« Bathory », un thriller dont le tournage s'est lui-même terminé par un crime
Même en République tchèque, où le téléchargement illégal de films avant leur sortie en salle est chose courante, la nouvelle en a surpris plus d'un : en mars dernier, deux Pragois avaient volé la copie travail du film « Bathory », une superproduction internationale réalisée par le cinéaste slovaque de renom Juraj Jakubisko (« L'Abeille millénaire », « Assis sur ma branche, je suis bien »). Ils ont ensuite fait chanter la productrice pour environ 20 000 euros en menaçant de rendre le film disponible sur Internet. Le 11 juin, l'affaire a été soumise au tribunal de Prague 1.
« Bathory », ce « thriller historique » raconte la vie d'un personnage réel, à savoir la mystérieuse comtesse hongroise Elisabeth Bathory. Une femme vampire, à en croire les rumeurs, qui aurait torturé par plaisir plus de 600 jeunes filles... Le film, qui devrait sortir sur les écrans tchèques et européens en octobre prochain, fait parler de lui depuis longtemps. Tout d'abord parce que cette coproduction tchèque, slovaque, hongroise et britannique, tournée entièrement en anglais et dotée d'un budget de 11 millions d'euros, passe pour le film le plus cher jamais réalisé en Europe centrale et orientale. Depuis le premier clap, en décembre 2005, l'équipe, qui comptait plusieurs centaines d'acteurs et de figurants, s'est déplacée dans une vingtaine d'endroits différents. Si, au cours du tournage, le réalisateur Juraj Jakubisko et son épouse Deana, la productrice, ont été confrontés à d'importants problèmes financiers, ils ont dû aussi modifier le casting : c'est finalement l'actrice britannique de la « Saga Goal », Anna Friel, qui campe le rôle principal. Elle a remplacé la Néerlandaise Famke Janssen, qui s'est retirée du projet lorsque celui-ci en était encore à son début.
Le coup le plus dur pour l'équipe : au mois de mars de cette année, alors que le film était en postproduction, Jan Milic et Karel Lupomesky, tous deux issus du milieu du cinéma, se sont donc emparés de la copie du film directement dans les studios pragois de Barrandov et ont ensuite fait chanter la productrice en lui réclamant un demi million de couronnes tchèques. « Dorénavant, je serai beaucoup plus vigilante en choisissant mes collaborateurs », a-t-elle déclaré, le premier choc passé. « La lutte contre le piratage de films est vaine. On doit s'y faire... C'est comme un phénomène naturel », a constaté, à son tour, son collègue Tomas Hoffman, producteur du nouveau film tchèque « Roming ». Il est persuadé que la fuite des copies illégales de son film qui circulent depuis plusieurs semaines sur Internet a eu lieu lors de la postproduction.Les voleurs de la copie de « Bathory », accusés de violation des droits d'auteurs et de chantage, risquent, d'après la décision du procureur, jusqu'à trois ans de réclusion criminelle. Sans oublier que le fantôme de la « comtesse sanglante » peut toujours faire son apparition pour se faire justice lui-même...