Ankara demande l’extradition du leader kurde syrien Saleh Muslim, arrêté à Prague

Saleh Muslim, photo: ČTK

Ancien co-président du parti kurde PYD, Saleh Muslim a été interpellé samedi à Prague, sur la base d’un mandat d’arrêt international émis par la Turquie, a annoncé ce week-end le Mouvement pour une société démocratique (TEV-DEM), la coalition qui gère les zones autonomes kurdes au nord de la Syrie.

Saleh Muslim,  photo: ČTK
C’est parce que la Turquie l’accuse d’avoir participé à un attentat commis à Ankara en février 2016, qui avait fait une trentaine de morts, que Saleh Muslim a été mis sous le coup d’un mandat d’arrêt international, tout comme une dizaine d’autres personnes. Ce ressortissant kurde de Syrie, qui dirigeait jusqu’à l’an dernier le Parti de l’union démocratique (PYD), administrant la région kurde de facto autonome dans le nord de la Syrie, a cependant toujours nié son implication dans l’attentat terroriste, qui avait d’ailleurs été revendiqué par une autre organisation kurde.

Saleh Muslim se trouvait à Prague dans le cadre d’une réunion internationale confidentielle, soutenue par les Etats-Unis. Suite à la photo prise par un participant d’origine turc à l’hôtel Marriott, qui a par la suite circulé dans les médias turcs, Ankara a demandé aux autorités tchèques l’arrestation du leader kurde.

Placé en détention dans la nuit de samedi à dimanche, son identité n’a pas été officiellement confirmée par la police tchèque qui, par la voix de sa porte-parole Andrea Zoulova, n’a alors fourni qu’un communiqué laconique :

« Après les formalités d’usage, la personne a été placée en détention. La police va ensuite procéder de manière standard, selon la loi sur la coopération judiciaire internationale. »

Car Ankara a immédiatement entamé des négociations avec les autorités tchèques pour demander l’extradition de Saleh Muslim. Ce dernier doit être déféré devant la justice tchèque qui devra décider de sa libération ou de son transfert aux autorités turques. En dernier ressort, c’est le ministre de la Justice tchèque qui sera appelé à trancher. Selon la porte-parole de la diplomatie tchèque, les ministères des Affaires étrangères des deux pays prévoient des négociations téléphoniques autour de la question de son extradition.

YPG,  photo: Kurdishstruggle,  CC BY 2.0
Agé de 67 ans, Saleh Muslim n’est certes plus le leader du parti PYD, mais il continue d’exercer une forte influence sur ses membres. Le Parti de l’union démocratique est un mouvement politique kurde syrien qui est également la branche politique des Unités de protection du peuple (YPG). C’est justement contre cette milice kurde syrienne que la Turquie a lancé en janvier une importante offensive militaire dans l’enclave d’Afrin.

Si le mandat d’arrêt contre Saleh Muslim date de 2016, il a été en outre placé par la Turquie sur la « liste rouge » des « terroristes » les plus recherchés, le 13 février dernier, soit trois semaines à peine après le début de cette opération de l’armée turque dans le nord de la Syrie. Pour Ankara, le PYD et les YPG sont une extension du parti kurde PKK d’Abdullah Öcalan, que le gouvernement turc a classé comme « terroriste ».

Le PYD a fermement condamné l’arrestation de Saleh Muslim et a demandé au gouvernement tchèque de libérer le leader kurde, rappelant l’engagement de ce dernier dans la lutte contre l’Etat islamique en Syrie.

Ce lundi matin, plus d’une centaine de manifestants kurdes se sont rassemblés devant le ministère de l’Intérieur à Prague, pour demander la libération de Saleh Muslim, appelant les Kurdes d’Europe à venir protester dans la capitale tchèque pour faire pression sur les autorités tchèques. Ce n’est de loin pas la première fois que des responsables kurdes syriens se rendent à Prague pour des contacts diplomatiques.

En 2016, d’ailleurs, un bureau de contact des Kurdes syriens avait été ouvert à Prague avant de fermer quelque temps après. Khaled Issa, le représentant en France des Kurdes syriens, interrogé par le journal Le Monde, soulignait ce dimanche : « Nous n’avons eu jusqu’à présent aucun problème avec la République tchèque. Nous espérons que Prague ne cédera pas aux pressions turques. »

En cas d’extradition et d’un procès en Turquie, Saleh Muslim encourt la peine de mort.