« Babicka » : un classique revisité par Vlasta Chramostova

Vlasta Chramostova dans le rôle de la grand-mère, photo: Viktor Kronbauer

On dit de ce roman qu’il est l’un des ouvrages fondamentaux de la littérature tchèque. Pourtant, combien d’élèves tchèques ont renâclé à lire Babicka, Grand-mère, de Bozena Nemcova, parce que comme tous les classiques, les lectures obligatoires ne font guère d’émules ? Une autre manière d’aborder l’œuvre de la George Sand tchèque, c’est au théâtre.

Le roman a déjà été plusieurs fois adapté, mais c’est la première fois qu’il est présenté au Théâtre national. Avec dans le rôle de la grand-mère, une grande dame des planches, Vlasta Chramostova. Jouer Babicka est d’ailleurs un moment assez particulier pour la comédienne, on l’écoute :

« En ce qui me concerne, Babicka est mon tout dernier rôle au théâtre, donc cela représente beaucoup d’émotion pour moi. Et pour moi, Babicka est aussi une source d’émotion spéciale. J’évoque toujours Frantisek Halas à ce propos, et j’embête tout le monde en récitant ses vers. Car dans les temps les plus difficiles, Babicka nous a toujours aidés à tenir le coup, elle a soutenu Halas pendant la guerre, elle nous a soutenus pendant la normalisation et peut-être que nous aussi, aujourd’hui, on tiendra le coup grâce à Bozena Nemcova. »

Publié pour la première fois en 1855, écrit en tchèque et non pas en allemand, l’ouvrage clé de Bozena Nemcova décrit la grand-mère de l’auteur, offrant le portrait d’une vieille femme pleine de chaleur. De cette femme simple et affectueuse, Bozena Nemcova fait un symbole de la vie dans la campagne tchèque sous la monarchie austro-hongroise.

Comme tant d’autres, Vlasta Chramostova avoue avoir redécouvert le personnage de la grand-mère à l’occasion de ce rôle :

« D’un seul coup, je me suis rendue compte que la caractéristique principale de la grand-mère avait dû être sa grande force humaine. C’est comme cela que j’ai trouvé la clé pour la comprendre. Donc peut-être que mon interprétation sera plus atypique. Mais je ne pense pas que je détruise complètement la représentation que l’on s’en fait. Je ne fais qu’ôter un peu de pathos car la grand-mère était une femme travailleuse, très forte et pleine de sagesse. Il y a un dicton arabe qui dit que les yeux qui ont beaucoup pleuré voient beaucoup. Cela correspond à la grand-mère et à Bozena Nemcova. »

Outre une chronique détaillée de la vie paysanne, l’adaptation théâtrale du roman est aussi l’occasion de se rappeler de la personnalité de Bozena Nemcova, à une époque où les femmes de lettres n’étaient pas monnaie courante. Pour Lenka Kolihova-Havlikova, qui a adapté le texte au théâtre, c’est justement cet accent mis sur le rôle et la situation des femmes qui en fait une histoire qui nous parle encore aujourd’hui. Elle détaille pour nous les thèmes porteurs de l’histoire :

« Nous nous sommes concentrés sur la compréhension de la grand-mère en tant que telle, comme une femme qui s’est battue toute sa vie, qui a toujours défendu ses opinions. C’est un thème qui est souvent occulté au profit de l’interprétation de la gentille grand-mère. Autre thème important, la vie religieuse et la joie typique de l’époque Biedermeier des petites choses du quotidien. Enfin, il y a ce thème du destin féminin qui traverse tout le roman : comment le monde des femmes se confronte au monde des hommes et même au monde de la politique. »

La première de Babicka, au Théâtre national, a lieu ce jeudi 13 décembre.