Quel candidat(e) pour succéder à Anna Šabatová au poste de médiatrice de la République ?
Alors que le mandat de l’actuelle médiatrice de la République, Anna Šabatová, s’achève à la mi-février, le choix de son ou de sa successeur(e) a donné lieu à une vive polémique après les révélations sur le passé de la principale candidate, avant 1989. Résumé de l’affaire qui a agité le monde politique et la presse tchèques ces derniers jours.
L’affaire est d’autant plus embarrassante que ce sont ces mêmes lois qui, fort probablement, ont tant compliqué la vie de personnes telles que l’ancienne dissidente Anna Šabatová, à laquelle Helena Válková espérait succéder au poste de médiatrice. Tomáš Němeček est avocat et membre du conseil gouvernemental pour les droits de l’homme :
« J’ai suivi toute cette affaire ces derniers jours. L’historien Petr Blažek a retrouvé dans une revue juridique de la fin des années 1970 des articles d’Helena Válková qui, à l’époque, était encore jeune docteure en droit. Le problème n’est pas seulement sa collaboration avec Josef Urválek, un des pires noms liés aux années 1950, mais c’est aussi le contenu de ces articles qui est important. Ils traitaient de ce qu’on appelait l’institut de surveillance préventive qui, déjà à l’époque, était largement instrumentalisé contre la dissidence tchécoslovaque. Alors qu’ils étaient des citoyens libres, la police communiste (StB) les persécutait et ne les lâchait pas. »Depuis le début, la principale intéressée a qualifié de mensonges les révélations faites par la presse.
« Je n’ai participé à aucunes représailles politiques, c’est totalement insensé », s’est défendue Helena Válková qui, sous la pression, a toutefois fini par renoncer dimanche dernier à se porter candidate. Elle reste toutefois membre du conseil gouvernemental pour les droits de l’homme, ce qui lui est reproché notamment par Tomáš Němeček, qui l’a appelée à démissionner.
Helena Válková a aussi été lâchée par le président Miloš Zeman, qui avait pourtant soutenu initialement sa candidature. Le chef de l’Etat vient d’ailleurs de proposer celle de Stanislav Křeček, qui a jadis occupé le poste de médiateur adjoint mais avait eu de sérieux désaccords avec la médiatrice actuelle. Anna Šabatová s’est d’ailleurs exprimée à ce propos ce mercredi de manière lapidaire : « Ce n’est pas un choix heureux, » a-t-elle déclaré à l’issue d’une conférence de presse.
Le Sénat, pour sa part, a proposé deux autres candidats potentiels : Vít Alexander Schorm, ancien conseiller d’Otakar Motejl, quand celui-ci était encore président de la Cour suprême avant de devenir le premier ombudsman, et l’avocat Jan Matys qui a déjà candidaté à ce poste. Les députés devaient procéder au vote dans la semaine du 10 février, alors que le mandat d’Anna Šabatová arrive à son terme huit jours plus tard.
Bras droit d’Otakar Motejl entre 2001 et 2007, Anna Šabatová est médiatrice de la République depuis 2014. En 2018, elle nous avait confié sa vision de l’avenir de l’institution qu’elle a dirigée au cours de ces dernières années :
« L’institution du médiateur de la République tchèque est en train d’évoluer d’une institution classique existant uniquement pour contrôler l’Etat, vers davantage de dimension des droits de l’Homme : nous avons en effet de nouvelles prérogatives, comme la prévention de la torture, des mauvais traitements et la discrimination. La loi est toutefois encore très liée avec la mission d’origine du médiateur. A mon avis, il faudrait faire une réforme, comme cela a été fait en France. En 2011, la France a remplacé la loi sur le médiateur par la loi sur le défenseur des droits. La tâche devrait être plus large et ça devrait avoir son expression dans la loi. La République tchèque n’a pas encore rempli cette tâche de se doter d’une institution pour les droits de l’Homme selon les principes de Paris. Ces principes disent que chaque pays devrait avoir une institution chargée des droits de l’Homme, de tous les droits, et pas uniquement pour la discrimination ou pour les mauvais traitements. Mais il nous manque une prérogative pour l’ensemble des droits de l’Homme. Et je voudrais au minimum qu’on ouvre le débat sur ce sujet afin que l’on puisse préparer une nouvelle loi sur l’ombudsman. »