Au XIVe siècle, première césarienne réussie à la cour de Bohême

La première césarienne réussie, c’est-à-dire à laquelle auraient survécu mère et enfant, et connue dans l’histoire, aurait été réalisée à la cour du roi de Bohême Jean 1er de Luxembourg à Prague en 1337. Voilà comment Béatrice de Bourbon, la seconde femme du souverain, aurait donné naissance à Venceslas 1er, le demi-frère du futur empereur Charles IV. C’est la conclusion à laquelle est parvenue une équipe de chercheurs, dont Antonín Pařízek, qui parle d’un « tournant » pour l’histoire de la médecine.

L’opération a sans doute été pratiquée de tout temps. D’ailleurs le mot « césarienne » dérive du nom latin « caedare », c’est-à-dire « couper », et l’un des ancêtres de Jules César serait né via ce procédé chirurgical. Seulement, jusqu’à très récemment dans l’histoire, la césarienne permettait d’en certains cas de sauver l’enfant mais conduisait quasiment systématiquement à la mort de la mère.

La césarienne réussie le 25 février 1337 à la cour du royaume de Bohême relèverait donc presque du miracle. Béatrice de Bourbon, princesse française mariée au roi Jean de Luxembourg, serait tombée dans les pommes durant l’intervention. Donnée pour morte, elle se serait pourtant ensuite réveillée. La découverte, importante pour l’histoire de la médecine, reste toutefois à prendre au conditionnel. Elle est basée sur un certain nombre de preuves qu’a évoquées à la Télévision tchèque Antonín Pařízek, professeur à la première faculté de médecine de l’Université Charles :

Antonín Pařízek,  photo: ČT Sport
« Il existe cinq preuves indirectes, dont deux lettres, l’une envoyée à Cologne, l’autre destinée à tout le royaume, selon lesquelles la princesse Béatrice a accouché dans des circonstances inhabituelles. On a ensuite découvert trois mentions dans des documents du XVIe et du XVIIe siècles qui disent que cette naissance a été exceptionnelle, que d’une certaine façon l’enfant a été extrait du corps de la mère mais qu’il s’est passé comme un miracle puisque l’enfant et la mère ont tous les deux survécu. »

Jusqu’alors, le cas supposé le plus ancien d’une césarienne réussie datait de l’année 1500 en Suisse. La femme ayant subi l’opération aurait même pu accoucher de nouveau par la suite. Ce n’est pas le cas de Béatrice de Bourbon qui, après la naissance de Venceslas, ne mettra plus jamais d’enfant au monde. A peine quelques mois après l’accouchement à Prague, elle part d’ailleurs vivre au Luxembourg et ne revient ensuite que rarement en Bohême jusqu’à sa mort en 1383.

Béatrice de Bourbon
C’est dans des actes du Brabant datant de la fin du Moyen-Âge que des historiens découvrent pour la première fois une mention de ce possible nouveau cas de césarienne. Ils font alors appel à des collègues spécialisés dans l’histoire de la médecine, et parmi eux à Antonín Pařízek. Avant de mettre la main sur de nouvelles preuves indirectes, il ne croyait pas possible la réussite d’une telle opération malgré la qualité reconnue du personnel médical à la cour de Jean de Luxembourg :

« A cette époque, les gens ne connaissaient pas la physiologie, ils ne connaissaient pas bien l’anatomie humaine, ils n’étaient pas en mesure de mener correctement une opération. Ils ne savaient pas du tout ce qu’était la circulation sanguine et ils ne savaient pas arrêter une hémorragie. Le plus important, c’est qu’il n’existait pas de méthode d’anesthésie permettant d’opérer le ventre. Ils savaient amputer une jambe, travailler sur les dents, le nez, les oreilles, les yeux... C’est quelque chose qu’on connaissait, qu’on savait faire. Mais ils n’avaient pas accès à la cavité abdominale car cela était impossible sans une anesthésie profonde. »

Venceslas de Luxembourg,  photo: Packare
Pratique courante aujourd’hui – elle concerne environ un quart des naissances en République tchèque -, la méthode de la césarienne n’a pu réellement se développer qu’avec le recours à des méthodes d’anesthésie efficaces au cours du XIXe siècle. D’après Antonín Pařízek, l’opération n’est devenue réellement sûre pour la survie de la mère et de l’enfant que durant ces cinquante dernières années.

Quant à Béatrice de Bourbon, un autre mystère reste irrésolu la concernant. Pourquoi un nom à consonance tchèque, Václav, Venceslas donc en français, a été donné à son unique enfant alors que la princesse ne parlait que le français de son temps et que sa progéniture semblait destinée à dominer des territoires francophones ? Une hypothèse veut qu’à travers ce nom, Béatrice de Bourbon ait voulu exprimer sa gratitude au saint patron du royaume de Bohême, Venceslas...