ghetto juif de Terezín. Un album de photographies inédites, réalisées pendant la Seconde Guerre mondiale, a été découvert, il y a quelques années, par la famille d’un ancien journaliste de la Radio tchécoslovaque dans un appartement de Prague. Depuis deux ans, d’intenses recherches sont menées pour identifier les prisonniers photographiés.

Les 40 photos de la collection, dont l’auteur demeure inconnu, proviennent de la forteresse de Terezín (Theresienstadt), qui avait été transformée en camp de concentration sous l’occupation nazie. Quelque 150 000 Juifs de toute l’Europe sont passés par ce camp de transit situé à une soixantaine de kilomètres au nord de Prague avant, pour la majorité d’entre eux, d’être déportés vers les camps d’extermination.

Album GT,  Terezín | Photo: Mémorial du silence

Milan Weiner a fait partie des plus chanceux. Rescapé de Terezín, Auschwitz et Buchenwald, il est devenu journaliste après la guerre. Il a alors travaillé, entre autres, pour l’agence de presse ČTK et pour la radio, sans jamais probablement livrer son témoignage à personne et sans parler à ses proches de cet album de photographies de Terezín qu’il détenait. Ce n’est qu’une cinquantaine d’années après la mort de Milan Weiner en 1969, que l’album a été découvert dans ses affaires par sa belle-fille Věra Weinerová :

Milan Weiner | Photo: Archives de ČRo

« Cet album était caché parmi d’autres, chez nous. Je n’ai jamais connu mon beau-père, mais je savais qu’il n’aimait pas parler de la guerre et de ce qu’il avait vécu. J’ai donc toujours respecté ce silence, maintenu au sein de sa famille. »

Ce silence, Věra Weinerová le brise toutefois un jour, lorsqu’elle montre l’album, qui documente la vie de tous les jours dans le ghetto de Terezín entre 1942 et 1944, à Pavel Štingl. Celui-ci est directeur de l’association Památník ticha (Mémorial du silence) qui s'emploie à faire de la gare pragoise de Bubny un lieu de mémoire. C’est de cette gare, en effet, qu’ont été déportées des dizaines de milliers de victimes de la Shoah. Pavel Štingl explique :

Album G.T. | Photo: Památník ticha

« On trouve deux types de photos dans cette collection, ce qui laisse à penser qu’elles ont été réalisées par deux personnes différentes. Premièrement, il s’agit de photos des lieux, c’est-à-dire des rues du ghetto et des locaux où vivaient les prisonniers. Ces endroits ont été identifiés par les historiens pour qui ces photos représentent une source d’informations absolument exceptionnelle. Deuxièmement, l’album contient une douzaine de portraits de prisonniers. Ces portraits sont très beaux et on y distingue parfaitement les visages, même si les photos sont petites (4,5 x 6 cm). Pour identifier les personnes photographiées, nous nous sommes adressés aux survivantes de Terezín, mais elles n’en ont reconnu aucune. Nous avons alors lancé un appel au public. C’est comme cela que cinq noms et destins ont déjà pu être révélés, tandis que nous hésitons encore pour trois autres portraits. Les recherches se poursuivent et les photos de l’album GT – abréviation qui signifie ‘Ghetto Terezín’ - ont fait l’objet de plusieurs expositions. »

Album GT,  Lucie Weisbergerová et probablement Petr Kien | Photo: Mémorial du silence
Album GT | Photo: 4press

Si l’Album GT représente une découverte fascinante pour les historiens, c’est parce que le camp, que les nazis faisaient passer pour un « ghetto modèle » dans leur propagande, n’avait pas de photographe officiel, et prendre des photos y était interdit. Si des dessins des artistes qui y ont été emprisonnés ont pu être conservés, en revanche, les photos de l’Album GT, prises en cachette, sont, elles, inédites. Après avoir été exposées, l’année dernière, au Mémorial du silence de Bubny à Prague, puis au Parlement européen à Bruxelles, les photos seront prochainement montrées à Terezín.

Album GT,   Jan Levit | Photo: 4press

L’exposition présentera quelques-unes des personnes photographiées, dont la graphiste Lucie Weisbergerová qui a émigré, en 1968, en Suisse, le chirurgien à l’hôpital pragois Na Bulovce Jan Levit, mort à Auschwitz en 1944, ou encore l’illustrateur néerlandais Joseph Spier qui a survécu, avec sa femme et leurs trois enfants, à la guerre et aux déportations, avant que la famille ne s’installe aux États-Unis.