Le Lycée français de Prague est devenu « un vaisseau fantôme »
Le Lycée Français de Prague subit lui aussi les conséquences de la crise du coronavirus. Des couloirs vides, un silence de plomb, l’ambiance est lunaire pour son proviseur, au moment de parcourir son établissement. « Face à cette situation inédite, nous faisons face », assure cependant Gilles Martinez, alors que le flou règne sur les semaines à venir.
Une crise anticipée par l’établissement
Alors que le gouvernement tchèque a prolongé, lundi, la période de confinement jusqu’au 11 avril, le Lycée français de Prague est fermé depuis le 11 mars, comme les autres établissements scolaires dans le pays. « Les élèves venaient tout juste de revenir des vacances de février, explique le proviseur. Déjà pendant les vacances, nous avions communiqué avec les familles et le personnel qui revenaient des zones qui étaient considérées à risque à l’époque, pour leur demander de rester en quarantaine ». Quand l’état d’urgence a été décrété quelques jours plus tard, Gilles Martinez n’a pas été surpris : « On savait que cela arriverait. Mais grâce au réseau des établissements de l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger), nous avons pu avoir des retours d’expérience des lycées français asiatiques. »Avec 140 employés et plus de 900 élèves de la maternelle à la terminale, le Lycée français de Prague en impose dans le paysage de l’enseignement français à l’étranger. Face à la crise, il a fallu mettre en place une logistique importante, tant humainement que techniquement, afin d’assurer la continuité de la mission du service public.
« Il a fallu un temps d’adaptation d’une quinzaine de jours avant de trouver une sorte de rythme de croisière », explique le proviseur. « Nous avons dû composer avec des situations diverses lors des premiers jours. Il arrive qu’il n’y ait qu’un poste informatique pour toute la famille avec des parents qui sont, eux aussi, en télétravail et en ont besoin. Il y a aussi le personnel enseignant qui doit parfois assurer le rôle de parent à la maison. Enfin, nous avons eu des cas d’élèves pragois qui sont partis dans leur famille, à la campagne, et qui avaient des problèmes de connexion. » Différents obstacles que le proviseur et son équipe ont vite tenté de surmonter. Au téléphone, sa voix est claire, posée et précise au moment d’évoquer l’organisation du lycée.
« Un enseignement asynchrone puis synchrone »
Au fil des réunions avec les différents corps du lycée, une stratégie a vite été établie. « Il y d’abord eu la mise en place d’un enseignement asynchrone, c’est-à-dire que les professeurs ont envoyé les cours et les exercices aux élèves via des plateformes comme Pronote, et ces élèves leur renvoient leur travail pour correction. Puis nous sommes passés à un enseignement synchrone qui consiste à maintenir les cours en classe virtuelle. » Cet enseignement à distance a été mieux appréhendé par les collégiens et les lycéens à même de composer avec ces technologies, reconnaît le proviseur. Pour les plus petits, il a fallu procéder différemment. « Pour les plus jeunes, nous avons commencé par faire des tutoriels vidéo destinés à eux et leur famille. En ce qui concerne les maternelles par exemple, les professeurs enregistrent des capsules vidéo. »Faire perdurer le lien social malgré tout
« Cette interaction élèves-professeurs, même à distance, est primordiale. Il faut garder un lien affectif. Les familles apprécient aussi. Nous avons eu des messages positifs, certains sont agréablement surpris de notre capacité d’adaptation », souligne Gilles Martinez, qui a dirigé un autre lycée français en Malaisie avant de poser ses valises à Prague. Le confinement impose une discipline personnelle et professionnelle, à un moment où deux environnements, le privé et le public, s’entremêlent pour une durée indéterminée. C’est dans ces moments-là que l’on prend conscience de l’importance de l’école en tant qu’institution, toujours selon Gilles Martinez. « Mes trois enfants sont scolarisés au Lycée français. Au début, c’était la liesse, puis ils ont commencé à demander, au bout de deux jours, quand ils pourraient retourner à l’école… » Le numérique comble le vide laissé, mais il ne remplacera jamais les cris dans la cour de récréation.« Les examens seront aménagés »
Le ministre de l’Éducation nationale français, Jean-Michel Blanquer, a annoncé, lundi dernier, qu’ « en fin de semaine », tout le monde serait fixé sur la forme que prendra l’organisation du baccalauréat 2020. Avec près de 150 élèves, du brevet au bac, censés passer des examens, la période de fin d’année est toujours un moment charnière pour le Lycée. Mais cette année, tout est chamboulé. « Pour l’instant, nous n’avons pas de directives du ministère. La seule chose que l’on sache, dont nous sommes témoins aussi, c’est l’inquiétude des élèves et de leurs parents », reconnaît Gilles Martinez qui, d’un autre côté, « comprends que le ministre prenne un temps de réflexion car il y a beaucoup de données à prendre en compte. »
Une d’entre elles est que les lycées étrangers ont toujours les épreuves en avance, environ 15 jours, soit un début des examens qui était prévu le 2 juin au Lycée français de Prague. Comment va donc se dérouler cette session du baccalauréat ? Quelle valeur aura-t-elle ? Autant de questions qui se bousculent en ce moment dans la tête des élèves mais une chose est sûre, « on ne veut pas d’un bac low-cost ou d’un bac deux poids deux mesures entre la métropole et l’étranger », martèle le proviseur.Au moment de conclure l’entretien, Gilles Martinez a troqué sa casquette de proviseur pour celle de coureur. Lancé dans un « marathon », il a rappelé qu’il était primordial « de partir vite pour ne pas avoir de période de latence » et qu’à présent« il faut maintenir le rythme trouvé ». Un marathon qui ne fait que commencer et dont les élèves espèrent être les grands gagnants sur la ligne d’arrivée.