Přednádraží : à Ostrava, un ghetto peut en cacher un autre

Přednádraží, photo: CTK

Le « ghetto » de Přednádraží vit certainement ses dernières heures. Ce quartier situé dans la ville d’Ostrava, en Moravie du Nord, incarne à l’heure actuelle les problèmes du système locatif en République tchèque. Deux cents personnes d’origine rom y habitaient dans des conditions insalubres jusqu’à ce que la mairie d’Ostrava prenne la décision de les expulser l’année dernière. Leur progressive évacuation pose néanmoins la question du fonctionnement du logement social dans le pays.

Přednádraží,  photo: CTK
La décision prise par la municipalité d’Ostrava d’évacuer le quartier de Přednádraží en août 2012, s’était confrontée à la résistance de la quarantaine de familles, toutes rom, y vivant à cette époque. Pourtant, les conditions sanitaires étaient plus que problématiques : canalisations défectueuses, problèmes d’évacuation des eaux d’égout, moisissures dues à l’humidité de certains logements inondés. Rapidement, des associations ont protesté face à cette situation, critiquant notamment le fait que la mairie n’ait jamais songé à réhabiliter ou au moins à entretenir un minimum ce quartier avant de prendre les actuelles mesures d’expulsion. Fin avril, le propriétaire des lieux voulait signer un nouveau contrat de location avec les habitants, mais l’autorité du bâtiment a refusé le renouvellement du bail pour des raisons sanitaires. Le propriétaire s'est donc tourné vers la police pour procéder à l’évacuation totale des lieux, avant leur démolition.

Přednádraží,  photo: CTK
Les deux familles habitant encore le numéro 8, la dernière maison encore non démolie de ce quartier, considéré comme un ‘ghetto’ par une grande partie des médias tchèques, ont quitté leur logement ce mercredi matin. Leur départ définitif devrait entraîner la destruction de cet ultime immeuble. Dans le même temps, des personnes, dont certaines sans domicile fixe, continuent de démonter le bâtiment, afin de monnayer n’importe quel objet restant dans l’immeuble, presque désaffecté. En deux jours seulement, une grande partie de la toiture a disparu. L’électricité y est coupée depuis plusieurs mois. Les autres habitants ont quitté précipitamment le site pour s’installer dans des appartements dans le quartier de Hrušov. Même si l’accès à l’eau courante ainsi qu’à l’électricité devrait bientôt être possible, Hrušov ressemble fort à une deuxième Přednádraží pour les nouveaux arrivants.

Přednádraží,  photo: CTK
Habitant du quartier de Přednádraží pendant de longues années, David s’est résolu à ne pas s’installer à Hrušov:

« Je préfère aller dans une auberge. Pour moi, ce sera mieux que dans cette jungle. C’est la même chose, je ne sais pas à quoi m’attendre. »

Kumar Wishvanathan  (à gauche),  photo: CTK
Cette proposition de logement provisoire constitue d’ailleurs une location normale et ne fait pas partie d’un programme de logement social. Le loyer sera donc toujours un grand fardeau pour la majorité des locataires.

Président de l’association « Vivre en commun » -« Vzajemné soužití », Kumar Wishvanathan espère que la mairie d’Ostrava va finir par aider ces familles. Selon lui, les pouvoirs publics, tant au niveau de l’Etat que de la municipalité, ont clairement failli à leurs devoirs :

Přednádraží,  photo: CTK
« La région d’Ostrava dispose de 300 appartements inhabités. Nous attendons toujours et espérons que la région va réagir. »

Une situation que différentes associations pointent du doigt. Les promesses d’allocations logement faites à ces membres de la population rom n’ont toujours pas été concrétisées. Kumar Wishvanathan souligne que l’attribution d’un logement est pervertie par un mauvais discernement :

Kumar Wishvanathan  (à gauche),  photo: CTK
« Je dirais que le critère principal du choix est celui de la discrimination contre les ‘inacceptables’. Par exemple, les retraités peuvent obtenir un logement, mais les femmes seules élevant des enfants ne le peuvent pas, parce qu’elles n’ont pas de travail. »

Comme le montre l’importante médiatisation autour du quartier de Přednádraží, le débat en République tchèque réduit souvent la question du logement social aux problèmes que rencontre la population rom. Mais d’autres catégories comme les jeunes et les personnes handicapées rencontrent de plus en plus de difficultés pour trouver un logement décent.