Anna Farova, une des premières signataires de la Charte 77. Témoignage

Anna Farova, photo: CTK

Tout au long du mois de janvier, la République tchèque célèbre le 30e anniversaire de la publication de la Charte 77. Dans ce document, les dissidents incitaient les autorités communistes à respecter leurs engagements en matière des droits de l'homme, définis dans l'acte final de la Conférence d'Helsinki. Le 6 janvier 1977, trois figures de proue du mouvement, le futur président du pays, Vaclav Havel, l'écrivain Ludvik Vaculik et le comédien Pavel Landovsky, ont tenté de remettre le document aux députés de l'Assemblée fédérale de l'époque. Ils seront opprimés par le régime, de même que les deux milliers de Tchèques et de Slovaques qui suivent leur exemple.

Depuis une semaine donc, les médias livrent des témoignages d'anciens dissidents. Nous vous proposons d'écouter la confession d'une Tchèque aux racines françaises qui fut parmi les 242 premiers signataires de la Charte 77. Ce geste lui a valu un licenciement immédiat du Musée des Arts et Métiers de Prague, où elle travaillait en tant qu'éminente spécialiste de la photographie. L'historienne de l'art Anna Farova, s'explique sur les raisons qui l'ont poussée à rejoindre les rangs des chartistes - un pas que tous les opposants au régime n'ont pas osé franchir...

Anna Farova,  photo: CTK
« J'avais, bien sûr, des amis chartistes, mais ce n'était pas la raison principale. Ce document ne parlait que des droits de l'homme que la Tchécoslovaquie s'était engagée à respecter. Mais elle n'observait absolument pas ces règles. Il m'a semblé évident que tout ceux qui liraient ce papier allaient le signer ! Je ne voulais pas me lancer dans une carrière politique. Je réclamais juste un comportement normal et correct de la part de l'Etat. A l'époque, j'étais aussi prof à l'école de cinéma, la FAMU, et j'ai bien vu comment on traitait les étudiants, qui est accepté au concours d'entrée, qui est refusé... J'ai vu de mes propres yeux ce que c'est que la politique des cadres. Il y avait beaucoup d'injustice dans tout cela. Comme je n'étais pas d'accord, il m'a semblé normal de signer la Charte. On m'a souvent demandé si j'avais pensé à mes enfants... Mais oui, justement, j'ai pensé à eux et c'est pourquoi j'ai signé. Je savais aussi que les conséquences allaient être terribles. J'étais dans la première vague des signataires et on n'était vraiment pas gentils avec nous... On m'a pris mon passeport, mon téléphone, mon métier, même mon permis de conduire, enfin tout... Je ne pouvais pas aller voir ma mère en France. Tout cela pour que je sois coupée des autres. Beaucoup de gens avaient peur de nous parler, effectivement, on était assez isolés. Mais je ne voulais pas me laisser aller. Je ne voulais pas non plus renoncer à ce que j'avais appris dans la vie, à mon travail que je croyais maîtriser. Alors j'ai continué. »

Durant la dernière décennie du régime communiste, Anna Farova s'est occupée de l'héritage du photographe Josef Sudek. Parallèlement, elle a organisé des expositions semi-officielles de la jeune photographie tchèque. En 1991, elle a été nommée Chevalier des arts et des lettres par le ministère français de la Culture.