Bras de fer entre les autorités locales et des habitants d’un ghetto rom en voie de liquidation
C’est un bras de fer qui oppose depuis samedi la municipalité d’Ostrava, en Moravie du Nord, et les habitants d’un ghetto rom d’un quartier de la ville. Appelés vendredi à quitter les lieux dès le lendemain pour des raisons sanitaires, certains habitants refusent d’abandonner leur logement.
« Je n’ai pas pu faire réparer les canalisations tout seul. Quand j’ai demandé un devis à une société locale, on m’a répondu que cela coûterait 20 millions de couronnes. Ce qui n’est pas du tout dans mes moyens financiers. Je ne sais pas comment je pourrais intervenir sur des canalisations qui appartiennent à quelqu’un d’autre. Les autorités locales ne m’ont pas aidé une seule fois, et en plus elles font de la désinformation dans les médias en disant que les canalisations sont sujettes à un conflit de propriété, alors que ce n’est pas vrai. »
En attendant, cela fait des mois que les habitants de ce que l’on ne peut nommer autrement que ghetto vivent dans des conditions d’hygiène déplorables. La municipalité, elle, rejette la faute à la fois sur les fonctionnaires d’Etat responsables et sur le propriétaire des immeubles. Et, devant le fait accompli, évoque le relogement de certains habitants. Tomáš Kuřec, maire-adjoint d’un district d’Ostrava :« Nous avons prévu à temps et à l’avance de reloger toutes les familles de ce ghetto dans des centres d’hébergement privés. »
Les autorités locales avaient donné aux familles jusqu’à samedi minuit pour faire leurs bagages. Mais quelque 140 personnes sont restées dans le ghetto de Prednádraží, arguant qu’elles étaient chez elles et payaient leur loyer, quand bien même nombre d’entre elles n’ont pas de contrat de location en bonne et due forme. Pendant le week-end, les habitants ont même mis la main à la pâte et décidé de réparer certains des problèmes pointés du doigt dans l’avis d’expulsion. Pour Kumar Viswanathan, président de l’association Vivre en commun (Vzajemné soužití), les pouvoirs publics, tant au niveau de l’Etat que de la municipalité, ont clairement failli à leurs devoirs. Selon lui, le relogement ne résout rien :
« Ce n’est pas une bonne solution. Evidemment, une partie des habitants sont prêts à partir, parce que leur vie n’est qu’une suite de relogements en centres d’hébergement. Ils voient cela comme un nouveau déménagement auquel ils sont habitués. Mais il y a plusieurs familles de Roms tchèques qui vivent ici depuis très longtemps, parfois vingt ou vingt-cinq ans. Ces gens ne veulent pas abandonner leur maison, ils disent qu’ils ne partiront pas. On leur a dit que l’électricité et le gaz seront coupés mardi. Ils n’ont plus d’eau courante depuis vendredi, mais nous leur avons installé une citerne. »Chargée des droits de l’homme au sein du gouvernement, Monika Šimůnková regrette que la situation du ghetto de Prednádraží soit allée si loin :
« Franchement, je pense que cela n’était pas nécessaire. Cette situation montre bien que si le problème de l’exclusion sociale en République tchèque n’est pas géré systématiquement dans son ensemble, on se retrouve dans des cas comme celui-ci. C’est une des pires variantes, où des familles vont se retrouver dans une situation précaire dont ils vont difficilement se sortir s’ils se retrouvent en centre d’hébergement. Il est toujours compliqué de trouver le responsable, mais d’après mes informations, je pense qu’une grande partie de la responsabilité revient à la mairie d’Ostrava. Le problème principal, ce sont les canalisations. La mairie était au courant depuis longtemps, et en dépit de ses arguments sur les questions de propriété de celle-ci, elle aurait dû réagir aussi vite que pour l’avis d’expulsion qui a été expédié. »Un an après les émeutes de Šluknov dans le nord de la République tchèque, cette nouvelle affaire montre bien que les localités défavorisées et les zones d’exclusion sociale restent un problème persistant dans le pays. Ce lundi après-midi, des fonctionnaires sont à nouveaux venus contrôler les habitants du ghetto pour les mettre en garde qu’ils restaient à leurs risques et périls. Toute décision d’intervention éventuelle a été remise à plus tard dans la semaine.