Au Lycée français de Prague, une exposition pour le centenaire de la Tchécoslovaquie
En République tchèque, tout le monde célèbre cette année le centenaire de la création de la Tchécoslovaquie. Il n’y avait donc pas de raison que les élèves des classes de Première du Lycée français de Prague et leurs camarades de la section franco-tchèque du Lycée Jan Neruda ne se joignent pas aux commémorations. Pour cela, les lycéens ont même réalisé une exposition…
La mémoire d’un pays disparu
Et pas n’importe quelle exposition. Inaugurée fin novembre, elle aborde l’histoire tchèque à travers la géographie pragoise, une sélection de lieux et de monuments qui ont été marqués par les événements souvent dramatiques survenus dans les pays tchèques au cours du XXe siècle. Julien Legros est professeur d’histoire-géographie au Lycée français. Il revient sur la réflexion initiale autour du projet :« Petit à petit, nous sommes arrivés à l’idée de mémoire de l’histoire, de voir comment aujourd’hui les gens à Prague voient les lieux dans lesquels cette histoire s’est déroulée, comment ils analysent ce passé. Il y a des moments de l’histoire tchèque du XXe siècle sur lesquels ils ont beaucoup à dire. La révolution de Velours est très présente dans les discours ici, d’autres sont des lieux beaucoup plus discrets, presque oubliés. C’était intéressant de réfléchir à cela… et loin d’être facile pour les élèves. »
D’autant moins facile qu’il s’agit de l’histoire et de la mémoire d’un pays disparu, la Tchécoslovaquie, dont la partition entre la Tchéquie et la Slovaquie remonte à 1993. Pour Barbora, élève de Première ES au Lycée français, la célébration de la naissance de cet Etat, en 1918, fait tout de même sens :
« En tant que Tchèque, je peux dire que cet anniversaire est quelque chose de très important pour toute la nation. Malgré le fait que la Tchécoslovaquie en soi n’existe plus, c’est quand même un pays que la plupart des gens connaissent encore et qui représentait tout de même une unité. Le célébrer reste une manière de se rappeler des événements importants qui ont fait l’indépendance de notre pays, malgré le fait qu’il soit maintenant divisé. »
La réalisation de l’exposition a aussi été utile pour les élèves moins familiers de l’histoire contemporaine tchèque, comme par exemple Léna :« Etant donné que je suis française, je suis arrivée l’année dernière, c’est un pays que j’ai découvert et ce projet m’a notamment permis d’en apprendre beaucoup plus à son sujet. J’avais vraiment l’impression que la dimension de République était mise en avant dans ce projet et lors du centenaire de la République tchécoslovaque. »
L’histoire par les lieux
Les deux lycéennes ont travaillé sur le panneau consacré au Château de Prague, un édifice emblématique de la capitale tchèque et de son histoire. D’autres élèves ont étudié des lieux plus méconnus de la ville :« Dans mon groupe avec Marie, nous avons travaillé sur la gare de Bubny, d’où des juifs ont été déportés durant la Seconde Guerre mondiale. Cette gare, nous ne la connaissions pas auparavant. Cela montre que, bien qu’il y ait des endroits et des périodes qui sont très repris par les Tchèques, il y a certains épisodes moins positifs qui sont souvent un peu occultés. »
Quinze lieux au total ont été retenus pour l’exposition. Elle est le résultat de plusieurs séquences de travail distribuées sur environ un mois, ainsi que le rapporte Marie :
« On nous a donc répartis par groupes sur les différents monuments. Nous avons réalisé des photographies de ces monuments. C’était la partie un peu artistique. Nous avons recherché des informations à leur propos. Certains ont également récolté des témoignages. Ensuite, nous avons passé une journée de travail au Lycée Jan Neruda. Nous avons alors travaillé sur l’aspect visuel des panneaux. »
La collaboration entre le Lycée français et le Lycée Jan Neruda est un autre aspect important du projet. Professeure d’histoire dans la section bilingue de l’établissement tchèque, Lenka Hubáčková explique l’intérêt d’aborder l’histoire tchèque par les monuments pragois :« En général, la tendance est de célébrer les ‘années en huit’, les dates charnières. Nous, nous voulions partir des lieux, pour changer. C’est vrai qu’on a l’habitude des grandes dates. Et puis nous voulions que les étudiants se rendent compte que parfois ces mêmes dates font références aux mêmes lieux. C’est cela qui finalement aussi est très symptomatique, c’est que l’histoire a vraiment traversé tous ces lieux, notamment la place Venceslas où c’est vraiment flagrant, mais aussi d’autres endroits qui sont marqués par les deux dictatures. »
Le vernissage de l’exposition a eu lieu le 30 novembre dernier au Lycée français de Prague en présence de l’ambassadeur français en poste en Tchéquie, Roland Galharague. Elle devrait prochainement être visible au Lycée Jan Neruda puis sans doute ensuite circuler au sein du réseau des Alliances françaises en République tchèque.