Elle est jeune et a des idées de création originales. Alena Kupčíková, née en 1976, à Šumperk en Moravie, fait partie de la nouvelle génération de peintres, plasticiens et artistes visuels, le vent frais d’une création nouvelle. Sa dyslexie lui donne une sensibilité créative qui se reflète incontestablement dans ses œuvres, exposées à la Galerie nationale à Prague et qui se trouvent aussi dans les collections privées en République tchèque, en Allemagne, aux Etats-Unis, au Pays-Bas et au Japon. Alena Kupčíková est membre du groupe d’art plastique FEMLINK (une femme, une vidéo, un pays), fondé en 2006 à Paris. En 2003 elle s’est vu décerner à Paris le Prix Louis Vuitton-Moët Hennessy pour son œuvre Chlupatice (les Poilues).
Alena Kupčíková
La dyslexie s’est manifestée chez Alena à l’âge de quatre ans. Mais à l’époque ce sujet était encore peu connu. Le premier livre sur la dyslexie rédigé par le célèbre psychologue d’enfants Zdeněk Matějíček venait de paraître en 1976 et les informations étaient traduites des œuvres provenant des Etats-Unis. Alena Kupčíková se souvient très bien de cette période. On l’écoute.
Alena Kupčíková
« C’était à l’école maternelle, j’étais hyperactive, je jouais avec mes mains et les tournais, fascinée, dans tous les sens. La maîtresse m’a envoyé deux fois chez le psychologue qui a heureusement dit que j’allais très bien et que je m’ennuyais. A l’école élémentaire j’ai commencé à avoir de mauvaises notes pour mes dictées, ce qui est courant dans le cas de dyslexie, sans que cela se répercute sur l’intelligence de l’enfant. C’est une sorte d’échappatoire. Au lycée, on m’a dit que je ne serais pas admise au baccalauréat en raison d’une mauvaise connaissance de la langue tchèque. Heureusement j’ai été admise à l’Académie des arts plastiques et actuellement je travaille sur mon doctorat à ce sujet. Il s’agit d’un abécédaire et de jeux pour enfants avec pour objectif de découvrir les problèmes initiaux d’écriture et de lecture des enfants de quatre ans. »
'Cor populi'
Alena était une enfant très active, elle jouait au ping-pong, au volley-ball, elle faisait de la guitare, grimpait aux arbres avec ses frères. A douze ans elle décide de devenir peintre. Elle crée des tableaux pour ses amis, surtout des paysages, qu’elle leurs vend à prix modeste. Tous les enfants faisaient du troc avec des images des schtroumpfs, elle échangeait ses dessins contre d’autres. Lorsqu’elle avait treize ans, sont frère aîné de huit ans meurt d’une leucémie, une perte qu’elle n’a jamais assumée et ressent toujours une profonde tristesse lorsqu’elle parle de cet évènement tragique. Alena Kupčíková.
Alena Kupčíková, photo: Alexander Dobrovodsky
« Si l’on me pose la question combien j’ai de frères, je réponds deux. Et ce n’est que lorsque l’on me demande ce qu’ils font que je réalise que mon frère aîné est mort. J’étais très attachée et dépendante de lui. Il s’occupait de nous et lorsque mes parents étaient au travail, il me prenait à l’école maternelle. Pour moi il était le symbole de la virilité. Il était très cool et lorsque il était tombé malade, ma mère a essayé de me faire comprendre qu’un jour mon frère allait disparaître. Je me souviens que la maîtresse m’a dit de rentrer car mon frère venait de mourir. Pour moi ça a été très brutal, même si intérieurement je le savais. Cela m’a beaucoup influencée et je crois que cette mauvaise expérience se répercute sur les relations avec mes partenaires. J’ai toujours peur de perdre un jour l’homme que j’aime car je suis consciente que cela peu arriver à n’importe quel moment. Et lorsque dix ans plus tard mon père est décédé d’une crise cardiaque, je l’ai appris aussi par téléphone. Je sais que c’est ainsi que vient la mort, vite et à l’improviste. C’est pour cette raison que je suis partie faire des études à Bechyně, à 50 kilomètres de mon domicile. Les projets que je fais sont liés à cet évènement et par leur intermédiaire j’essaie de comprendre ce qui s’est passé et ils sont liés avec la mort. »
'La danse de soleil'
Alena a donc fait des études à l’école de céramique à Bechyně, puis à l’école Václav Hollar à Prague. A cause de sa dyslexie elle n’a pas passé le baccalauréat mais a tout de même été admise en raison de son talent à l’Académie des arts plastiques à Prague où elle a étudié pendant six ans la création monumentale chez le professeur Aleš Veselý. Au cours de ses études, elle a fait un stage à l’Université Technikon Natal à Durban en Afrique du Sud en l’an 2000. Le départ en Afrique était un pur hasard car à l’origine elle voulait partir avec son amie Kamila Richtrová au Congo, qui préparait aussi un doctorat à l’Académie. Mais par hasard l’attaché de la République de l’Afrique du Sud a visité l’Académie, accompagné d’une artiste du pays. Cette dernière a tout arrangé pour que les filles puissent faire un stage en Afrique du Sud. Pour Alena c’était une expérience inoubliable et difficile car elle ne parlait que très peu l’anglais et était loin de sa famille. Le système d’études est aussi très différent car par rapport aux écoles russes ou européennes où l’on apprend le dessin de la silhouette dans le secondaire, en Afrique on l’apprend à l’Académie. Alena a toujours beaucoup d’amis en Afrique du Sud et considère ce pays comme sa seconde patrie.
'Poilues'
En 2003, elle est partie à Paris pour un stage à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts et c’est là qu’à l’initiative du directeur du Musée Picasso et du Musée d’Orsay elle s’est vu décerner le Prix Louis Vuitton-Moët Hennessy pour le vidéo-documentaire de son œuvre les Poilues (Chlupatice). Ce prix est décerné à trois Français et à trois artistes du monde entier. Alena a créé les Poilues avec des poils pubiens féminins. Actuellement elle utilise aussi des poils pubiens masculins et des poils d’animaux.
'Homme'
A l’heure actuelle la jeune plasticienne prépare son doctorat à l’Académie des Arts plastiques chez le professeur Milan Knížák. Mais tout en même temps elle prépare déjà des projets pour 2012, qui auront lieu au Ludwig Museum et au Musée de Chelsey.
Alena Kupčíková a réalisé presque une dizaine d’expositions dont Les tableaux sur le thème des poèmes et installation de R. Polandsky (Château Velké Losiny - 1995), l’Homme et les insectes (Musée de Mohelnice - 1996), une présentation au Théâtre Comédie dans le cadre du spectacle Les monologues du vagin (2002-2003) Les poilues dans la danse du Soleil (Chlupatice v tanci Slunce) (Musée tchèque des arts plastiques à Prague - 2007).