Anna Šabatová - les droits de l’homme, un domaine en constante évolution (2e partie)

Anna Šabatová, photo: ČT

Elue nouvellement Médiateur de la République tchèque le 14 février dernier, Anna Šabatová a été officiellement investie dans ses fonctions quatre jours plus tard. La protection des droits des citoyens, la fonction principale du Médiateur, appelé ombudsman en République tchèque, n’est pas un domaine étranger à Anna Šabatová. Ancienne dissidente et une des porte-paroles de la Charte 77, Anna Šabatová a travaillé, après la Révolution de velours, en tant que conseillère du ministre du Travail et des Affaires sociales, en étroite coopération avec les organisations non gouvernementales. En 1998, elle devient adjointe au directeur du Centre municipal des services sociaux et de prévention de la ville de Prague. La même année, elle est la première femme en Europe de l’Est à recevoir le prix des Nations Unies, récompensant l’ensemble de son combat en faveur des droits de l’homme. Entre 2008 et 2011, Anna Šabatová devient membre du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Dans le même temps et jusqu’en 2013, elle est présidente du Comité Helsinki. Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec Anna Šabatová, qui est ainsi devenue au mois de février le troisième Médiateur de la République, et ce pour une durée de six ans. Voici la deuxième partie de cet entretien.

Anna Šabatová,  photo: ČT
Comment comptez-vous coopérer avec les hommes politiques ?

« Je souhaiterais utiliser des mots normaux, dans le cadre de conversations tout à fait classique. Dans le cas où vous recevez une plainte, vous vous apercevez quelque fois que le problème ne réside pas dans la décision administrative, mais qu’il se trouve dans la loi ou dans un décret ministériel. A partir de ce moment-là, il est possible de s’intéresser officiellement au ministre concerné et demander un changement. La demande peut être faite par écrit, mais il est également possible de faire une demande de rencontre personnelle afin de mieux expliquer le problème, et persuader le politicien, qui peut modifier le décret ministériel après certaines procédures, bien évidemment. »

Avez-vous également la possibilité de vous adresser à la Chambre des députés ?

« Oui, ainsi qu’au gouvernement. »

Et de quelle façon ? Les procédures sont-elles nombreuses ?

« D’habitude, le Médiateur prépare un rapport annuel, qu’il présente à la Chambre des députés. Le rapport en question contient plusieurs recommandations liées aux changements qui touchent (atteignent) plusieurs personnes. C’est une chose qui a été discutée à plusieurs reprises. Monsieur Pavel Varvařovský (le deuxième Médiateur de la République entre septembre 2010 et décembre 2013, ndlr) était déçu du fait que la Chambre des députés, les politiciens, ne lui ont pas beaucoup prêté une oreille attentive. Une autre chose est donc la possibilité pour le Médiateur de s’adresser au ministre, puis par la suite au gouvernement. Il peut choisir différents moyens de travail. Et dans le cas où le ministre concerné refuse de changer le décret ministériel discriminatoire, il peut également s’adresser aux médias, et faire publier l’information, en expliquant en quoi le changement d’un tel décret serait favorable. C’est aussi une possibilité. Il s’agit toujours de savoir quelle méthode de travail, quels procédés vous allez choisir pour agir. »

Est-ce qu’il est plus facile d’agir maintenant, ou est-ce que cela l’a été plus simple avant ?

« Je ne peux pas encore comparer, car cinq jours seulement se sont écoulés depuis l’élection. Et je ne me suis rendue à mon bureau que pendant ces quatre derniers jours. »

Mais par rapport à l’évolution que vous avez pu constater entre 2001 et 2013 au sein de la fonction de Médiateur, y a-t-il une évolution par rapport à la façon de procéder ?

« Il est difficile d’apprécier la chose, si on la regarde uniquement de l’extérieur. »

Vous allez désormais passer plus de temps à Brno, siège du Médiateur. Comment allez-vous gérer ce changement temporaire de domicile, vous qui vivez à Prague ?

« J’ai déjà déménagé. Pendant la semaine je resterai à Brno pour travailler, et pendant le weekend, je serai à Prague, parce que j’ai trois enfants et sept petits-enfants. »

Allez-vous rester au poste de présidente de la Commission des droits de l’Homme au parti social-démocrate ?

« Non, car lorsque j’ai été élue, j’ai écrit plusieurs lettres de démission le même jour, que j’ai envoyées dans différentes commissions, et donc je me suis également adresser à cette commission. Je souhaite me concentrer uniquement sur mon travail. De plus, le poste de Médiateur est une fonction très réglementée par la loi. On ne peut pas s’engager au sein d’un parti politique ou d’un mouvement politique. C’est interdit par la loi. Je n’ai pas fait partie du parti social-démocrate. Mais à mon avis, il est nécessaire de quitter les organes de conseil. »

Ohoto: Facebook de Veřejný ochránce práv - ombudsman
J’imagine que vous n’allez pas être toute seule dans votre travail. Pour avoir un aperçu, combien de personnes compte le Bureau du Médiateur ?

« Sans collaborateurs, le Médiateur ne serait absolument rien. Ce sont donc soixante-quatorze juristes et environ trois dizaines d’autres employés, qui représentent l’administration des bureaux ainsi que les chauffeurs. »

Selon vous, la sphère des droits de l’homme est-elle avec le temps devenue plus respectée en République tchèque ? Quelles sont les améliorations à réaliser encore dans ce domaine ?

« Il s’agit d’un grand changement par rapport à l’après la Révolution de velours. Parce qu’avant les libertés classiques n’étaient pas du tout respectées. C’est un changement important, mais il y a toujours de nombreuses choses qui peuvent être changées ; le domaine des droits de l’homme c’est une évolution constante : c’est comme si vous voyez l’horizon, vous réglez une chose mais vous voyez de nouveaux problèmes qui apparaissent. Je suis un peu critique vis-à-vis du gouvernement tchèque précédent (le gouvernement de Petr Nečas en place de juin 2010 au mois de juillet 2013, ndlr) car il a très peu écouté les institutions internationales, et les mécanismes des conventions internationales qui font des recommandations. Dans ce sens, il faut améliorer la collaboration, dans le cadre des conventions internationales ou régionales, comme l’Union européenne. »

Est-ce que le Médiateur est en contact avec des organisations internationales ?

« Oui, le Médiateur peut collaborer avec beaucoup de personnes. Par exemple, si les différents comités, tel que les comités du Conseil de l’Europe se rendent en République tchèque, ils consultent toujours le Médiateur. Le Médiateur participe également à de nombreuses conférences internationales, il y est souvent représenté par ses conseillers, chacun spécialisé dans différents domaines. »