Cannes 2009 : une première fiction tchèque à la CinéFondation

'Bába'

Dans la deuxième partie de cette émission, rencontre avec Zuzana Špidlová. Alors que vient de s’ouvrir le 62e Festival de Cannes, cette jeune réalisatrice tchèque va présenter cette semaine son court-métrage Bába dans le cadre de la CinéFondation, la section étudiante du festival. Un événement car depuis sa création en 1998, c’est la première fois qu’un film de fiction tchèque y est présenté. Alors qu’on déplore souvent la pauvre qualité des dernières productions tchèques au cinéma (animation exceptée), cette sélection serait-elle le signe d’un renouveau au sein de la FAMU ? D’une génération montante de cinéastes ? L’avenir le dira. En attendant, Zuzana Špidlová nous rappelle comment est né son court-métrage :

« Il faut dire que c’est un film d’école. Il a été réalisé à la FAMU comme un exercice de troisième année. Il est né de mes expériences personnelles mais aussi de recherches que j’ai faites dans des hospices. J’y ai parlé avec des infirmières et des gens malades. »

Rappelez-nous l’histoire de ce court-métrage...

« C’est l’histoire d’une fille de 17 ans qui doit s’occuper de sa grand-mère malade. Elle n’est pas contente parce qu’elle le fait depuis longtemps. Elle reste enfermée dans cet appartement. Elle vit seulement avec sa mère, doit s’occuper toute seule de la grand-mère et peu à peu elle commence à la détester. »

C’est intéressant car il se présente sous forme d’une sorte de huis-clos très féminin. Il n’y a qu’un personnage masculin, le jeune voisin de cette fille de 17 ans. Mais tous les autres rôles sont féminins et ce sont trois générations : la fille de 17 ans, la mère et la grand-mère. C’était important pour vous ce point de vue féminin ?

'Bába'
« Oui, c’est très important pour moi. Je ne sais pas trop écrire des personnages masculins. Je suis une femme, je m’intéresse à tous les aspects psychologiques, aux rapports entre les personnes, donc je ne peux pas trop imaginer une perception masculine. »

Ce qui m’a frappée dans votre court-métrage, c’est vraiment la cruauté des rapports, entre la mère et la fille, et surtout entre la fille et la grand-mère. Cette jeune fille qui s’occupe de la grand-mère est cruelle, elle n’a pas beaucoup d’égards vis-à-vis de cette vieille dame mourante. C’est quelque chose que vous avez observé ?

« Oui, c’est quelque chose que j’ai observé. Bien sûr, comme c’est un court-métrage, c’est peut-être un peu exagéré. Enfin, ‘exagéré’ n’est pas le bon mot, mais ‘concentré’. Si c’était un long métrage, ça ne paraîtrait peut-être pas aussi cruel, mais comme c’est court, c’est très concentré et donc plus cruel. Mais je pense que la vie est comme ça, avec cette routine. Il faut s’imaginer que cette fille a 17 ans et ne sait pas quoi faire de sa vie. Elle est en pleine adolescence. En même temps elle doit être responsable. Je pense que c’est naturel qu’elle devienne cruelle. »

'Bába'
Est-ce que c’est quelque chose qui se passe plus en République tchèque ? Ce qui m’a également frappée, c’est que ces générations cohabitent dans un même appartement, et c’est quelque chose qu’on voit encore beaucoup ici, en République tchèque, des familles, deux générations qui vivent sous le même toit. J’aurais tendance à dire qu’on voit moins cela en France. Ce qui est peut-être aussi triste puisque ces personnes âgées finissent en institution et non pas à la maison. Est-ce pour vous quelque chose de particulier à la République tchèque ?

'Bába'
« Je ne dirais pas que c’est particulier à la République tchèque. Partout en Europe la population vieillit. C’est un problème actuel. Il n’y a pas assez d’institutions d’accueil. C’est très dur d’y trouver une place. En plus, quand on y voit parfois les conditions, on n’a pas forcément envie de laisser son père, sa mère, sa grand-mère à l’hospice. Comme la mère de la fille est infirmière, elle pense sans doute au début qu’elle peut s’occuper de la grand-mère et tout faire elle-même, mais peu à peu ça devient un enfer. »

Votre court-métrage a été sélectionné dans le cadre de la CinéFondation. Il faut rappeler que la Cinéfondation est une espèce d’observatoire de la création étudiante dans le monde, qui est une section parallèle à Cannes. Elle cherche à découvrir les futurs talents du cinéma de demain. C’est assez prestigieux, et de grands noms ont été révélés grâce à la CinéFondation. Et votre film est le premier film de fiction tchèque sélectionné à la CinéFondation. Jusqu’alors ce n’était que des films d’animation...

« C’est cela. Le cinéma d’animation tchèque est assez connu dans le monde. Il n’y a pas trop de problèmes pour les réalisateurs pour se présenter au festival car ils sont très demandés. Mais pour les films de fiction, c’est très difficile. Je suis la première depuis le début de la CinéFondation. J’en suis très fière... »

En 2007, j’avais discuté avec Laurent Jacob, président de la CinéFondation. Il m’avait dit à l’époque qu’il trouvait peu de choses intéressantes dans la création des étudiants de la FAMU, hors films d'animation, sauf quelques films réalisés par des jeunes femmes de la FAMU, comme vous. C’est peut-être là que se trouve la relève cinématographique de la FAMU, chez les femmes...

« A cette époque j’avais mon nom de jeune fille Kirchnerová. Il avait dit aussi dans un journal qu’il n’avait presque rien aimé, sauf les films d’une certaine Kirchnerová. C’est peut-être à ce moment-là qu’il s’est intéressé à mon travail. Je dois dire que j’aime bien les films de mes collègues, Jitka Rudolfová, Lenka Wimmerová. Je ne sais pas si c’est uniquement parce que je suis une femme que je m’intéresse à des problèmes de femmes. Laurent Jacob est un homme, donc j’espère que c’est quand même un peu plus universel. »

Très bien, bonne chance à Cannes alors !

« Merci ! »

Et en effet, en 2007, Laurent Jacob m’avait confié avoir apprécié le travail de Zuzana Špidlová tout comme celui de Lenka Wimmerová. La patience a payé, Zuzana part pour Cannes. Résultat à la fin de cette semaine...