Avec Zátopek pour papa, le marathon de Prague fête ses 25 ans
Un peu plus de 10 000 coureurs prendront le départ, dimanche matin, depuis la place de la Vieille-Ville, du 25e marathon de Prague. Un anniversaire qui est l’occasion de rappeler l’histoire d’une course considérée par beaucoup comme un des plus beaux marathons urbains au monde.
« Si vous voulez gagner quelque chose, courez un 100 mètres. Si vous voulez changer votre vie, courez un marathon », prétendait-il. On ne peut pas évoquer l’histoire du marathon de Prague sans citer le plus célèbre des coureurs tchèques : l’inégalé Emil Zátopek. Le vainqueur du marathon olympique d’Helsinki en 1952 a en effet grandement concouru à l’organisation de la première édition du « pražský maraton » en 1995, comme s’en souvient, dans son tchèque aussi inimitable que l’était le style de course de Zátopek, Carlo Capalbo, un Italien « un peu cinglé » comme il se définit lui-même :
« Vous savez très bien ce qui se dit sur Prague, la cité dorée : que c’est une des plus belles villes au monde, qu’il y a une excellente bière, le cristal de Bohême et de superbes filles… Les Italiens raffolaient de Prague dans les années 1990, et comme j’y travaillais, de nombreux amis venaient pour y passer un peu de bon temps. Parmi eux, il y avait Gelindo Bordin, le vainqueur du marathon olympique de Séoul en 1988. Un samedi après-midi, on buvait quelques bières dans une brasserie et c’est lui qui a eu cette idée : ‘Carlo, pourquoi tu n’organiserais pas un marathon à Prague ?’ Je pensais qu’il n’était pas sérieux. ‘Moi ? Un marathon, Gelindo ?’ »
Chopes de bière aidant, comme Carlo Capalbo se plaît volontiers à le rappeler aux médias tchèques lorsque, chaque année, ceux-ci lui demandent de raconter la genèse de la course, l’idée a néanmoins rapidement fait son chemin malgré le doute de celui qui, depuis, occupe les fonctions de président de la société organisatrice du marathon :« ‘Carlo, tu sais ce que je vais faire ? Je vais appeler Emil Zátopek’, m’a alors dit Gelindo. Il l’a donc appelé… ‘Salut Emil, comment ça va ?’ Et en fin d’après-midi, nous étions déjà chez les Zátopek dans leur maison à Trója (un quartier de Prague, ndlr). Nous avons eu droit à du gâteau, à un verre de slivovice, mais surtout, je suis reparti de chez eux avec le premier parcours du marathon de Prague dessiné sur un bout de papier par monsieur Emil Zátopek en personne. »
Vingt-cinq ans plus tard, le parcours emprunté a bien changé et n’a plus grand-chose en commun avec celui imaginé par l’ancien quadruple champion olympique et emprunté en 1995 par 958 courageux. Ainsi, lors des premières éditions, le départ était donné de la place Venceslas. Depuis quelques années, il l’est depuis la place de la Vieille-Ville, théâtre aussi de l’arrivée au bout d’un tracé qui emprunte notamment le pont Charles, passe par le quartier de Malá Strana, le bas de la place Venceslas, contourne le Théâtre national, passe sous Vyšehrad tout en longeant et traversant la rivière Vltava à plus de dix reprises. Des boucles et reboucles dans le centre historique qui plaisent aux coureurs, comme le confirmait Liliane, au micro de Radio Prague, il y a deux ans de cela :
« Oui, tout à fait, parce qu’on passe vraiment dans le cœur de la ville et sur le pont Charles. Il y a vraiment plein de belles choses à voir et j’ai même eu l’occasion de parler un peu avec une personne dont j’ai fait la connaissance le temps de la course. Il y avait la Maison dansante, donc on apprend plein de choses tout au long du parcours, c’est vraiment très agréable. »
Ce parcours « agréable » et touristique malgré les nombreux pavés - mais aussi relativement rapide comme en témoigne le temps de 2h05’39 signé par le Kenyan Eliud Kiptuani en 2010 - explique en grande partie le succès du marathon de Prague auprès des coureurs étrangers. Selon les organisateurs, pas moins de deux tiers des inscrits proviennent d’une soixantaine de pays du monde entier. Ancien directeur du marathon des Alpes-Maritimes Nice-Cannes et membre de l’Association internationale des marathons et des courses sur route (AIMS), Bruno Boukobza nous avait confirmé cette version lorsque nous l’avions rencontré à la mairie de Prague il y a quelques années de cela :« Beaucoup de Français viennent courir à Prague parce que c’est à une heure et demie de chez eux. Cela donne envie de venir dans des conditions de qualité qui font de Prague une des meilleures courses au monde, et pas forcément par son nombre de participants puisque les organisateurs sont limités par la place. D’ailleurs, les coureurs français comptent régulièrement parmi les représentants étrangers les plus nombreux à Prague. »
Et à n’en pas douter, malgré une météo annoncée maussade, ils le seront de nouveau dimanche matin lorsqu’il s’agira de s’élancer sur l’air du poème symphonique Ma Patrie de Bedřich Smetena, autre symbole, avec Zátopek, du marathon de Prague.