Bohumil Gregor, homme qui a fait resplendir la musique de Janacek

"Je n'aime pas dire que je suis un spécialiste de la musique de Janacek. Si on me la demandait partout et si je savais probablement bien l'interpréter, c'est autre chose," a dit le chef d'orchestre Bohumil Gregor dans une interview. La vie de cet artiste exceptionnel né en 1926, s'est achevée le 4 novembre dernier. Avec son départ se termine un chapitre important de l'art d'interprétation tchèque.

Bohumil Gregor, photo: CTK

En 1951 Bohumil Gregor dirige Jenufa de Leos Janacek au Théâtre national de Prague. C'est pour la première fois qu'on lui confie un opéra de Janacek qui sera le compositeur de sa vie. Il dirigera ses oeuvres non seulement à Prague et dans d'autres villes tchèques mais aussi dans les plus grands centres d'art lyrique du monde. Curieusement, c'est à l'étranger, à Stockholm où il travaille dans la seconde moitié des années soixante, qu'il découvre ses affinités avec Janacek. "Lors des répétitions pour l'Affaire Macropoulos en suédois, je me suis rendu compte, dira-t-il, que la seule méthode pour faire apprendre leurs rôles aux chanteurs suédois, dont la célèbre soprano Elizabeth Söderström, était de les leur chanter sans arrêt en tchèque et de leur expliquer les situations dramatiques. C'est là où j'ai réalisé que la musique de Janacek prend source dans le théâtre, dans l'action dramatique, dans le texte."

Stockholm, mais aussi Hambourg et San Francisco, dans les années soixante et soixante-dix, Amsterdam entre 1972 et 1989, Washington, Berlin, Cologne sur le Rhin, Zurich, Genève - telles sont les escales principales de la carrière de Bohumil Gregor qui dirige Smetana, Martinu, Dvorak, Puccini, Verdi, Strauss, au moins une centaine d'opéra différents. Il revient cependant toujours à Prague et à son Janacek, dont il devient un interprète privilégié. Sous sa baguette les partitions des opéras Jenufa, La petite renarde rusée, De la maisons des morts, l'Affaire Macropoulos renaissent à une nouvelle vie. Il ne néglige jamais les chanteurs, comme le font parfois d'autres chefs soucieux avant tout de la musique instrumentale. Et les opéras de Janacek le lui rendent bien, car ils deviennent des drames saisissants qui émeuvent des publics de nombreux pays.

Dans sa conception de La petite renarde rusée, il déploie avec une netteté extraordinaire, toute une palette des sons, des couleurs et des petites voix, par lesquels Janacek évoque la nature resplendissante et éternellement renaissante. Heureusement il nous reste le disque. Les opéras de Janacek ont été enregistrés par plusieurs grands chefs d'orchestre, dont notamment Sir Charles Mackerras et Vaclav Neumann, mais les enregistrements de Bohumil Gregor sont inimitables grâce à leur précision, leur souci du détail, leur force évocatrice.