Cannes – Cinéfondation : contre le consumérisme avec les Pandas

'Pandas', photo: Nutprodukce

C’est dimanche dernier que s’est achevée la 65e édition du Festival de Cannes. S’il a pour but de présenter essentiellement des longs métrages de fiction, la section Cinéfondation, elle, s’intéresse aux œuvres des étudiants sortant des écoles de cinéma. Cette année, deux courts-métrages, représentant la République tchèque, ont été présélectionnés parmi 1550 candidats. Et c’est un jeune réalisateur slovaque, défendant toutefois les couleurs tchèques, qui a attiré les lumières des projecteurs sur lui, en gagnant le troisième prix.

'Pandas',  photo: Nutprodukce
L’Anglais Charles Darwin, célèbre pour sa théorie de la sélection naturelle, a un jour déclaré : « Ce n'est pas le plus fort de l'espèce qui survit, ni le plus intelligent. C'est celui qui sait le mieux s'adapter au changement ». C’est avec cette phrase que commence l’histoire des « Pandy » (des Pandas en français). Issu de la coproduction entre le Slovak Audiovisual Fund et l’Ecole de cinéma tchèque, la FAMU, le premier film d’animation de 11 minutes du Slovaque Matúš Vizár a été récompensé par une troisième place, qu’il a partagée avec le court-métrage roumain « In acvarium ». Le réalisateur nous familiarise avec l’histoire insolite de ce court-métrage, interpellant et provoquant. Matúš Vizár :

Matúš Vizár,  photo: Nutprodukce
« Le thème principal du film est que les pandas, en tant qu’espèce, sont arrivés à la conclusion que la vie ne les amusait plus. Mais ils ne sont pas complètement libres de réaliser leur projet, car les hommes continuent de les sauver contre leur gré. Les thèmes que j’ai introduits par la suite, je ne sais pas s’ils sont facilement lisibles, mais ils évoquent la complexité du monde, et le fait de ne pouvoir complètement prévoir les conséquences de nos actes. Tout peut arriver. Le film évoque également le fait que les hommes n’attribuent pas la même valeur aux diverses espèces animales. Je crois aussi que le film s’intéresse à la question de l’évolution, au sens de la vie, et à la raison qu’a chacun de nous de se reproduire, de continuer à vivre, et de participer à des adaptations évolutives pour survivre. »

L’originalité de la conception animatrice et l’évolution inattendue du film ont assuré à son réalisateur le troisième prix et un succès international mérité. Grâce à une histoire poignante et sans dialogues, le film nous interpelle sur la façon de vouloir sauver des animaux à tout prix, et nous interroge sur la raison de certaines activités humaines, au détriment du bonheur des autres êtres vivants de la planète. Nous y retrouvons le reflet de notre société, où l’octroi d’une aide peut amener à dénaturaliser une espèce. La logique du sens et du non-sens est présente tout au long du film d’animation. Mais celui-ci n’a pas été le seul à défendre les couleurs tchèques. « Au sujet du jambon » (O šunce) de la jeune réalisatrice Eliška Chytková, était le deuxième court métrage sélectionné par la Cinéfondation, pour la compétition étudiante, et pourtant très prestigieuse, réunissant au total 17 autres concurrents. Petr Badač, le producteur de « Pandas », évoque le caractère exceptionnel de cette année :

'Pandas',  photo: Nutprodukce
« La plupart du temps, un seul film représente un pays, mais cette année la République tchèque est représentée par deux films, ce qui n’est pas habituel. Et nous sommes d’autant plus contents qu’il s’agit de deux films d’animation. Cela témoigne d’un très bon niveau de l’animation tchèque qui ne cesse de s’améliorer. Et j’espère aussi que le soutien des projets animés s’améliorera également, car ils participent de la bonne réputation de l’animation tchèque dans le monde entier ».

Inaugurée en 1998 pour soutenir la création cinématographique dans le monde et préparer la relève d'une nouvelle génération de cinéastes, la section Cinéfondation sélectionne des étudiants tout juste sortis des écoles de cinéma. Dimitra Karya, la directrice de la Cinéfondation, récapitule l’histoire de la participation tchèque dans le cadre de cette section.

'Pandas',  photo: Nutprodukce
« C’est la 16e année de la Cinéfondation. Depuis 1998, on a déjà invité 14 films tchèques : 5 fictions et 9 animations, donc 13 films de la FAMU et cette année, un film de l’Université Tomáš Baťa (le court-métrage « Au sujet du jambon», ndlr). Donc on peut dire que la République tchèque est très bien représentée à la Cinéfondation. 14 films en 16 ans, c’est un bon score ». Dimitra Karya a dévoilé la raison de sélection de ces deux films :

« Il s’agit de deux films d’animation assez brillants qui ressortaient du lot des films d’animation qu’on avait vus, et qui ont beaucoup de personnalité. C’est pourquoi ils se trouvent dans ce programme. »

Rappelons le succès de 2008 de la réalisatrice Zuzana Kirschnerová-Špidlová, qui avait gagné le premier prix de la Cinéfondation avec son court-métrage tchèque « Bába » (la grand-mère ou la vieille, ndlr), et rajoutons qu’en tant que gagnante, elle aura le privilège de montrer son futur long-métrage à Cannes.

Dans deux semaines, « Pandy », le film gagnant de cette édition sera également présenté au festival international du film d’animation d’Annecy, en France, réunissant des professionnels de l’animation. C’est pourquoi les réactions de ce public sont attendues avec impatience par le jeune réalisateur Matúš Vizár, qui fera sûrement encore parler de lui. A commencer par une tournée des festivals des films au Portugal et en Pologne.