Ramadan en Tchéquie : « Je préfère ne pas dire que je jeûne »
Le mois du ramadan, mois le plus sacré de l’islam, se termine ce dimanche 30 mars. La fête de l’Aïd el-Fitr mettra fin à cette période de jeûne que suivent les fidèles de l’aube au coucher du soleil. Miriam Daba, Tchéco-algérienne de 25 ans, étudie à Prague et fait partie de ceux qui ont fait le ramadan ici en ce mois de mars, dans une Tchéquie où les musulmans représentent à peine environ 0,2% de la population. Elle a répondu aux questions de Radio Prague Int.
Comment se déroule le mois du ramadan en Tchéquie, à Prague ?
« C’est un petit peu compliqué vu qu’on a une culture différente, donc ce n’est pas très homogène. Il faut aller au travail, à l’école, il faut être actif alors qu’un Ramadan en Algérie est beaucoup plus simple, vu que tout est adapté à cela. Par exemple, les gens ne travaillent pas, c’est donc un peu plus simple de le faire là-bas qu’ici. »
Avez-vous déjà vécu un ramadan en Algérie ?
« Oui. J’ai vécu cinq ans en Algérie. On a déménagé là-bas en 2008. A l’époque, je ne faisais pas encore le ramadan, donc je ne l’ai pas vécu personnellement, mais je sais que c’était beaucoup plus simple pour famille. Aussi, ici, il y a un petit problème avec le jugement des gens, le point de vue qu’ils ont sur cela. »
D’accord, nous reviendrons à cela juste après. Pourriez-vous nous dire si vous fréquentez des lieux de culte, et si oui, lesquels ?
« Mon père va à la mosquée pendant le ramadan, mais pas pendant l’année. Il faut savoir qu’il y a une grosse communauté arabo-musulmane à Prague. Ils fréquentent les mêmes lieux. Moi, personnellement, je n’y vais pas, c’est plus mon père qui s’y rend. »
Et au niveau des lieux de culte, avez-vous déjà visité, ou vous êtes-vous déjà rendue dans des lieux de culte hors de Prague en Tchéquie ?
« Hors de Prague, pas du tout. Ici il y a déjà peu de mosquées mais je pense qu’ailleurs c’est encore pire, qu’il n’y en a presque pas. Donc non, pas du tout, seulement à Prague. »
Avec qui célébrez-vous le ramadan et avec qui rompez-vous le jeûne ?
« L’iftar, je le célèbre avec ma famille, toujours avec ma famille. Parfois, on va manger dans les restaurants arabes. On connait tout le monde, ce qui fait que c’est une bonne ambiance. Mais généralement à la maison. »
Et en ce qui concerne l’Aïd el-Fitr ?
« Egalement en famille, mais dans ce cas-là, on va plus voir nos amis, et des familles musulmanes. Mais plus en famille. »
Sous quelle forme se paye Zakat al-Fitr, l’aumône, ici ? À qui est-ce reversé et le payez-vous ?
« C’est mon père qui paye, il verse de l’argent à la mosquée directement. On prie tous les jours, lui il fait la prière de l’après-iftar à la mosquée, et c’est à ce moment-là qu’il paye. Ça se paye à la mosquée directement. Généralement cela est reversé aux gens en difficulté, aux pauvres ou orphelins… »
« C'est une affaire personnelle »
Quelles sont les potentielles difficultés à effectuer le ramadan en Tchéquie, pays où la communauté musulmane est plus réduite que dans d’autres pays ?
« Concernant les difficultés, c’est surtout le jugement des gens qui ne comprennent pas trop. Moi, par exemple, je préfère ne pas dire que je jeûne. C’est une affaire personnelle donc je ne le partage pas, mais sinon pas de problèmes particuliers. »
Dans quelle mesure peut-on trouver des produits halals ou des produits typiques pour ce mois de célébration ici ?
« Il y a beaucoup de magasins avec de la viande et des produits halals. C’est la communauté arabo-musulmane, ils se connaissent tous entre eux. Il y a beaucoup de magasins, il n’y a pas de problèmes là-dessus. »
Peut-on revenir sur la perception qu’ont les Tchèques du ramadan selon vous ?
« Ils ne comprennent pas trop, même pas du tout. Et surtout j’ai remarqué que les personnes qui ne sont pas concernées par l’islam ne connaissent presque rien sur la religion. Je peux comprendre qu’ils ne comprennent pas et qu’ils aient un jugement plutôt négatif là-dessus. Personnellement, je ne perds pas mon temps à expliquer. C’est pour ça que je préfère ne même pas en parler, c’est une affaire personnelle. Concernant le point de vue des Tchèques, et bien par exemple la famille de ma mère est tchèque. Ils sont athées, comme la majorité des Tchèques. Il y a à ce niveau-là un petit problème. Quand je fais le ramadan et que je vais chez mes grands-parents, je préfère ne pas trop le montrer. Ils n’aiment pas du tout, ils ne se sont pas habitués à cela. Enfin, ma grand-mère oui, mais le reste de ma famille non. C’est donc un thème un peu tabou dans la famille, on préfère ne pas en parler parce que ça crée des conflits. »
Et pour revenir à la communauté musulmane ici, quelles sont les origines des personnes la composant ?
« Dans la communauté arabo-musulmane, il y a plusieurs petites communautés. Par exemple, moi je suis algérienne, les Algériens se connaissent tous entre eux. Cela ne veut pas dire cependant qu’ils connaissent par exemple les Irakiens, etc… Chacun sa petite communauté, dans une grande communauté. Et donc, les Algériens de Prague, on se connaît pratiquement tous et on va dans les mêmes lieux. »