Avec Ivan Bartoš et quatre femmes à leur tête, les Pirates tchèques ont toujours le vent en poupe
Membre de la coalition gouvernementale de centre-droit dirigée par Petr Fiala depuis un peu plus de deux ans, le Parti pirate a tenu son congrès samedi dernier à Brno. L’occasion de reconduire le vice-Premier ministre Ivan Bartoš à sa tête, mais aussi d’élire quatre femmes au sein de sa direction. L’occasion aussi d'un bilan sur l’action d’une formation désormais bien établie dans le paysage politique tchèque.
Principale figure du Parti pirate tchèque depuis sa fondation en 2009, Ivan Bartoš, qui occupe les fonctions de ministre chargé à la fois du numérique et du développement régional, a été réélu en recueillant deux tiers des suffrages exprimés par quelque 850 adhérents samedi dernier. Reconduit dans son rôle de capitaine du plus petit des cinq partis de la coalition gouvernementale (4 députés et 3 ministres) formée par Petr Fiala en 2021, c’est donc lui, avec quatre vice-présidentes à ses côtés, qui s’efforcera de faire en sorte que les Pirates continuent à faire souffler un vent de changement sur la scène politique tchèque :
« Le changement est ce qui nous rassemble, et si nous ne sommes pas d’accord en tant que collectif, aucune direction ne le fera à notre place. Nous devons apporter le changement que nous avons promis aux gens et pour lequel nous avons mis nos idées et nos convictions en commun il y a près de quinze ans, et apporter ce changement quelle que soit notre situation actuelle et quelles que soient les difficultés rencontrées. Nous devons travailler aussi dur que possible pour tenir nos promesses, et je pense qu’en ces temps difficiles, c’est ce qu’il y a de plus important. Il n’y a pas d’autre voie. »
D’abord mouvement d’origine anti-système, le Parti pirate a fait ses classes à l’échelle municipale, notamment avec Zdeněk Hřib maire de Prague (2018-2023), puis nationale suite à son entrée historique au Parlement en 2017. Mais depuis 2021, c’est au sein du gouvernement que les Pirates, conformément à ce qu’ils avaient promis lors de leur campagne électorale, mènent leur action.
Samedi, dans le chef-lieu de la Moravie, Ivan Bartoš a néanmoins reconnu que la participation à une coalition dont la principale formation est le parti conservateur ODS de Petr Fiala, ne faisait pas que des heureux parmi les Pirates :
« La voie que nous suivons, c’est-à-dire la voie du gouvernement au cours de cette législature, est parfois difficile pour nous, et elle a certainement ses opposants et ses détracteurs. Je pense, par exemple, à la manière dont nous parvenons aux consensus au sein de la coalition. »
Ainsi, comme l’a admis Dominika Poživilová Michailidu, une des quatre femmes élues samedi, certains de ses adhérents, aujourd’hui plus nombreux que lors de la formation du gouvernement, préféreraient que les Pirates rejoignent les rangs d’une opposition qu'ils aimeraient plus constructive, et où les voix dominantes actuellement sont celles du parti populiste ANO de l’ancien Premier ministre Andrej Babiš et du parti d’extrême droite SPD.
Malgré ses quelques divergences de vue, le Parti pirate tchèque, qui compte quelque 1 200 adhérents et que son leader Ivan Bartoš considère aujourd’hui comme « le seul parti pro-européen véritablement libéral en République tchèque », se porte probablement mieux que jamais. Malgré l'impopularité du gouvernement, les Pirates peuvent toujours compter sur un soutien stable des électeurs, qui oscille entre 10 et 12 %.
Alors que plus aucun parti de la gauche traditionnelle n’est représenté à la Chambre des députés depuis les dernières législatives, Michal Šmarda, leader d’un Parti social-démocrate rebaptisé Démocratie sociale en juin dernier, estime que les Pirates ont su profiter des erreurs commises dans un passé récent par ses prédéceseurs :
« Si les sociaux-démocrates avaient fait tout ce qu’il fallait à l’époque, les personnes qui ont rejoint le Parti pirate vers 2010 seraient aujourd’hui de jeunes sociaux-démocrates et le Parti pirate n’aurait jamais vu le jour. C’est le regard que je porte sur ce parti. Sa fondation a été une conséquence de l’échec de la politique menée par la social-démocratie à l’égard des jeunes. »
Michal Šmarda, qui a fait de la conquête du vote des jeunes Tchèques un des objectifs prioritaires de la social-démocratie pour les différentes élections à venir (européennes en juin, régionales et sénatoriales à l’automne prochain, et législatives en 2025), compare l’émergence et la montée en puissance des Pirates tchèques à celles des listes écologistes et des Verts en Allemagne de l’Ouest dans les années 1970, aux dépens là-bas aussi du Parti social-démocrate. Mais il parle aussi des Pirates tchèques comme d’une « génération d’opposants » désormais rentrée dans le rang :
« Le problème est que le Parti pirate est vite devenu un parti de l’establishment. Aujourd’hui, c’est un parti qui soutient un gouvernement conservateur dans lequel il s’est dissous et qui est incapable de faire valoir les valeurs culturelles fondamentales qui étaient les siennes au moment de sa fondation. Si vous deviez me citer les noms des trois ministres pirates, sans doute pourriez-vous m’en citer un, voire deux, mais certainement pas le troisième. »
Avec également donc le jeune ministre des Affaires étrangères Jan Lipavský et celui, plus discret il est vrai, de la Législation Michal Šalomoun, les Pirates entendent toutefois mener leur navire à bon port, soit donc au moins jusqu’aux prochaines élections législatives en 2025.
Samedi, Ivan Bartoš a rappelé que leurs priorités restaient le logement, la numérisation, le soutien aux jeunes, le soutien au système éducatif et la réduction de la bureaucratie avec toujours pour objectif de faire de la République tchèque « une société libre, tolérante, démocratique et pas seulement numériquement connectée. »