« Bite the Bullet », une exposition qui ne manque pas de mordant à la Meet Factory
Jusqu’au 9 juin, allez « mordre la balle » à la Meet Factory. « Bite the bullet », c’est le nom de l’exposition surprenante d’un duo détonant : Michal Baror et Amalia Vargas. Radio Prague a découvert l’exposition, en compagnie de l’artiste colombienne.
La porte se referme, le bruit du trafic s’amenuit et vous pénétrez au cœur d’une exposition aussi retorse que malicieuse. « Bite the Bullet », dans un espace pourtant restreint, ne manquera pas de bouleverser le visiteur. Ici, les illusions entrent en lice avec la réalité ; ce que vous preniez pour une colonne d’amphores en terre cuite se révèle être une trompeuse pile de plastique…
Aux murs sont suspendus des tableaux et des photos, au milieu desquels se glissent des détails subtilisés à des œuvres classiques. Cette main, qui fait tache dans le paysage, vous la reconnaîtrez peut-être ou ce montage apparemment de bric-et-de-broc vous rappellera sans doute quelque chose… Voilà comment, dans un carré, vous déambulerez étonnés entre sculptures fallacieuses et montages hasardeux : en somme, une rencontre insolite d’objets hétéroclites.
« Bite the Bullet », ce n’est pas un simple revers de la réalité, traité avec humour, certes, mais non sans violence. C’est aussi un hommage à la scène d’ouverture de Certains l’aiment chaud, de Billy Wilders. Dans une folle course-poursuite, la police tire sur un corbillard. Mais du cercueil atteint par les balles, c’est un liquide qui jaillit ! Outre la surprise farcesque, puisque le cercueil ne renferme pas un cadavre mais des bouteilles d’alcool en période de Prohibition, Amalia Vargas remarque aussi l’horreur qui se dégage de l’image : le cercueil, selon elle, est devenu le corps. Dans cette sombre alchimie, l’alcool en serait le sang.Si l’humour est omniprésent dans l’œuvre d’Amalia Vargas, qui aime à détourner nos représentations ou les fonctions que l’on attribue aux lieux, une autre fascination la préoccupe également : notre relation à l’espace, aux lieux. C’est pourquoi le motif de la « finca », cette maison typique de sa Colombie natale, est si importante pour elle.
« J’ai travaillé sur ce sujet-là, la ‘finca’, cette maison familiale un peu retirée de la ville, parce que je suis née en Colombie, où vit encore une partie de ma famille. En 2000, les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) ont décidé de prendre notre ‘finca’ familiale, située dans la Sierra Nevada. »« Pour moi, construire ces sortes de cabanes ou de logis, comme un enfant construirait son petit temple, c’était une manière intéressante de projeter la ‘finca’ perdue dans d’autres pays. D’abord en France puis à Prague, je reconstruisais ainsi quelque chose pour moi. »
La « finca » est un motif qu’Amalia Vargas reprend et détourne à souhait en fonction de l’endroit où elle est. Lors de son premier séjour à Prague, qui a d’ailleurs signé les débuts d’une fructueuse collaboration avec Michal Baror puisque les deux artistes se sont rencontrées ici, à la Meet Factory, Amalia Vargas a réutilisé un motif bien pragois - le bar - pour en faire sa « finca » tchèque.
« A la base, mes ‘fincas’ n’avaient pas de fonction : à l’intérieur, c’était vide, c’était surtout une sorte de projection personnelle. Mais ici, pour cette Finca-water of Prague bar, j’ai construit un bar et je servais au public des gobelets contenant un pavé de Prague. »
« On en revient à l’idée du liquide qui se fixe, avec ces pavés que l’on trouve partout dans la ville et qui en sont un emblème. C’est une sorte de souvenir ‘à consommer’ ! Je ne sais pas si les gens l’ont gardé, mais je l’espère. C’est un peu comme une sculpture à emporter. »« Je trouve les bars de Prague très intéressants, surtout ceux qui sont encore assez authentiques : ils sont révélateurs de la culture de la bonne bière tchèque, de la convivialité et de la rigueur des serveurs tchèques au caractère prononcé. Et j’aime ça, j’aime bien quand on ne se contente pas d’être gentil et superficiel. »
« Par exemple, il y a un super bar en face de la Meet Factory. Il est tenu par une vieille dame dont la voix est complètement rauque, on peut encore fumer à l’intérieur… Si on a l’impression de voyager dans un temps qui reste encore le nôtre, c’est grâce à ce genre d’endroit. »
En guise de mot de fin, une recommandation d’Amalia Vargas pour les amateurs d’art contemporain : la galerie Berlínskej model (Modèle berlinois, en français), à deux pas du parc de Letná et qui expose régulièrement des artistes tchèques.